Diferencia entre revisiones de «Historia de las bolsas de valores»

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La '''historia de las [[Bolsabolsa (economía)de valor|bolsas de valores]]''' traza la evolución de las grandes etapas cumplidas por las estructuras operativas de intercambio y por la valorización de [[Acción (finanzas)|acciones]] y [[Bono (finanzas)|obligaciones]], desde los siglos XIII y XIV hasta nuestros días.
 
Durante siete u ocho siglos, hemos asistido a la aparición y consolidación de procesos participativos, consistentes a interesar a diferentes personas, en tanto inversores, en la constitución y el financiamiento de diferentes empresas, en la organización de diferentes [[Mercado financiero|mercados]] (en detrimento de las [[Gremio|corporaciones]]), en la participación en diferentes formas de [[Especulación (economía)|especulación]], en el relacionamiento mutuo orientado a los intercambios, y en la regulación de este tipo de operativas a nivel internacional y a los distintos niveles nacionales, pasando incluso por la [[dematerialización]] y depersonalización de los correspondientes títulos.
 
En [[Extremo Oriente]] y desde el siglo IX, existieron cooperativas de tipo participativo, en relación al mercado del [[té]]. Pero en Europa, primero en las grandes ciudades comerciantes italianas y luego en las del [[mar Báltico]], donde nació el [[capitalismo]] moderno a impulso del desarrollo del comercio fluvial y marítimo, fue recién a partir de los siglos XIII y XIV que con fuerza se dio impulso a la circulación de riquezas (entre otras cosas por las necesidades de financiamiento de las [[Cruzadas]]), a la par que surgieron los primeros [[banco]]s en ciudades tales como [[Venecia]], [[Pisa]], [[Florencia]], [[Génova]] (principalmente en la época del [[Renacimiento]]).
 
== {{sp-|XIII|e|et|XIV|e}}s ==
=== Les moulins du Bazacle, première société par actions ===
[[Fichier:Toulouse - 2012-03-26 - Bazacle - 2.jpg|thumb|La chaussée du Bazacle aujourd'hui]]
C'est en [[1250]] que [[Toulouse]] a vu naître la première [[Entreprise|société]] dont les [[Action (finance)|actions]] pouvaient s'échanger, leur prix variant en fonction de la [[Conjoncture (économie)|conjoncture]] économique. [[La Société des moulins de Bazacle]] regroupait 60 [[Moulin flottant|moulins flottants]], dits à « nef », sur la [[Garonne]]. Ces moulins étaient répartis entre trois lieux distincts : "[[Port de la Daurade|La Daurade]]", "[[Parlement de Toulouse|Le Château narbonnais]]" et "[[Bazacle|Le Bazacle]]". La chaussée du Bazacle, faite de pieux de chêne, traversait en biais la [[Garonne]], sur une longueur de {{unité|450|mètres}}. [[Toulouse]], qui comptait entre {{formatnum:30000}} et {{formatnum:60000}} habitants, assurait les débouchés commerciaux de ces [[Moulin flottant|moulins flottants]].
 
Chaque associé recevait un [[Acte authentique en France|papier notarié]], en contrepartie de sa participation dans la [[Entreprise|société]]. En fin d’année, il touchait en nature, c’est-à-dire en [[farine]], sa part des [[bénéfice]]s. Les [[rentabilité|rendements]] pouvaient atteindre entre 10 % et 25 % par an.<ref>''Dictionnaire universel de France'', par Robert de Hesseln, [[1771]]</ref> Les [[Action (finance)|actions]] étaient échangées sur un [[marché libre]] comparable à la [[Bourse des valeurs|Bourse]].<ref>[http://leker.typepad.com/medievaliste/2006/03/index.html Critique de ''La Révolution industrielle du Moyen Âge'', de Jean Gimpel]</ref> Chaque année, une [[assemblée générale|assemblée]] était organisée pour élire les [[Administrateur de société|administrateur]]s, le [[trésorier]] et le receveur des grains.<ref>[http://www.fb-bourse.com/les-moulins-du-bazacle/ La première [[société par actions]] française: « La Société des moulins du Bazacle »]</ref> [[La Société des moulins de Bazacle]] est restée cotée jusqu'en [[1946]], sous le nom de Société toulousaine d'[[électricité]] de Bazacle.
 
=== Venise, première place pour l'échange de parts dans des navires ===
[[Fichier:Arsenale venezia entrata laterale.jpg|thumb|left|200px|Le canal de Porta Nova, entrée de l'Arsenal de Venise]]
À [[Venise]], le quartier du [[Rialto]] était proche d'une vraie bourse des valeurs, selon l’historien [[Fernand Braudel]]. Les marchands du grand commerce mondial y échangeaient des participations dans les [[Galère (navire)|galères vénitiennes]], divisées en « carats », et mises aux enchères.
Ce système de l’[[Incanto des galées du marché]]<ref>Doris Stöckly, ''Le Système de l'Incanto des galées du marché à Venise (fin {{s mini-|XIII|e}}-milieu {{s-|XV|e}}'', Brill, 1995, 434 p., {{ISBN|9004100024}} [http://books.google.be/books?id=znq5Akv5KXEC&pg=PA13&lpg=PA13&dq=giovanni+morosini&source=web&ots=VZHbeCuy-e&sig=_dM74-XQKDBa7lAzCmkCqqCqe-I&hl=fr Google Books]</ref> a permis à [[Venise]] d'entreprendre à partir du {{s-|XIV|e}} des aventures maritimes à très grande échelle.
À son apogée, au milieu du {{s-|XV|e}}, la ville armait une flotte évaluée à {{formatnum:6000}} [[Galère (navire)|galères vénitiennes]], permettant des convois réguliers pour sillonner la [[mer Méditerranée]]. Ce système est créé dès [[1283]], sous [[République de Venise|régie d'État]], deux ans après la difficile victoire de [[Chioggia]] contre [[Gênes]]. L'[[République de Venise|État vénitien]] recherche une taille suffisante pour assurer la sécurité de la [[lagune de Venise]]. Il faut attendre [[1315]] pour les premières enchères à but commercial, concernant les lignes menant à l'[[Angleterre]] et aux [[Flandre (terminologie)|Flandres]].<ref>[http://books.google.fr/books?id=znq5Akv5KXEC&printsec=frontcover&dq=%22carats+de+venise%22&source=gbs_summary_r&cad=0#PPA2,M1 ''Louis XIV face à l'Europe du Nord : l'absolutisme vaincu par les libertés'', page 17, par Hervé Hasquin]</ref> L'État vénitien en créé en [[1347]] une troisième menant à [[Alexandrie]], en [[1374]] une quatrième vers [[Beyrouth]], en [[1402]] une cinquième vers [[Aigues-Mortes]], puis en [[1436]] une reliant les ports de la [[Afrique|côte africaine]] à l'[[Espagne]]. La création de cette "Bourse du [[Rialto]]" stimule la [[Construction navale|construction des flottes marchandes]], qui nécessite, entre [[1303]] et [[1325]], le quadruplement de la superficie de l'[[arsenal de Venise]], premier [[Parc industriel|site industriel du monde]], protégé par une enceinte secrète de {{unité|25|hectares}}.
 
=== Bruges, première place européenne, relie Baltique et Méditerranée ===
[[Fichier:PanoBrug - IMG 6015 - IMG 6019 - 7525x1974 - CLIN 1.jpg|vignette|right|upright=1.8|La Grand-Place de Bruges.]]
[[Bruges]] était le grand partenaire commercial de [[Venise]], au moment où la cité italienne a étendu son rayonnement, mais aussi un précieux partenaire financier. La première [[Bourse des valeurs|Bourse]] moderne aurait ainsi été créée au {{XIIIe siècle}} à [[Bruges]],<ref>D'autres berceaux de la Bourse également cités sont le Portugal, l'Italie et l'Espagne (cf. {{Ouvrage|éditeur=Presse de l'Université du Québec|collection=Entrepreneuriat & PME||titre=Entrepreneuriat régional et économie de la connaissance|auteur=Pierre-André Julien|année=2005|isbn=2760513297|présentation en ligne=http://www.puq.ca/fr/repertoire_fiche.asp?titre=titres&noProduit=D1329|lire en ligne=http://books.google.fr/books?id=j7ywiGOCn-QC&printsec=frontcover|passage=322}})</ref> lorsque les représentants des comptoirs implantés dans la ville prirent l'habitude de se réunir devant l'hôtel de la famille Van der Buerse.<ref>cf. {{Ouvrage|éditeur=[[De Boeck Université]]|collection=Comptabilité, Contrôle & Finance|titre=Titres et Bourse|volume=1|titre volume=Valeurs mobilières|auteurs=Joseph Antoine, Marie-Claire Capiau-Huart, H. Olivier et H. Carpentier|année=1997|isbn=2804123456|issn=13730150|présentation en ligne=http://universite.deboeck.com/livre/?GCOI=28011100505370&fa=description|lire en ligne=http://books.google.com/books?id=67EuLyOdHvYC&printsec=frontcover&hl=fr|passage=22}}</ref>
Les principaux comptoirs, appelés « nations », se partageaient les maisons sur la place Ter Buerse. Une nation était une association de marchands étrangers, qui louait le plus souvent ses propres bâtiments. Les marchands y échangeaient les [[monnaie]]s de toute l’[[Europe]] et fixaient les prix futurs des marchandises, ce qui nécessitait d'anticiper l'évolution de l'offre et de la demande aux quatre coins du monde connu. « Des Espagnols, des Italiens, des Anglais, des Allemands, des Orientaux s’y rendent, bref, toutes les nations ensemble », racontent les carnets de voyage d’Hieronymus Muenze, un médecin allemand de [[Nuremberg]] en [[1495]]. [[Bruges]] a joué un rôle majeur dans la naissance du marché des valeurs.<ref>''À la Bourse. Histoire du marché des valeurs en Belgique de 1300 à 1990'', sous la direction de Geert De Clercq</ref> Sur fond de déclin des [[foires de Champagne]], elle a facilité aux Italiens l'accès à l’[[Europe du Nord]], au croisement des empires commerciaux italiens et du réseau de villes commerciales de la [[Hanse]].<ref>[http://www.nbbmuseum.be/fr/2010/01/stockmarket.htm « La Bourse : de Ter Buerse à Wall Street »]</ref>
 
== {{sp-|XV|e|et|XVI|e}}s ==
 
=== Anvers, première place mondiale, relie l'Inde à l'Amérique ===
Le port de [[Bruges]] s'ensabla et [[Anvers]] prit le relais grâce à son port sur l'[[Escaut]], alors principale artère fluviale des [[Flandre (terminologie)|Flandres]] et du [[Hainaut (région transfrontalière)|Hainaut]], les deux régions de l'[[Europe]] les plus actives. [[Anvers]] devient la capitale de l'[[imprimerie]] [[Christophe Plantin|Plantin]], après l'invention de la presse à imprimer par [[Johannes Gutenberg|Gutenberg]]. En [[1508]],<ref>''Civilisation matérielle, économie et capitalisme'', volume 3 - ''Le Temps du Monde'', par Fernand Braudel, page 171, [[Le Livre de poche]]</ref> la couronne du Portugal décide d'y installer la [[Feitoria de Flandres]], pour ses navires qui reviennent chargés d'[[épices]] des [[Indes orientales|Indes]], en longeant les côtes africaines. [[Anvers]] leur fournit l'[[Histoire des mines d'argent|argent des mines autrichiennes]] du [[Tyrol]], puis celui du [[Mexique]], car elle appartient à l'[[Empire espagnol]]. [[Anvers]] n'a pas de vraie banque, ni même de flotte de commerce. Il n'y est pas question d'écrire les [[dette]]s dans un seul [[comptabilité|livre de comptes]] comme à [[Venise]]. La place flamande développe alors les [[lettres de change]] qui peuvent être escomptées.<ref>Braudel, op.cit. p. 178</ref> L'achat à terme se développe : il arrivait « de plus en plus fréquemment » que la date des livraisons soient reportées, l'écart de temps « permettant d'escompter la hausse ou la baisse » du cours des marchandises.<ref>''Si la Bourse m'était contée'', par [[André Kostolany]], Julliard (1960), page 26</ref>
[[Fichier:Casa de la moneda.jpg|thumb|left|La Casa de la Moneda, où était frappé l'argent de Potosí, convoyé à travers l'océan jusqu'à Anvers]]
Vers le début du {{s-|XVI|e}}, les transactions se concentrèrent à [[Anvers]], qui devient une place pour les [[négociant]]s de tous les peuples et toutes les langues. La Bourse d'Anvers est un bâtiment, aujourd'hui disparu, de grande taille où se retrouvent marchands et financiers, espagnols et flamands, allemands et portugais, italiens et suédois. En [[1592]] apparut la première cote publiant la liste des [[matières premières]] cotées.<ref>''Si la Bourse m'était contée'', par [[André Kostolany]], Julliard (1960), page 125</ref> Très vite, les Espagnols amènent des marchandises de toute l'[[Amérique latine]], en particulier du [[Potosi]] péruvien après [[1560]] et les convois portugais poussent jusqu'au [[Japon]], convertissant au [[catholicisme]] la région de [[Nagasaki]].
 
=== Lyon, première place des emprunts publics à long terme ===
[[Fichier:Rue Mercière, partie sud.JPG|thumb|La Rue Mercière et ses voisines réunissaient une centaine d'imprimeurs de Lyon]]
[[Lyon]] fut en [[1540]] la première des [[bourses des valeurs régionales françaises]], qui ont d'abord été des [[bourse de commerce|bourses de commerce]]. [[Toulouse]] remonte à [[1549]] et [[Rouen]] à [[1566]]. Viendront ensuite [[Bordeaux]], [[Lille]], [[Marseille]], [[Nancy]] et [[Nantes]]. « Création des marchands italiens » comme [[Laurent Capponi]], venu de [[Florence]], [[Lyon]] centralise les nouveaux échanges sur les [[Effet de commerce en France|effets de commerce]] et l'[[escompte]],<ref>[http://www.edubourse.com/guide/guide.php?fiche=histoire-bourse-paris ''Histoire de la Bourse de Paris, de 1250 à 1900'', sur Edubourse.com]</ref> qui font le succès d'[[Anvers]] à la même époque. Spécialiste du [[commerce de gros]], grande organisatrice de foires depuis [[1463]],<ref>''Banque et pouvoir au {{s-|XVI|e}} : la surintendance des finances d'Albisse Del Bene'', par Marie-Noëlle Baudouin-Matuszek et Pavel Ouvarov, page 252</ref> [[Lyon]] est « censée donner la loi à toutes les autres places d'Europe».<ref>''Civilisation matérielle, économie et capitalisme, volume 3 - Le temps du Monde'', par [[Fernand Braudel]], page 398, [[Le Livre de poche]]</ref> Vers [[1550]], c'est une grande [[Histoire de la soie à Lyon|ville de soyeux]] et la capitale de l’[[imprimerie]] européenne, avec près de 100 ateliers dans la [[rue Mercière]] et ses voisines, même si nombre de marchands français s'établiront ensuite à [[Anvers]], nouvelle rivale.<ref>''Civilisation matérielle, économie et capitalisme, volume 3 - Le temps du Monde'', par [[Fernand Braudel]], page 180, [[Le Livre de poche]]</ref> Les banques italiennes de [[Florence]] et [[Lucques]], implantées à [[Lyon]], fusionnent : la [[Banque Gadagne]] est absorbée par les Capponi.<ref>[http://books.google.fr/books?id=_CqqCo7gaNEC&pg=PA274&dq=Laurent++Capponi&hl=fr&ei=IbccTvOiJsmd-waV07HdCA&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=5&ved=0CDoQ6AEwBA#v=onepage&q=Laurent%20%20Capponi&f=false "Bibliothèque de l'École des Chartes (Paris) Librairie Droz, page 275]</ref> Elles prêtent aux souverains espagnols et français qui se combattent. Le banquier [[Albisse Del Bene]], issu d'une famille d'exilés florentins est munitionnaire des armées et contrôle la levée des impôts dans toutes les régions de [[France]].<ref>[http://books.google.fr/books?id=_CqqCo7gaNEC&pg=PA274&dq=Laurent++Capponi&hl=fr&ei=IbccTvOiJsmd-waV07HdCA&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=5&ved=0CDoQ6AEwBA#v=onepage&q=Laurent%20%20Capponi&f=false "Bibliothèque de l'École des Chartes (Paris) Librairie Droz, page 269]</ref>
[[Fichier:56-aspetti di vita quotidiana,abbigliamento in seta,Taccuino.jpg|thumb|left|Marchands de soies à la Renaissance]]
[[Henri II de France|Henri II]] lance à [[Lyon]] en [[1555]] le [[Grand Parti de Lyon]], un [[emprunt (finance)|emprunt]] de deux millions d'[[écu (monnaie)|écus]] sur 11 ans, à [[Taux d'intérêt|intérêt]] de 16 %, « taux très supérieur aux précédents », de 12 % en moyenne.<ref name="Kostolany">Kostolany, p. 92</ref> Les trois-quarts de l'[[emprunt (finance)|emprunt]] sont d'anciens crédits, rassemblés et refondus. Jusque là, le [[Dette publique|déficit royal]] était comblé par des emprunts à trois mois, renouvelés à l'[[échéance]]. La plupart des créanciers suisses le boudent, jugeant l'échéance trop longue: ils envoient seulement 29000 écus à [[Lyon]].<ref>[http://books.google.fr/books?id=_CqqCo7gaNEC&pg=PA274&dq=Laurent++Capponi&hl=fr&ei=IbccTvOiJsmd-waV07HdCA&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=5&ved=0CDoQ6AEwBA#v=onepage&q=Laurent%20%20Capponi&f=false "Bibliothèque de l'École des Chartes (Paris) Librairie Droz, page 279]</ref> La nouvelle créance séduit cependant par sa clarté et sa visibilité. Pour souscrire, « des femmes vendirent leur bijoux, des domestiques engagèrent leurs économies » des « marchands turcs souscrivirent par l'intermédiaire de leurs hommes de paille {{unité|500000|écus}}».<ref name="Kostolany"/> Mais deux ans plus tard, sa valeur chute : la [[Histoire de l'Espagne#L'Espagne, puissance européenne et mondiale|banqueroute espagnole]] génère une défiance envers toutes les dettes publiques. Le 20 novembre [[1557]], peu après la prise de [[Cadix]] par des Anglais, [[Philippe II d'Espagne]] annonce qu'il cesse de payer les intérêts à ses nombreux créanciers, jusque-là rassurés par les colonies espagnoles du [[Mexique]] et du [[Potosi]], hauts lieux de l’[[histoire des mines d'argent]].
 
« Le bruit se répandit, grâce aux feuilles imprimées », aux « quatre coins de l'Europe».<ref>''Si la Bourse m'était contée'', par [[André Kostolany]], Julliard (1960), page 93</ref> [[Albisse Del Bene]] se fait le porte-parole de la communauté bancaire internationale. Il tente, sans succès, de convaincre [[Philippe II d'Espagne]] d'aménager sa dette.<ref>[http://books.google.fr/books?id=_CqqCo7gaNEC&pg=PA274&dq=Laurent++Capponi&hl=fr&ei=IbccTvOiJsmd-waV07HdCA&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=5&ved=0CDoQ6AEwBA#v=onepage&q=Laurent%20%20Capponi&f=false "Bibliothèque de l'École des Chartes (Paris) Librairie Droz, page 280]</ref> Après le [[krach]] de [[1557]], la banque [[Banque Gadagne|Capponi]] quitte [[Lyon]] pour [[Paris]]. En [[1604]], [[Sully (Maximilien de Béthune)|Sully]], ministre des Finances d’[[Henri IV de France|Henri IV]] réduit de 40 % les montants du [[Grand Parti de Lyon]] et ramène de force le [[taux d'intérêt]] à 4 %.
 
=== La première nationalisation de dette, par Thomas Gresham ===
[[Fichier:Anthonis Mor 004.jpg|left|thumb|200px|Sir Thomas Gresham - Portrait par [[Antonio Moro|Anthonis Mor]], vers [[1554]]]]
En [[Angleterre]], les nouveaux souverains anglicans du {{s|XVI}} confisquent les biens de l'Église mais sont confrontés à des difficultés financières liées à l'[[inflation]] : le ''[[Great Debasement]]'' de [[1543]], ou « grande dévaluation », divise par quatre la proportion d'argent dans les pièces de [[monnaie]]. Elle tombe à seulement un quart du poids total en [[1551]]. C'est la [[crise monétaire anglaise des années 1550]], cinq ans avant le [[krach]] des emprunts d'État français du [[Grand Parti de Lyon]]. En [[1560]], [[Élisabeth Ire d'Angleterre|Élisabeth {{Ire}}]] nomme ministre des Finances [[Thomas Gresham]], qui a fait sa carrière de financier à la Bourse d'[[Anvers]], où il avait réduit la dette britannique. Il propose à la reine de lancer ses emprunts sur le marché national, plutôt que de continuer à recourir aux financiers étrangers.<ref>[http://books.google.fr/books?id=qH5FAAAAcAAJ&pg=PA267&dq=1567+gresham&hl=fr&ei=bXIdTpvAL8uj-ga2otX2CA&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=6&ved=0CEAQ6AEwBQ#v=onepage&q=1567%20gresham&f=false ''Angleterre'', volume 2, par Léon Galibert et Clément Pellé, page 267]</ref> Il décide parallèlement un retour aux parités antérieures, dans l'espoir de juguler l'[[inflation]] et même de faire baisser les prix, qui « avaient doublé ou triplé en quelques années », selon l'historien [[Fernand Braudel]].<ref>''Civilisation matérielle, économie et capitalisme'', par [[Fernand Braudel]], pages 439</ref>
 
La reine Élisabeth, satisfaite, lui demande de reproduire à [[Londres]] le fonctionnement de cette Bourse d'[[Anvers]]. Le [[Royal Exchange]] est construit en [[1565]], pour accueillir les échanges qui avaient lieu [[Lombard Street (Londres)|rue des Lombards]], fief des Italiens de Londres depuis le [[Moyen Âge]]. Les grands bailleurs de fonds, les importateurs des Indes, sont obligés de partager les salles de l'édifice avec une foule de petits spéculateurs et courtiers anglais.<ref>Kostolany, p. 108</ref> Le Royal Exchange est envahi aussi, à la fin du {{s|XVII|e}}, par les négociants juifs et protestants venus de [[Hollande]]. Leur présence suscitant des remous, ils fondent, dans des cafés, une bourse concurrente, informelle et plus efficace, le [[London Stock Exchange]].
 
À [[Paris]], la prolifération des « courratiers », suscite un édit de [[Charles IX de France|Charles IX]] fixant les règles de la profession en [[1572]]. En [[1639]], le terme est abandonné pour celui d'« agent de change ». Sur le [[Pont au Change]], alors en bois, on échange les centaines de monnaies différentes issues des quatre coins du Royaume. Le cambiste a son banc, rompu en cas de problème, d'où le mot « banqueroute ». Un bâtiment spécialisé est édifié en [[1613]] sur le lieu des échanges, au [[Pont Neuf]].<ref>''Si la Bourse m'était contée'', par [[André Kostolany]]</ref> Dans les villes italiennes, les échanges ont lieu aussi sur un pont, le [[Ponte Vecchio]] à [[Florence]] et le [[Rialto]] à [[Venise]].
 
== {{s-|XVII|e}} ==
Le {{s|XVII}}, appelé aussi [[siècle d'or néerlandais]], voient ces derniers bâtir une métropole, dont la population quadruple en quelques années : [[Amsterdam]] devient la capitale mondiale de l'imprimerie, de la finance et de la navigation, grâce à l'afflux de réfugiés protestants, qui amènent leur or, leur savoir-faire et leur soif de revanche. Le même phénomène se produira à la fin du siècle à [[Londres]], envahie par une armée hollandaise comptant des milliers de réfugiés protestants français.
=== Amsterdam : première cotation d'une multinationale ===
[[Fichier:Hendrick Cornelis Vroom Het uitzeilen van een aantal Oost-Indiëvaarders (1600).jpg|thumb|350px|Peinture de [[Hendrick Cornelisz Vroom]], vers 1600 : départ de voiliers de la [[Compagnie néerlandaise des Indes orientales]].]]
La [[Flandre (terminologie)|Flandre]] protestante est soumise en [[1576]] au [[Sac d'Anvers]] par les armées espagnoles et fuit à [[Amsterdam]], où elle crée la [[Compagnie néerlandaise des Indes orientales]]. Dès [[1602]], une [[augmentation de capital]] de 6,5 millions de florins, l'équivalent de {{unité|64|tonnes}} d'or,<ref>''Civilisation matérielle, économie et capitalisme'', volume 3 - ''Le Temps du Monde'', par [[Fernand Braudel]], page 261, [[Le Livre de poche]]</ref> la dote de fonds propres<ref>Au cours actuel de {{formatnum:3600}} euros, {{unité|64|tonnes}} d'or représentent 2,4 milliards d'euros</ref> dix fois supérieurs à ceux de sa rivale, la [[Compagnie anglaise des Indes orientales]], fondée en [[1600]].<ref>''Civilisation matérielle, économie et capitalisme'', volume 3 - ''Le Temps du Monde''', par [[Fernand Braudel]], page 251, [[Le Livre de poche]]</ref>
Les Hollandais avaient déjà envoyé en [[Asie]] 65 navires dispersés en 14 flottes, entre [[1598]] et [[1602]],<ref>''Civilisation matérielle, économie et capitalisme, volume 3 - Le temps du Monde'', par [[Fernand Braudel]], page 247, [[Le Livre de poche]]</ref> et touché le [[Japon]] dès [[1600]]. De [[1638]] à [[1668]], les mines argent japonaises apportent un appoint décisif au commerce néerlandais en [[Asie]].<ref>''Civilisation matérielle, économie et capitalisme, volume 3 - Le temps du Monde'', par [[Fernand Braudel]], page 253, [[Le Livre de poche]]</ref>
Parmi les premiers actionnaires de la compagnie, 38 % ont fui les [[guerres de religion]] et l'empire espagnol.<ref>''Louis XIV face à l'Europe du Nord : l'absolutisme vaincu par les libertés'', par Hervé Hasquin, page 27</ref> Les immigrés forment aussi la majorité des 320 actionnaires de la [[Banque d'Amsterdam]], créée en [[1609]], et jusqu'à 80 % de la population de [[Middelburg (Hollande-Méridionale)|Middelburg]] et [[Leyde]], nouvelle capitale européenne de l'imprimerie, qui prend le relais d'[[Anvers]].
 
La valeur des actions est multipliée par douze en 118 ans, passant de {{formatnum:3000}} [[florins]] en [[1602]] à {{formatnum:15300}} florins en [[1670]], puis {{formatnum:36000}} en [[1720]]. Les dividendes dépendent des cargaisons ramenées et représentent 7,84 % de la valeur boursière de l'action en [[1670]] puis 3,33 % en [[1720]].<ref>''Civilisation matérielle, économie et capitalisme, volume 3 - Le temps du Monde'', par [[Fernand Braudel]], page 264, [[Le Livre de poche]]</ref> La compagnie a deux [[comptabilité]]s, l’une à [[Amsterdam]], l’autre à [[Jakarta|Batavia]], d'où elle importe les précieuses épices, qui servent de monnaie en Occident, où l'on "paie en espèces". Le nombre de bateaux utilisés augmente fortement jusqu'en 1670 avant de décliner.
<center>
{| class="wikitable"
|Année
|1641
|1651
|1659
|1670
|1680
|1700
|1725
|1750
|-
|Navires hollandais en Inde
|56
|60
|83
|107
|88
|66
|52
|43<ref>''Civilisation matérielle, économie et capitalisme'', volume 3 - ''Le Temps du Monde'', par [[Fernand Braudel]], page 263, [[Le Livre de poche]]</ref>
|}
</center>
[[Fichier:Beursvankeyser.jpg|200px|thumb|Le bâtiment de la bourse de [[Hendrick de Keyser]].]]
La [[Bourse d'Amsterdam]] est bâtie que 9 ans après la création de la [[Compagnie néerlandaise des Indes orientales|Compagnie des Indes orientales]] (''Verenigde Oostindische Compagnie''), dont les actions sont d'abord échangées sur le Damrak, une rue d’[[Amsterdam]]. En [[1607]], le conseil municipal confie à l'architecte [[Hendrick de Keyser]] la construction d’une bourse des matières premières, ouverte en [[1611]]. De brique et de pierre de taille, le bâtiment fait {{unité|69|mètres}} sur 39, avec un péristyle de 46 piliers numérotés "pour distinguer les places où se tiennent les marchands". Il enjambe le [[Rokin]], qui est encore un canal. Ouvert tous les jours ouvrables, au son d'une cloche, de midi à 14 heures, il peut contenir environ 4600 personnes.<ref name="Dictionnaire géographique Expilly">"Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de la France", par Louis Alexandre Expilly [[1768]] [http://books.google.fr/books?id=VSF_9Y_DjEsC&dq=%22Bourse+de+Paris%22+%22compagnie+des+indes%22&hl=fr&source=gbs_navlinks_s]</ref> Au départ, seules des actions à livraison immédiate étaient négociées, mais très vite des options et des contrats à terme les rejoignent.<ref>[http://www.euronext.com/editorial/wide/editorial-1993-FR.html ''Histoire de la Bourse d'Amsterdam'' sur le site officiel d'Euronext]</ref> La spéculation à terme « avec toutes ses finesses et finasseries, a fait ses classes et ses maladies à la [[Bourse d'Amsterdam]]».<ref>''Si la Bourse m'était contée'', par [[André Kostolany]], Julliard (1960), page 106</ref>
[[Fichier:Tulip price index1.svg|left|thumb|[[Indice des prix]] standards des contrats de bulbes de tulipe]]
Très actifs dans la négociation des actions, les immigrés juifs d'origine portugaise ont créé la ''[[Gazeta de Amsterdam]]'',<ref>[http://books.google.fr/books?id=j4Hni8ieTjYC&pg=PA195&dq=histoire+de+la+bourse+d'amsterdam&hl=fr&ei=i_obTvCULsiE-wbB5oj9CA&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=9&ved=0CFcQ6AEwCA#v=onepage&q=histoire%20de%20la%20bourse%20d'amsterdam&f=false ''Histoire des juifs portugais'', par Carsten Wilke, page 195]</ref> un journal économique diffusé deux fois par semaine, entre [[1675]] et [[1702]], et rédigé en espagnol afin de toucher la [[diaspora]] des juifs sépharades, implantée aussi à [[Curaçao]], [[Livourne]] ou [[Bayonne]], et qui joue un rôle important dans l'[[histoire de la culture du cacao]]. C'est le plus ancien périodique de l'histoire juive. [[Amsterdam]] voit aussi des échanges sur la [[Compagnie néerlandaise des Indes occidentales]], qui va s'emparer d'une partie du [[Brésil]] portugais, tandis que la [[tulipomanie]], [[spéculation]] sur les tulipes, a lieu dans des bars et auberges. En trois mois, entre novembre [[1636]] et février [[1637]], les prix des contrats d'achat de tulipes sont multipliés par douze, dans une frénésie d'achat qui suscite moqueries et réprobation. À partir de février [[1637]], les prix s'effondrent en seulement trois semaines : c'est le « krach des tulipes ».
 
=== Rentes constituées et Louis d'or, premiers placements refuge ===
En [[1640]], [[Louis XIII]] réforme le [[système monétaire]] français, en créant le [[Louis (monnaie)|Louis d'or]]. Ce nouveau système monétaire tiendra jusqu'à la [[Révolution française]].<ref name="histoiredufranc">''Histoire du franc, 1360-2002'', par Georges Valance, Paris, Champs Flammarion, [[1998]], page 71</ref> Il est basé sur une maxime : "tout ce qui est rare est cher". L'argent des mines du [[Potosi]] et du [[Mexique]] arrivant massivement par le biais de l'[[Espagne]], l'[[or]] devenait comparativement plus rare. L'[[histoire des mines d'or]] montre qu'après [[1645]], le poids de l'argent extrait chaque année dépassait de 60 fois celui de l'[[or]]. Parallèlement, les [[rentes constituées]] se sont développées en France aux {{s2|XVII|e|XVIII|e}} pour pallier l'absence de crédit bancaire. L'immense majorité du [[crédit]] passait par ce système de [[rente]], qui a freiné l'esprit d'entreprise.
[[Fichier:Louis XIII Gold.jpg|right|300 px|thumb|Louis d'or de Louis XIII]]
[[Jean-Baptiste Colbert|Colbert]] déteste « le rentier : économiquement il le perçoit comme un oisif parasitaire dont les capitaux ne s'investissent ni dans l'industrie ni dans le commerce, et politiquement, il le perçoit comme un danger»,<ref>"Colbert, La Politique du bon sens", [[Michel Vergé-Franceschi]], Petite Bibliothèque Payot (2003), page 357</ref> écrit l'historien [[Michel Vergé-Franceschi]]. Le ministre des finances a tenté de forcer les rentiers à investir dans les [[manufacture]]s et [[Compagnies européennes fondées au XVIIe siècle]], en particulier dans les {{nobr|années 1660}}. Les quittances de rachat de la seconde moitié du {{s-|XVII|e}}, « résultant de la politique de remboursement des rentes engagée par [[Jean-Baptiste Colbert|Colbert]], laquelle donne lieu à des édits spécifiques pour chaque type d’émission" ont finalement échoué. Les [[rentes constituées]] se développent plus que jamais après sa mort, au détriment des manufactures. La [[fiscalité]] y contribue : en cas d'échanges d'immeubles contre des [[rentes constituées]], le [[lods et ventes]], ou droit de 8 % (l'ancêtre du [[droit de mutation]]), n'était pas exigible.<ref>''Le Siècle de Louis XIV'', par Pierre Goubert, page 120</ref> Les [[rentes constituées]] subiront plus tard la concurrence des créances sur l’État français, qui rapportent en moyenne 7,5 % des sommes prêtées en [[1788]]. C'est deux fois plus qu'en [[Angleterre]] (3,8 % en moyenne), pays dont la [[dette publique]] est pourtant plus élevée d'environ 50 %, pour une population trois fois moindre.<ref name="histoiredufranc"/> Il est vrai que [[Londres]] « publie régulièrement son budget et paie scrupuleusement ses créanciers»,<ref name="histoiredufranc"/> tandis que [[Versailles]] « fait régulièrement banqueroute et cultive le secret comptable », selon l'ouvrage de [[Jacques Necker|Necker]], ''L'Administration des finances de la France''»,<ref>[http://books.google.fr/books?id=DCMVAAAAQAAJ&printsec=frontcover&dq=%22l'administration+des+finances+de+la+France%22+necker&hl=fr&ei=Pj5ETtXmCsX2sgaMusS1Bw&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved=0CCsQ6AEwAA#v=onepage&q&f=false ''De l'administration des finances de la France'', volume 1, par Jacques Necker]</ref> qui devient en [[1784]] le premier best-seller politico-financier, avec {{formatnum:12000}} exemplaires vendus en un mois.<ref>''Histoire du franc, 1360-2002'', par Georges Valance, Paris, Champs Flammarion, 1998, page 99</ref>
 
=== Révolution britannique, six fois plus d’entreprises cotées en une décennie ===
La [[Glorieuse Révolution]], menée en [[1688]] par une partie des britanniques, avec l'aide d'une armée d'invasion franco-hollandaise dirigée par [[Frédéric-Armand de Schomberg|Schomberg]], a chassé le roi d'[[Angleterre]] [[Jacques II d'Angleterre|Jacques II]]. Elle déclenche la [[Révolution financière britannique]] : création de la [[Banque d'Angleterre]], des compagnies d'assurances, comme le [[Lloyd's of London]], et boom de la [[dette publique]], pour financer la [[Royal Navy]].
[[Fichier:London.bankofengland.arp.jpg|thumb|left|La Banque d'Angleterre, pilier des banques de province et pompe d'amorçage de la dette publique, pour financer la "Royal Navy".]][[Daniel Defoe]] se moque des financiers hollandais qui multiplient les astuces pour la placer: loteries, [[Navy bills|obligations sur la marine]], ou [[Obligation convertible|emprunts convertibles en actions]], qui inspireront le [[système de Law]]. Entre [[1688]] et [[1702]], elle passe de 1 à 16,4 millions de livres.<ref>''Recueil Des Cours'', volume 23 (1928/III, Académie de droit international de La Haye, page 245</ref> De [[1702]] à [[1714]], elle triple pour atteindre 48 millions de [[Livre sterling|livres sterling]], dont la majeure partie pour la Marine.<ref>http://books.google.fr/books?id=jz1_hFntKKkC&pg=PA323&dq=%22customs+and+excise%22+indies+sugar&lr=&as_brr=3&as_pt=ALLTYPES&ei=DDDrScLzNIbUM5_t2J4B#PPA30,M1</ref> La [[Royal Navy]] compte 272 vaisseaux dès [[1702]], 77 % de plus que sous [[Oliver Cromwell|Cromwell]]. Son superviseur entre [[1692]] et [[1699]], [[Edmund Dummer]], lui impose des formats standards, visés par le Parlement,<ref>{{en}} ''The Ingenious {{M.}} Dummer: Rationalizing the Royal Navy in Late Seventeenth-Century England'', par Celina Fox</ref> pour rendre interchangeables les composants, en valorisant les innovations de [[Thomas Savery]]. Les chantiers navals de cale sèche de [[Portsmouth]] et [[Plymouth (Angleterre)|Plymouth]] se développent, la valeur du premier étant triplée en dix ans.<ref>[http://www.bl.uk/eblj/2007articles/pdf/ebljarticle102007.pdf bl.uk] {{pdf}}</ref> Dès [[1741]], la flotte anglaise est trois fois celle de la [[France]].<ref>''La France au {{XVIIIe}}'', par [[Olivier Chaline]], Belin Sup, page 290</ref> Le [[Board of Ordnance]] vérifie les contrats d'approvisionnement de la [[Royal Navy]], dans une politique d'aménagement du territoire. Pilotée par la [[Banque d'Angleterre]], la [[dette publique]] a un [[taux d'intérêt]] faible, grâce à une administration fiscale renforcée,<ref>''Customs and excise: trade, production, and consumption in England, 1640-1845'', par William J. Ashworth, page 342</ref> collectant la [[Land Tax]], proportionnelle aux surfaces possédées, qui représente 52 % de l'ensemble des recettes en [[1696]].<ref>''Histoire de l'Angleterre des origines à nos jours'', par Philippe Chassaigne, page 180</ref> La [[Banque d'Angleterre]] a aussi pour mission de sécuriser les ''[[country banks]]'' de province, créée par des banquiers improvisés (bonnetiers, tisserands, brasseurs, meuniers ou commerçants en fer). Elles seront une douzaine dès [[1750]], puis 120 en [[1784]] et [[290]] aux environs de [[1797]].<ref>''Civilisation matérielle, économie et capitalisme''. Volume 3 ''Le Temps du Monde'', par [[Fernand Braudel]], page 761</ref> La [[British Linen Company|BLC]], fondée en [[1746]] avec {{formatnum:100000}} [[livre sterling|livres]], prête dès [[1764]]<ref>{{en}} [http://books.google.fr/books?id=vEkTAAAAYAAJ&pg=PA211&dq=British+Linen+Company,+established+in+1746&hl=fr&sa=X&ei=YN1WUd_8F-7Y7AaT-YH4Cg&ved=0CGoQ6AEwCQ#v=onepage&q=British%20Linen%20Company%2C%20established%20in%201746&f=false "Views in Edinburgh and its vicinity", Volume 1]</ref> aux [[batiste|filatures de lin]] développées depuis [[1697]] par [[Louis Crommelin]] et 70 familles [[huguenot]]es à [[Lisburn]], près de [[Belfast]], puis en [[Écosse]], qui en tire 22 % de ses exportations dès [[1704]]. Les publications des 301 associés de la [[Society of Improvers in the Knowledge of Agriculture in Scotland|Société agronomique écossaise]], créée en [[1723]],<ref>"The Rise of Economic Societies in the Eighteenth Century" par Koen Stapelbroek et Jani Marjane, page 39 [http://books.google.fr/books?id=08ggXy5_pu4C&pg=PA42&lpg=PA42&dq=scotland+linen+%22Louis+Crommelin%22&source=bl&ots=emxJyYzEFQ&sig=ASxPR2tG3ipKUXr3Crkmc4qQtgw&hl=fr&sa=X&ei=AlJWUebKCYGkPYzUgfgG&ved=0CF0Q6AEwBjgU#v=onepage&q=scotland%20linen%20%22Louis%20Crommelin%22&f=false]</ref> aident au triplement de la production écossaise entre [[1730]] et [[1775]], à 121 millions de [[Verge (unité)|yards]], répartie entre [[Dundee]] et [[Glasgow]], qui double ses exportations entre [[1725]] et [[1738]] grâce à une subvention de 2750 [[livre sterling|livres]].<ref>{{en}} ''A History of Scotland'', par J. D. Mackie et B. Lenman and G. Parker, (London: Penguin, 1991), page 296.</ref> En [[1742]], [[Edward Cave]] valorise la fileuse à [[coton]] de [[Lewis Paul]] et lance la [[premiers entrepreneurs du coton britannique|révolution du coton anglais]].
[[Fichier:Paton, Battle of Barfleur.jpg|thumb|La ''Navy'' triomphe à La Hougue, 1692]]
Pour l'historien [[Robert Mandrou]],<ref>Il y consacre trois chapitres, dans ''Louis XIV et son temps''</ref> l'une des principales innovations est « l'essor des sociétés anonymes par action, au détriment des compagnies à chartes détentrices d'un monopole d'État. » La [[Cité de Londres|City]] privilégie les "associations libres, constituées par les marchands, sur des bases financières précises et soumises aux seules règles du marché londonien, par l'intermédiaire de la cotation en Bourse. Dans la dernière décennie du {{s|XVII}}, ces sociétés se multiplient, à tel point qu'en [[1700]], il s'en trouve 140 dûment recensées sur la place de [[Londres]]. Leur nombre n'était que de 24 en [[1688]]. Leur prospérité draine les capitaux anglais et étrangers, en particulier hollandais".
Le négoce des actions se concentre autour de City's Change Alley, dans deux cafés : Garraway's et [[Jonathan's Coffee-House|Jonathan's]], où le [[huguenot]] John Castaing publie en [[1692]] une première liste d'actions intitulée « Le cours des échanges et autres choses ». Le [[Jonathan's Coffee-House|Jonathan's]] sera renommé « [[London Stock Exchange]] » en [[1777]], en s'installant dans un vrai bâtiment dédié. Parmi les trois [[Société par actions|sociétés par actions]] créées dans les [[années 1700]] dans le [[Mines de charbon de Newcastle|charbon de Newcastle]], la [[The Blythe Coal Company|Blyte Coal Company]]. Son concurrent [[Charles Montagu (1658-1721)]] installe des wagons roulant sur 6 kilomètres de rails en bois et devient dès [[1703]] le premier producteur, avec {{unité|70000|tonnes}}. Le [[charbon]] anglais profite aussi du [[brevet]] déposé en [[1698]] par [[Thomas Savery]], qui diffuse dans la presse en [[1702]] un croquis simplifié de sa pompe à vapeur, améliorée en [[1711]] par [[Thomas Newcomen]] et produite à grande échelle grâce à la "[[Premiers entrepreneurs de la fonte britannique|fonte au coke]]" découverte en [[1709]] par [[Abraham Darby]]. Combinée au [[sulfate de fer]] de [[John Roebuck]], de l'[[Université d'Édimbourg]] et de la [[Lunar Society]], elle permet le placage au fer des boulets de canon pour les grosses commandes de la [[Royal Navy]] dès les [[années 1750]].
[[Fichier:daniel defoe.jpg|thumb|left|Daniel Defoe, soutien de la Révolution, fonde un journal en 1691]]
Le [[Premiers entrepreneurs du charbon britannique|boom du charbon britannique]] est servi aussi par les [[Aménagements de rivière en Angleterre|aménagements de rivières anglaises]] sous la réglementation du Parlement. Le dynamisme de la presse, libérée de la [[censure]], ouverte aux innovations technologiques et aux nouveaux débats du Parlement, qui couvre les concours d'inventeurs, favorise ces évolutions : de [[1688]] à [[1692]], 26 publications sont créées.<ref>''Histoire de la presse en Angleterre et aux États-Unis'', par Athanase Cucheval-Clarigny, page 32</ref> ''[[The Athenian Mercury]]'', de [[Daniel Defoe]], apparaît en [[1691]]. Un pasteur français, [[Jean de Fonvive]], gagne une fortune, 600 livres sterling par an,<ref>''From strangers to citizens : the integration of immigrant communities in Britain, Ireland, and colonial America, 1550-1750'', par Randolph Vigne, Charles Littleton</ref> avec son ''[[Post Man]]'', alimenté par la diaspora des [[Huguenots]].<ref>''The Guardian'', par John Calhoun Stephens, Sir Richard Steele, et Joseph Addison, page 667</ref> On lui propose de devenir éditorialiste de la ''[[London Gazette]]''.<ref>The public prints: the newspaper in Anglo-American culture, 1665-1740 Par Charles E. Clark? PAGE 42</ref> [[Abel Boyer]] (1667-1729), arrivé de [[Castres]] en [[1689]], édite le ''[[Post Boy]]'': {{formatnum:3000}} exemplaires contre {{formatnum:3800}} pour le ''[[Post Man]]'', des chiffres énormes pour l'époque. Un troisième "quasi-quotidien" national, le ''[[Flying Post]]'', sort aussi en [[1695]], les mardi, jeudi et samedi, pour les envois du [[Royal Mail]]. Un autre huguenot, [[Pierre-Antoine Motteux]], fonde dès [[1692]] le ''[[Gentleman's Journal]]'',<ref>''Histoire de la presse en Angleterre et aux États-Unis'', par Athanase Cucheval-Clarigny, page 233</ref> mensuel qui gagne le premier public féminin. Le ''[[Norwich Post]]'' paraît en [[1701]] dans la région lainière du [[Norfolk (comté)|Norfolk]], disputant le rôle de premier quotidien de l'histoire au ''[[Daily Courant]]'' fondé le 11 mars [[1702]] par le libraire Edouard Mallet au-dessus du White Hart pub à [[Fleet Street]].<ref>http://www.information-britain.co.uk/famdates.php?id=501</ref> Comme le ''[[Post Man]]'', il compile des nouvelles de l'étranger. Les écrivains contribuent à l'ébullition: [[Daniel Defoe]] fonde en [[1704]] le ''[[Weekly Review]]''. [[Jonathan Swift]] est rédacteur en chef de l’''[[Examiner]]'' fondé en [[1710]]. Les ''[[Tatler]]'' et ''[[The Spectator (1711)|Spectator]]'', sont fondés en [[1709]] et [[1711]] par [[Richard Steele]] et [[Joseph Addison]].
 
== {{s-|XVIII|e}} ==
En France, les grandes spéculations associent le potentiel de croissance du [[État du Mississippi|Mississipi]] sous forme d'actions échangées contre la [[dette publique|dette royale]], qui absorbe les fortunes issues des raids corsaires et de la [[traite négrière]]. Aux [[États-Unis]], on commence aussi par spéculer seulement sur les terres du [[État du Mississippi|Mississipi]] et des obligations du gouvernement, qui doit financer en [[1794]] la création de l'[[US Navy]]. En [[Angleterre]], où la [[dette publique]] rapporte deux fois moins d'intérêts, en raison d'un [[histoire de la fiscalité|fisc]] très développé, la spéculation se focalise à la fin du siècle sur des sociétés de canaux, qui permettent de compléter les réseaux publics des [[Turnpike Trusts]] et des [[Aménagements de rivière en Angleterre|Aménagements de rivières anglaises]]: [[Aire and Calder Navigation]] (1703), [[Weaver Navigation]] (1721), [[Mersey and Irwell Navigation]] (1723), [[Navigation Douglas]] (1743) et les écluses de la [[Tamise]].
=== John Law dissout la dette de Louis XIV dans le Mississippi ===
[[Fichier:Billets banque royale 1720.jpg|thumb|À en juger par les nombreux trous d'aiguille : les derniers billets ont beaucoup circulé.]]
En [[1698]], le financier écossais [[William Paterson]] installe une colonie sur l’[[isthme de Panama]], pour le commerce dans les "[[mers du Sud]]": 172 artisans écossais ont souscrit à sa [[Compagnie du Darién]], qui suit pas à pas, à [[Rendez-vous de l'île d'Or|l'île d'or]], les récits autobiographiques des [[pirates du Panama]], [[Lionel Wafer]] et [[William Dampier]]. Les {{formatnum:2000}} colons écossais sont décimés par la [[malaria]] mais le mythe perdure: des armateurs malouins bâtissent d’immenses fortunes dans ces "[[mers du Sud]]", sur les côtes du [[Chili]] et du [[Pérou]], comme le [[cap-hornier]] [[Noël Danycan de l'Epine]] (1651-1731),<ref>''Ces messieurs de Saint-Malo'', par Alain Simiot</ref> fondateur d'une [[Compagnie royale de la mer du Sud (1698)|Compagnie royale de la mer du Sud]] dès [[1698]]. En [[1711]] émerge une [[compagnie des mers du Sud]] anglaise, alimentant la ''South Sea Bubble'', vaste [[spéculation]] qui flambe jusqu'au [[krach de 1720]].
Un autre financier écossais, [[John Law de Lauriston|John Law]], est appelé par la [[France]] en [[1714]] quand [[Louis XIV]] meurt en laissant une dette de {{unité|3.5|milliards}} de [[livre (monnaie)|livres]],<ref>Soit entre 25 et {{unité|50|milliards}} d'[[euro]]s.</ref> soit dix années de recettes fiscales (en 2010, la dette publique française est 3 fois moins élevée, avec 3,5 années de recettes). S’inspirant de la [[Compagnie des mers du Sud]], il crée une [[Système de Law|nébuleuse de sociétés]] autour de la [[Banque générale]], au capital de {{unité|6|millions}} de livres, fondée le {{date|2|mai|1716}} sur le modèle de la [[Banque d'Angleterre]]. Ses 1200 actions sont échangeables contre les créances sur l’État. Ses billets, convertibles en [[or]], peuvent être reçus comme impôt. [[Jean Paris de Monmartel|Monmartel]] investit 300000 livres<ref>''L'Économie française au {{s|XVIII|e}}'', par [[Paul Butel]], page 261</ref> dans la [[Compagnie d'Occident]] de [[Joseph Paris Duverney|Duverney]], rachetée par la [[Compagnie du Mississippi]], qui récupère aussi le monopole de la [[Compagnie de la Louisiane]] d'[[Antoine Crozat]], première fortune de [[France]]. Elle acquiert, grâce à une [[augmentation de capital]], la [[Compagnie française des Indes orientales]], puis la [[Banque Générale]], rebaptisée "Banque Royale" la même année.
[[Fichier:South-sea-bubble-chart.png|vignette|thumb|gauche|Cours de la Compagnie des mers du Sud lors du [[krach de 1720]].]]
Des publicités attirent en [[Louisiane]] des Alsaciens, qui fondent la ville [[Des Allemands (Louisiane)]]. [[Rue Quincampoix]], sous les fenêtres de la [[Compagnie du Mississippi]], on s'arrache ses actions : toutes les maisons, « morcelées en bureaux, se louèrent à des prix fous ». Un bossu se loua comme pupitre.<ref>''Histoire du franc, 1360-2002'', par Georges Valance, Paris, Champs Flammarion, [[1998]], page 88</ref> Une dame Chaumont, mercière à [[Namur]], gagna 60 millions de livres et acheta la seigneurie d'[[Ivry-sur-Seine]] et l'[[hôtel de L'Hospital|hôtel de Pomponne]].<ref>''Histoire du franc, 1360-2002'', par Georges Valance, Paris, Champs Flammarion, [[1998]], page 89</ref> Le château de cartes s’écroule le 17 juillet [[1720]]. Dès cinq heures du matin, [[rue Quincampoix]], une émeute oppose des milliers d'actionnaires : 15 personnes y périssent. Même scénario en août à [[Londres]], lors du [[krach de 1720]]. L'action [[Compagnie des mers du Sud]] avait été multipliée par 9, épisode raconté par [[Daniel Defoe]], [[Jonathan Swift]] et le physicien [[Isaac Newton]].
 
=== Les premières obligations à haut rendement ===
La [[dette publique]] et les [[Effet de commerce en France|effets de commerce]] dominent la [[Bourse de Paris]] pendant les 70 ans précédant la [[Révolution française]]. Pratiquée par des banquiers et des détenteurs de [[rentes constituées]],<ref>''Histoire de la Bourse'', par Paul Lagneau-Ymonet et Angelo Riva, page 17, Éditions La Découverte 2011</ref> la [[spéculation]] à terme, avec liquidation mensuelle,<ref>Histoire de la Bourse, par Paul Lagneau-Ymonet et Angelo Riva, page 13, Éditions La Découverte 2011</ref> devient majoritaire. Le marché est déjà sophistiqué: les textes officiels parlent d'un "[[spéculation à prime|jeu de primes]]", c'est-à-dire d'[[option]]s d'achat et de vente, permettant de renoncer finalement à la transaction si le cours n'est pas au niveau espéré.
<center>
{| class="wikitable"
|Année
|[[1720]]
|[[1758]]
|[[1787]]
|-
|fiscalité anglaise (livres/habitant)
|19
|23
|34
|-
|fiscalité française (livres/habitant)
|8
|9
|12
|}
</center>
La [[Bourse de Paris]] cote une [[Obligation (finance)|obligation]] différente pour chaque taxe française, alors qu'il n'y a qu'une seule [[Obligation (finance)|obligation]] à [[Londres]]. Le service de la dette représente la moitié des 620 millions de livres de dépenses du Roi de France en temps de paix.<ref name="Belin Sup page 251">''La France au {{XVIIIe}}", par [[Olivier Chaline]], Belin Sup, page 251</ref> Le rendement obligataire est en moyenne de 6,5 %, variant de 4 % en [[1754]] à 10 % en [[1771]].<ref>Histoire de la Bourse, par Paul Lagneau-Ymonet et Angelo Riva, page 14, Éditions La Découverte 2011</ref> C'est deux fois plus qu'en [[Angleterre]] (3 à 4 % en moyenne),<ref name="Belin Sup page 251"/> pays dont la dette publique est pourtant plus élevée d'environ 50 %:<ref name="histoiredufranc"/> 133 millions de [[Livre sterling|livres sterling]] dès [[1766]], malgré une fiscalité britannique plus lourde depuis la création de la [[Land Tax]]. En [[1720]], le poids fiscal total est de 19 livres tournois par habitant en [[Angleterre]] contre 8 en [[France]]. En [[1758]], c'est 23 en [[Angleterre]] contre 9 en [[France]] et ce sera 34 en [[Angleterre]] en [[1787]] contre 12 en [[France]].<ref>''Le Poids de l'État'' par Jean Meyer PUF, Paris, 1983, page 62</ref>
 
Au début, l'[[opération du visa]] de [[1721]] fait le ménage dans le [[Système de Law]]: 185 "agioteurs" sont frappés d'amende et leurs obligations confisquées, pour 187 millions de livres, deux fois plus que sous la [[Chambre de justice]] de [[1716]].<ref>'' Réflexions politiques sur les finances et le commerce'', par Joseph [[Paris-Duverney]] et François Deschamps, La Haye, Vaillant frères et N. Prevost, 1740 [http://catalogue.drouot.com/ref-drouot/lot-ventes-aux-encheres-drouot.jsp?id=1307575]</ref> Pendant trois ans, la négociation boursière est déplacée vers les jardins de l'[[Hôtel de Soissons]],<ref name="Dictionnaire géographique Expilly"/> pour les éloigner de la [[rue Quincampoix]].
[[Fichier:Déficit Etat ancien régime.gif|thumb|upright=2|Évolutions des recettes et dépenses de la monarchie française de 1600 à 1715 en millions de [[livre tournois|livres tournois]].]]
L'[[Arrêté en France|arrêté]] du 24 septembre [[1724]] plafonne à 60 le nombre d'agents de change, des "officiers ministériels"<ref>Ils l'avaient déjà été de [[1572]] à [[1720]]</ref> limités au rôle d'intermédiaire. Les clients doivent leur remettre l'argent avant la séance, qui a lieu tous les jours, sauf les dimanche et fêtes, de dix heures à treize heures.<ref name="Dictionnaire géographique Expilly"/> La [[Bourse de Paris]] est légalisée et installée dans un bâtiment dédié, de 38 [[toise]]s sur 21 ({{unité|68|mètres}} sur 38), au 6 [[rue Vivienne]], dans le "[[Jardin de la Compagnie des Indes]]", aujourd'hui "Jardin Vivienne",<ref>"Le livre et l'art: études offertes en hommage à Pierre Lelièvre", page 42 par Thérèse Kleindienst, Somogy, [[2000]]</ref> en contrebas de la partie de l'[[Hôtel de Nevers (rue de Richelieu)|Hôtel de Nevers]]<ref name="Dictionnaire géographique Expilly"/> où la [[Compagnie des Indes|Compagnie]] a été installée en [[1719]].<ref>"Paris ancien et moderne, ou Histoire de France divisée en douze périodes appliquées aux douze arrondissements de Paris, et justifiée par les monuments de cette ville célèbre", par Jean de Marlès, Parent-Desbarres, [[1838]] [http://books.google.fr/books?id=ehVCAAAAcAAJ&pg=PA520&lpg=PA520&dq=%22bourse+de+paris%22++%22compagnie+des+indes%22&source=bl&ots=kB8kKnHmp9&sig=3qDDSsvLW6e8qvl-moXKgALC-FA&hl=fr&sa=X&ei=V1amUJnpAs2Z0QXayYH4AQ&redir_esc=y#v=onepage&q=%22bourse%20de%20paris%22%20%20%22compagnie%20des%20indes%22&f=false]</ref> C'est le lieu de l'ex-[[François Mansart|"Galerie Mansart"]] réalisée pour les collections d'art antique du [[Cardinal Mazarin]],<ref>Site de la [[Bibliothèque nationale de France]] [http://data.bnf.fr/12524173/paris__france__--_palais_mazarin_--_galerie_mansart/]</ref> aujourd'hui "Galerie de photographie" de la [[Bibliothèque nationale de France]]. Avant le krach de [[1719]], l'ensemble de l'[[Hôtel de Nevers (rue de Richelieu)|hôtel de Nevers]] était occupé par la [[Banque générale]] de [[John Law de Lauriston|John Law]]. Son autre moitié, récupérée par l'[[Jean-Paul Bignon|Abbé Bignon]], sera consacrée à la "Bibliothèque royale". La traverse réservée à la Bourse est bordée d'un péristyle, percé d'arcades donnant sur la rue, encadrant un préau sablé et peuplé de bancs.
 
Tout proche, l'hôtel de l'[[Administration générale des loteries]],<ref>"Dictionnaire topographique, historique et étymologique des rues de Paris", par J. de La Tynna Gillé fils, 1816 [http://books.google.fr/books?id=T00xjTqkANAC&pg=PA115&lpg=PA115&dq=%22Tr%C3%A9sor+royal%22+situ%C3%A9++%22rue+vivienne%22&source=bl&ots=PQRu3k3Nuv&sig=fyjHTUf4yGfccRB919SDEx9QlgI&hl=fr&sa=X&ei=OLWmUPrYBMK0hAfn-4CoDQ&ved=0CCQQ6AEwAQ#v=onepage&q=%22Tr%C3%A9sor%20royal%22%20situ%C3%A9%20%20%22rue%20vivienne%22&f=false]</ref> à l'angle de la [[rue Vivienne]] et de la [[Rue des Petits-Champs|rue neuve des Petits Champs]],<ref>"Le voyageur à Paris ", par Luc-Vincent Thiéry, page 46, Hardouin et Galtey, 1788</ref> et le [[Trésor royal]]. Tous deux remplacent la [[Compagnie des Indes]] à sa suspension en [[1769]],<ref>[http://books.google.fr/books?id=X9WX1EOzXdYC&pg=PA186&dq=%22jardin+de+la+compagnie+des+indes%22&hl=fr&sa=X&ei=CiupUOnaKeq90QWzi4HICw&ved=0CDEQ6AEwAQ#v=onepage&q=%22jardin%20de%20la%20compagnie%20des%20indes%22&f=false "La Bibliothèque Nationale des origines à 1800", par Simone Balayé]</ref> dont l'État détenait 20 % des actions et qui rapportait 20000 livres par an à [[Voltaire]], soit le salaire annuel d'un fonctionnaire.<ref>Conférence de Ph. Haudrière sur la Compagnie des Indes Orientales, 9 janvier 2007 [http://www2.ac-lyon.fr/enseigne/lettres-histoire/IMG/pdf/Seance_1.pdf]</ref> L'arrêté du 30 mars [[1774]] institue la [[Bourse à la criée|criée]] à haute voix et un « parquet » de négociation, surélevé d'un mètre. La [[Caisse d'Escompte]], ancêtre de la [[Banque de France]], apparaît en [[1776]] au 8 [[rue Vivienne]]
.<ref>"La Contre-Révolution parisienne : la Section de la Bibliothèque (dite aussi section de 92 et section Lepeletier) (1790-1795) par Laurence Coudart, ''Annales historiques de la Révolution française'' - 1990</ref> Les transactions s'accélèrent dans les [[années 1780]].<ref>''Histoire de la Bourse'', par Paul Lagneau-Ymonet et Angelo Riva, page 18, Éditions La Découverte 2011</ref>
 
=== Les grandes spéculations de la fin du règne de Louis XVI ===
Dans les trente dernières années du règne de [[Louis XVI]], la colonie de [[Saint-Domingue (colonie française)|Saint-Domingue]] accélère une expansion qui double sa production de [[sucre]] et [[Révolution du café de Saint-Domingue|décuple celle de café]], générant des profits recyclés vers l'immobilier ou les [[dette publique|emprunts royaux]]<ref>[http://books.google.fr/books?id=ixI1Rklyb4cC&pg=PT540&lpg=PT540&dq=r%C3%A9forme+indes+bourse+Calonne&source=bl&ots=pG_INjlYsu&sig=1lMaqh_aPL8Sz1NIFoDRSoL3bsU&hl=fr&sa=X&ei=25HsULqPIs6YhQf4iICwAg&ved=0CGcQ6AEwCA « Paris : Deux mille ans d'histoire » par Jean Favier]</ref> émis pour finir la [[guerre d’indépendance américaine]].
[[Fichier:BattleOfVirginiaCapes.jpg|left|thumb|270px|Après cinq ans de [[guerre d'Indépendance américaine]], une flotte française, venue en renfort, isole l'[[armée anglaise]] dans la [[Bataille de la baie de Chesapeake|Chesapeake]]. Les dépenses militaires gonflent la dette royale.]]
Les [[spéculation|spéculateurs]] parient sur la victoire franco-américaine. Les dépenses militaires de l’expédition [[Gilbert du Motier de La Fayette|Lafayette]] creusent la [[dette publique]]. Pour éviter de nouveaux [[impôt]]s, [[Jacques Necker|Necker]], aidé par les banquiers de [[Genève]], lève des [[dette publique|emprunts]] pour 530 millions de livres dont 386 millions de livres sous forme de [[rente viagère|rentes viagères]], qui rapportent des [[intérêt (finance)|intérêts]] plus élevés.<ref>« L'économie genevoise, de la Réforme à la fin de l'Ancien Régime : {{s mini-|XVI|e}}-{{s mini-|XVIII|e}} siècles », par Anne-Marie Piuz, Liliane Mottu-Weber, Alfred Perrenoud, Librairie Droz, [[1990]], page 605 [http://books.google.fr/books?id=tZ34SIKrjeUC&pg=PA611&lpg=PA611&dq=r%C3%A9formes+boursi%C3%A8res+de+Calonne&source=bl&ots=0yR2wpcla6&sig=2AiyZv8DL2dEP7fFtAk127pRtX0&hl=fr&sa=X&ei=l33sUKPmKu7J0AWW2wE&ved=0CF0Q6AEwBg#v=onepage&q=r%C3%A9formes%20boursi%C3%A8res%20de%20Calonne&f=false]</ref> Convergent aussi à [[Paris]] des [[capitaux]] de [[Hollande]], [[Gènes]] et [[Espagne]], attirés par le mécanisme de la [[spéculation à prime]],<ref name="persee.fr">"La Bourse de Paris et les compagnies financières, entre [[marché primaire]] et [[marché à terme]] au {{s-|XVIII|e}} (1695-1794)", par Jean-Marie Thiveaud, dans la [[Revue d'économie financière]] ([[1998]]) [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ecofi_0987-3368_1998_num_47_3_2661]</ref> proche des [[options]]. Nommé en [[1783]] par [[Louis XVI]], le contrôleur des finances, [[Charles Alexandre de Calonne|Calonne]] estime que [[spéculation|spéculer]] en plus sur des [[action (finance)|actions]], en stimulant le [[marché]] dans son ensemble, sera favorable au cours des [[dette publique|emprunts royaux]].
La réorganisation de la [[Caisse d'escompte]] de novembre [[1783]] ranime ses [[action (finance)|actions]], tombées de 5000 livres à 3500 livres lors de la disgrâce de [[Jacques Necker|Necker]]. Elles grimpent à 8000 livres.<ref name="persee.fr"/> Deux groupes apparaissent : les « haussiers », menés par [[Beaumarchais]], et les « baissiers », dirigés par les banquiers [[Isaac Panchaud]] et [[Étienne Clavière]]. Le bruit court que le [[dividende]] semestriel passera de 130 à 180, voire 200 livres. [[Isaac Panchaud]] publie plusieurs brochures prouvant que c'est illusoire. Grâce au [[marché à terme]], les « baissiers » vendent {{unité|20000}} à {{unité|30000}} actions de cette [[Caisse d'escompte]] qui n’en compte que {{unité|5000}}.
[[Fichier:Honoré Gabriel Riqueti de Mirabeau, pained by Joseph Boze.jpg|thumb|Mirabeau, dont les pamphlets font la pluie et le beau temps à la Bourse]]
[[Charles Alexandre de Calonne|Calonne]] décide d'exclure des [[dividendes]] les bénéfices provenant de l'[[escompte]] des [[effet de commerce|effets de commerce]] dont l'échéance va au-delà du semestre. Cet arrêté du 16 janvier [[1785]] déclenche l'hostilité des « haussiers ». Pour les rassurer, un second arrêté, huit jours après, interdit les [[marchés à terme|transactions à terme]] de plus deux mois sur cette [[action (finance)|action]],<ref>« Les institutions financières en France au {{s-|XVIII|e}}: Tomes 1 et 2 » par Thierry Claeys [http://books.google.fr/books?id=qXCp90ED55MC&pg=PA932&lpg=PA932&dq=r%C3%A9formes+boursi%C3%A8res+de+Calonne&source=bl&ots=nVrNNMncfH&sig=ASa6gt9mBbg2mnYgjIfjLje6tAw&hl=fr&sa=X&ei=l33sUKPmKu7J0AWW2wE&ved=0CGkQ6AEwCA#v=onepage&q=r%C3%A9formes%20boursi%C3%A8res%20de%20Calonne&f=false]</ref> pour décourager les baissiers. Ces deux décisions aboutissent à transférer la [[spéculation]], non pas vers la [[dette publique]], mais vers les [[action (finance)|actions]] de la [[Compagnie des eaux de Paris]] des [[Jacques-Constantin Périer|frères Périer]], qui exploite depuis [[1782]] à [[Colline de Chaillot|Chaillot]] une [[pompe centrifuge]] importée d'[[Angleterre]], puis celles de la [[Banque de Saint-Charles de Madrid]], qui profite de la [[pénurie]] de [[monnaie]] métallique. [[Charles Alexandre de Calonne|Calonne]] est embarrassé, car il avait fait racheter par le [[Trésor royal]] des [[action (finance)|actions]] de cette [[banque]], dont il a été lui-même [[actionnaire]], détenues par [[Marc René Marie de Sahuguet d'Amarzit d'Espagnac|l’abbé d’Espagnac]].<ref>[http://ahrf.revues.org/10679 « La disgrâce de Calonne », par Olga Ilovaïski]</ref> Inquiet du [[scandale]], il lance le [[pamphlétaire]] [[Honoré-Gabriel Riqueti de Mirabeau|Mirabeau]] contre la [[spéculation|vague spéculative]]. L’opération réussit : après s'être envolés, les cours de la [[Banque de Saint-Charles de Madrid]] reculent, les [[spéculation|spéculateurs]] se reportant sur la [[dette publique]]. Il interdit parallèlement à toutes personnes autres que les [[agent de change|agents de change]] d’acheter ou vendre les [[dette publique|effets royaux]], même hors de la [[Bourse (économie)|Bourse]], dans les cafés.<ref name="persee.fr"/> Il interdit ensuite la négociation de titres étrangers puis supprime tous les [[marchés à terme|marché à terme]], par un arrêt du 7 août [[1785]]. En [[1786]], il créera 60 postes supplémentaires d’[[agent de change|agents de change]].<ref>« État et société en France aux {{s2-|XVII|e|XVIII|e}}: mélanges offerts à Yves Durand », par Jean-Pierre Bardet Presses Paris Sorbonne, 2000, page 141 [http://books.google.fr/books?id=zBvWx7d11tUC&pg=PA140&dq=r%C3%A9formes+bourse+Calonne%22&hl=fr&sa=X&ei=f5DsUNj6BrHL0AXXwoDgBQ&ved=0CE8Q6AEwBA#v=onepage&q=r%C3%A9formes%20bourse%20Calonne%22&f=false]</ref>
 
Entre-temps est née le 3 juin [[1785]] une nouvelle "Compagnie des Indes orientales et de la Chine" : le [[commerce]] avec l'[[Inde]], porté par la conquête de cinq [[comptoir]]s lors du [[traité de Paris (1783)|traité de Paris]], est passé de 8 à 20 millions de livres depuis la suspension du [[monopole]] de la [[Compagnie française des Indes orientales]] en [[1769]]. Elle émet pour 20 millions de livres d'[[action (finance)|actions]],<ref>qui seront suivis par une autre [[augmentation de capital]] de 17 millions de livres en [[1787]]</ref> arme une quinzaine de bateaux et voit son [[action (finance)|action]] s'envoler, ce qui enrichit le [[spéculation|spéculateur]] [[Étienne Clavière]]. Il recycle ses [[plus-values]] dans [[L'Entreprise de l'Yvette]], créée par [[Nicolas Defer de la Nouere|Defer de la Nouere]], avec le soutien d'un autre [[pamphlet]] de [[Honoré-Gabriel Riqueti de Mirabeau|Mirabeau]], pour concurrencer la [[Compagnie des eaux de Paris]]. Cette dernière voit ses [[action (finance)|actions]] s'effondrer à son tour dès l'été [[1786]]. Elle réagit en se diversifiant, par la création de la [[Chambre d'assurance contre les incendies]], au [[capital]] de 4 millions de livres. Trois mois après, [[Étienne Clavière]] et ses amis [[Jacques Pierre Brissot]], [[Jean-Pierre de Batz|baron de Batz]] et [[Etienne Delessert (banquier)|Étienne Delessert]], qui avaient tous spéculé sur la baisse de la [[Compagnie des eaux de Paris]], créent à leur tour une société rivale, la [[Compagnie d'assurances contre l'incendie|Compagnie d'assurances contre les incendies]],<ref>"Naissance de l'assurance-vie en France", par Jean-Marie Thiveaud, ''[[Revue d'économie financière]]'', 1989 [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ecofi_0987-3368_1989_num_11_3_1665]</ref> au [[capital]] de 8 millions de livres.<ref>''La Compagnie des eaux de Paris et l'Entreprise de l'Yvette'', et ''Les Faux Monnayeurs sous la Révolution française'' par Jean Bouchary et Paul Leuilliot (1947) [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1947_num_2_3_3318_t1_0367_0000_1]</ref> Ces deux premiers [[assurance|assureurs]] français proposent rapidement des contrats d'[[assurance-vie]]. Finalement, l'accumulation des [[Liste d'affaires politico-financières françaises|scandales financiers]] fait chuter Calonne en [[1787]]. Son successeur [[Étienne-Charles de Loménie de Brienne|Loménie de Brienne]] renvoie les [[spéculation à prime|marchés à prime]] devant les [[tribunaux]], par l'arrêté du 14 juillet [[1787]], met des bornes strictes à la [[cotation (finance)|cotation]] des [[dette publique|emprunts royaux]], et exclut les compagnies privées de la [[Bourse (économie)|Bourse]], à l’exception de la [[Caisse d'escompte]].
 
=== La ''canalmania'' des années 1790, première spéculation répartie ===
[[Fichier:Edmund Cartwright.jpg|thumb|Edmund Cartwright, dont la tisseuse à vapeur augmente la demande de charbon.]]
De [[1789]] à [[1792]], les journaux anglais parlent de ''[[canalmania]]'' : la [[spéculation]] boursière atteint des sommets sur les [[sociétés par action]] creusant les canaux. Pour la première fois, la [[spéculation]] se répartit sur un grand nombre d'entreprises du même secteur. En trois ans, 54 d'entre elles entrent en [[Bourse de Londres]] et lèvent un total de six millions de [[Livre sterling|livres sterling]]. Les souscriptions sont annoncées dans les journaux. La société propriétaire d'un canal bien situé, au cœur du réseau fluvial de [[Birmingham]] voit son cours quadrupler en quelques années. Les progrès de la [[machine à vapeur]] stimulent la demande de [[charbon]], qui circule sur les canaux, pour un coût divisé par deux : un cheval suffit pour tirer six barges reliées les unes aux autres, chargées de {{unité|30|tonnes}}. Chaque nouveau [[canal (voie d'eau)|canal]] valorise le réseau de transport constitué des [[Turnpike Trusts]], du [[cabotage]] commercial, permis par l'insularité de l'[[Angleterre]], et des nombreux [[Aménagements de rivière en Angleterre|aménagements de rivières anglaises]], réalisés après vote du [[Parlement]] pour dépasser les vieux conflits de propriété: [[Aire and Calder Navigation]] (1703), [[Weaver Navigation]] (1721), [[Mersey and Irwell Navigation]] (1723), [[Navigation Douglas]] (1743) et les écluses de la [[Tamise]]. Dès le premier quart du {{s-|XVIII|e}}, les voies navigables représentaient 1160 miles, plus aucun point du territoire n'étant alors situé à plus de 15 miles d'un transport par eau.<ref>Civilisation matérielle, économie et capitalisme, par Fernand Braudel, page 452</ref> Ce modèle inspirera au siècle suivant la [[France]], qui disposait déjà de 4 grands fleuves, et surtout les [[États-Unis]].
 
La forte demande de [[charbon]] des années [[1789]] à [[1792]], avec l'invention de la machine textile à vapeur du révérend [[Edmund Cartwright]], accentue encore la spéculation. L'un des canaux les plus rentables sera celui de [[Leeds]] à [[Liverpool]] achevé en [[1816]].<ref>[http://books.google.fr/books?id=J41qpi6HCXMC&pg=PT13&dq=canalmania+actions&hl=fr&ei=7LoVTrqZOcu38gOy6qQy&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved=0CC8Q6AEwAA#v=onepage&q&f=false ''Britain 1750-1900'', par Walter Robson, page 26]</ref> Les [[action (finance)|actions]] chuteront avec la concurrence du [[chemin de fer]], quand une vingtaine de compagnies ferroviaires entrent en [[Bourse de Londres]] en [[1825]]. Plusieurs canaux se révéleront finalement inutiles. Dès [[1830]], un sur deux n'est plus rentable. Mais l'[[Angleterre]] est alors le seul pays européen à bénéficier de {{formatnum:6000}} kilomètres de voies navigables, dont un tiers de [[Aménagements de rivière en Angleterre|rivières aménagées]] et un tiers de canaux.
 
=== Philadelphie devance New York et la domine pendant 47 ans ===
[[Fichier:Water Level Route on US map cropped.png|left|thumb|400px|Tracé du canal Erié(en bleu) et des lignes de chemin de fer New York Central Railroad (violet), West Shore Railroad (rouge)]]
Dès la fin de la [[Guerre d'indépendance des États-Unis|guerre d'indépendance]], et bien avant la création de quatre bourses rivales, les [[États-Unis]] vivent le [[scandale de Yazoo Land]], une intense [[spéculation]] illégale sur les [[société par action|sociétés]] achetant les futures « [[Histoire de la culture du coton|terres à coton]] » du [[État du Mississippi|Mississipi]]. [[Philadelphie]] accueille en [[1784]] la [[capitale|capitale fédérale]], puis la première [[Bourse des valeurs|Bourse]], sur Chestnut street,<ref>''The First Wall Street: Chestnut Street, Philadelphia, and the Birth of American Finance'', par Robert E. Wright, University of Chicago Press, 2005, page 2 [http://books.google.fr/books?id=SAq5Jpg9LT4C&pg=PA200&dq=%22canal+erie%22+stock+market&hl=fr&sa=X&ei=wMK3UJnuIZHLtAb544D4Bg&ved=0CDoQ6AEwADgK#v=onepage&q=%22canal%20erie%22%20stock%20market&f=false]</ref> en [[1790]], année de l'émission d'un emprunt obligataire de 8 millions de dollars, pour restructurer la [[dette publique|dette]] des nouveaux [[États-Unis]].<ref name="books.google.fr">"Des bourses aux entreprises de marché : le commerce du capital dans les turbulences de l'économie de marché", par Jean-François Lemettre, page 47 [[Editions L'Harmattan]], [[2011]] [http://books.google.fr/books?id=9Q3ptFl-G7AC&pg=PA47&dq=histoire+de+la+bourse+de+berlin&hl=fr&sa=X&ei=pnzqUOioPIWs0QXE8ICwAw&ved=0CDkQ6AEwAQ#v=onepage&q=histoire%20de%20la%20bourse%20de%20berlin&f=false]</ref> La première [[Action (finance)|action]] cotée est en [[1791]] la [[First Bank of the United States]], au [[capital]] de 10 millions de [[dollar]]s, dont 20 % détenus par l'État. Le banquier franco-américain [[Stephen Girard]] la rachète en [[1811]], pour financer la [[guerre de 1812]]. En 70 ans,<ref>''The First Wall Street: Chestnut Street, Philadelphia, and the Birth of American Finance'', par Robert E. Wright, University of Chicago Press, 2005, page 166 [http://books.google.fr/books?id=SAq5Jpg9LT4C&pg=PA200&dq=%22canal+erie%22+stock+market&hl=fr&sa=X&ei=wMK3UJnuIZHLtAb544D4Bg&ved=0CDoQ6AEwADgK#v=onepage&q=%22canal%20erie%22%20stock%20market&f=false]</ref> les [[introduction en Bourse|introductions en Bourse]] totaliseront 500 millions de [[dollar]]s à [[Philadelphie]], qui reste la principale [[Bourse des valeurs|Bourse]] américaine jusqu'à la [[Panique de 1837]], même quand [[New York]] devient la première ville desservie par un [[Compagnie maritime|service de paquebots]] vers l'[[Europe]] en [[1817]], puis en [[1825]] la première reliée aux plaines du [[Lac Ontario]], par 600 kilomètres de voie d'eau. Le [[Canal Érié]], sans émettre d'[[Action (finance)|actions]], draine l'essentiel des sept millions de [[dollar]]s d'[[Obligation (finance)|obligations]] américaines sur les [[Canal (voie d'eau)|canaux]] émises entre [[1817]] et [[1826]], surtout auprès d'[[investisseur]]s locaux, les étrangers privilégiant alors les [[Obligation (finance)|emprunts]] de l'[[État de New York]].<ref name="ReferenceA">"Investissement étranger et financement de la croissance américaine ({{s-|XIX|e}}-début du {{s mini-|XX|e}})", par Myra Wilkins, dans la ''[[Revue d'économie financière]]'' [[1990]] [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ecofi_0987-3368_1990_num_14_2_1703]</ref> [[Boston]] et [[Baltimore]] sont rapidement distancées.
L'[[accord de Buttonwood]], qui réunit 24 [[courtier]]s le 17 mai [[1792]] sous un platane de [[Wall Street]], anticipe sur les ''Naval Acts'' de [[1794]] et [[1798]], luttant contre les exactions des [[Piraterie des années 1800 dans la Caraïbe|pirates franco-cubains]] par l'émission d'[[Obligation (finance)|obligations]] pour financer la création d'une [[United States Navy|US Navy]]. Les anglais ont en effet confisqué les [[Histoire de la Royal Navy|navires]] de guerre à l'[[Guerre d'indépendance|Indépendance]].
[[Fichier:Buttonwood.png|300px|thumb|Représentation de traders sous le platane d'Occident ''(buttonwood tree)'' à Wall Street à la fin du {{S-|XVIII}}]]
Les 24 [[courtier]]s s'entendent pour ne facturer aucune commission inférieure à {{unité|25|cents}}. La [[dette publique]] augmente vite car la première [[histoire de la fiscalité|taxe sur les propriétaires terriens]], étendues aux maisons et censée financer l'[[United States Navy|US Navy]], déclenche la "[[Fries Rebellion]]". Dès [[1798]], les 24 courtiers s'intéressent aussi à la première société privée, la "Compagnie d'assurance de New York".<ref>''Wall Street: A History: From Its Beginnings to the Fall of Enron'', par Charles R. Geisst, page 13 [http://books.google.fr/books?id=GDMmB3nEtL0C&printsec=frontcover&dq=wall+street+history&hl=fr&sa=X&ei=eMu3UJGzDYrUtAbEhIH4Dw&ved=0CDoQ6AEwAA]</ref> Parmi eux, [[Histoire des Juifs aux États-Unis|Benjamin Mendes Seixas, Ephraim Hart et Alexander Zuntz]], de la Synagogue de Shearith Israel, investissent aussi dans la création de la [[Providence (Rhode Island)|Bank of Rhode Island]]. Réunis jusque-là au "Tontine's Coffe House", ils ouvrent le [[New York Stock Exchange]] en [[1817]], sous la présidence de Nathan Prime.<ref>''Wall Street: A History: From Its Beginnings to the Fall of Enron'', par Charles R. Geisst, page 20 [http://books.google.fr/books?id=GDMmB3nEtL0C&printsec=frontcover&dq=wall+street+history&hl=fr&sa=X&ei=eMu3UJGzDYrUtAbEhIH4Dw&ved=0CDoQ6AEwAA]</ref> Il ne côte alors que dix banques et 13 assurances, toutes locales.<ref>"Wall Street: A History : From Its Beginnings to the Fall of Enron", par Charles R. Geisst, page21 [http://books.google.fr/books?id=GDMmB3nEtL0C&printsec=frontcover&dq=wall+street+history&hl=fr&sa=X&ei=eMu3UJGzDYrUtAbEhIH4Dw&ved=0CDoQ6AEwAA]</ref> En [[1827]], c'est 12 banques cotées et 19 compagnies d'assurances,<ref>[http://books.google.fr/books?id=o4nohZ4fLnQC&pg=PA123&dq=canalmania+actions&hl=fr&ei=7LoVTrqZOcu38gOy6qQy&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=3&ved=0CDkQ6AEwAg#v=onepage&q&f=false ''Socializing Capital: The Rise of the Large Industrial Corporation in America'', par William G. Roy, page 123]</ref> en plus de 8 [[dette publique|emprunts publics]].
Entre temps, la [[Second Bank of the United States]] est née en [[1816]] avec un [[capital]] de 35 millions de [[dollar]]s. Le nombre total de [[banque]]s, cotées ou pas, est passé de 232 en [[1816]] à 338 en [[1818]], dont 40 en un an pour le seul [[Kentucky]],<ref>''History of Money and Banking in the United States'' par Rothbard, Murray N. Ludwig von Mises Institute. 2002. [http://www.mises.org/Books/historyofmoney.pdf]</ref> ce qui a déclenché la [[crise bancaire de 1819]] puis l'invention en [[1825]] à [[Boston]] du [[Suffolk Bank|système Suffolk]], [[chambre de compensation]] pour les [[billet de banque|billets de banque]]. Jusqu’en [[1831]], seules des sociétés financières sont cotées aux [[États-Unis]]. En [[1835]] sur 15 non-financières, 3 opèrent dans l’[[Gaz d'éclairage|éclairage au gaz]] et 8 dans le secteur [[Mine (gisement)|mine]]/[[charbon]], qui profite de succès du [[Canal Érié]]. La même année, quelques 704 [[banque]]s américaines [[capitalisation boursière|capitalisant]] 231 millions de [[dollar]]s ont émis pour 203 millions de [[dollar]]s de [[billet de banque|papier-monnaie]],<ref>"La Prusse de [[1815]] à [[1848]]: l'industrialisation comme processus de communication", par Rachid L'Aoufir, page 152 [http://books.google.fr/books?id=aIWSfk7IkxQC&pg=PA280&dq=%22obligations%22++%22bethmann+fr%C3%A8res%22&hl=fr&sa=X&ei=4dXoUL6uMIGWhQfrx4H4BA&ved=0CDoQ6AEwAQ#v=onepage&q=%22obligations%22%20%20%22bethmann%20fr%C3%A8res%22&f=false]</ref> s'attirant les foudres du président populiste [[Andrew Jackson]] : la [[Panique de 1837|panique bancaire de 1837]] affaiblit [[Philadelphie]] face à [[New York]]. Les deux villes sont reliées par le [[Pony Express|Pony express New York - Philadelphie]] de [[Gerard Hallock]] depuis [[1833]], et [[New York]] profite des dimensions de son port, par lequel transite un tiers des exportations américaines dès le milieu du {{s|XIX|e}}.<ref name="books.google.fr"/> Dès [[1827]], [[Arthur Tappan]] et [[Samuel Morse]], fondateurs du ''[[Journal of Commerce]]'', avaient acheté un [[schooner]] pour intercepter les navires apportant des journaux d'Europe et informer [[Wall Street]] plus vite. [[Wall Street]] reste cependant périphérique à [[Londres]], d'où part la [[Crise boursière de 1825]] sur les actions sud-américaines, puis l'[[Affaire de l'Emma Silver Mine]]. De [[1830]] à [[1860]], les [[investisseur]]s britanniques misent 250 millions de [[dollar]]s sur les sociétés américaines de [[Canal (voie d'eau)|canaux]] et du [[chemin de fer|rail]]<ref>[http://books.google.fr/books?id=Ywa0F1R9lXYC&pg=PA108&dq=%22Mohawk+and+Hudson+Railroad%22+%22wall+street%22&hl=fr&ei=TFEZTpfSAoPfsgaMhIXTAw&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=2&ved=0CDEQ6AEwAQ#v=onepage&q=%22Mohawk%20and%20Hudson%20Railroad%22%20%22wall%20street%22&f=false ''Capitalizing on change: a social history of American business'', par Stanley Buder, page 108]</ref> et la moitié de la [[dette publique]] américaine est détenue à l'étranger en [[1853]].<ref name="ReferenceA"/>
 
== {{s-|XIX|e}} ==
Après leurs révolutions, les États français, américain et belge utilisent la Bourse pour financer des banques centrales et des sociétés de canaux. Objectif, rattraper le retard sur le modèle anglais. L'État pilote aussi l'expansion du [[chemin de fer]], en tant qu'opérateur en [[Belgique]], propriétaire des terrains en [[France]] et régulateur attentif dans les pays anglo-saxons. Les [[années 1820]] en [[Angleterre]] et les [[années 1830]] en [[Belgique]] voient se multiplier les [[Introduction en bourse|introductions en Bourse]]. Quatre secteurs dominent d'abord : [[canal (entreprise)|canaux]], [[banque]], [[chemin de fer]] et [[mine (gisement)|mine]]. L'[[Angleterre]] accroît son avance dans les quatre tout au long du siècle. La [[Belgique]] suit pour les mines et la banque, les [[États-Unis]] pour les canaux et le chemin de fer. En [[France]], les banques sont absentes jusqu'en [[1852]] et souffrent de [[sous-capitalisation]]. Il faut attendre la fin du siècle pour voir cotées de nombreuses sociétés industrielles.
 
=== Révolution française et Empire : premières règlementations ===
[[Fichier:Assignat de 15 sols.jpg|thumb|300px|Assignat de 15 sols. Les assignats étaient gagés sur les "biens nationaux", réquisitionnés]]
La [[Révolution française]] voit la puissance publique entrer en jeu. Le législateur déplore que la [[Bourse des valeurs|Bourse]] ne soit « plus qu'un [[spéculation à prime|jeu de primes]], où chacun vendait ce qu'il n'avait pas, achetait ce qu'il ne voulait pas prendre », c'est-à-dire un marché d'[[option]], "où l'on trouvait partout des commerçants et nulle part du [[commerce]]". Il devient sévère : deux ans de [[prison]] et exposition publique du coupable, avec un écriteau sur la poitrine mentionnant : "agioteur". Ses biens sont confisqués. La corporation des [[agent de change|agents de change]] est dissoute par la loi Dallarde de [[1791]].<ref name="histoiredelabourse">''Histoire de la Bourse'', par Paul Lagneau-Ymonet et Angelo Riva, page 19, Éditions La Découverte 2011</ref> Cette activité devient ouverte à tous, à la seule condition de ne pas en avoir d'autre. La loi du 30 août [[1795]] limite la durée des séances boursières à une heure, entre 25 [[agent de change|agents de change]]. Cinq d'entre eux sont chargés de publier les cours dans la [[Presse écrite|presse]], ou par [[affichage]]. L’arrêté du 21 février [[1796]] exige que les transactions soient proclamées à haute voix, avec nom et domicile du vendeur et du [[dépositaire central|dépositaire]]. Les [[assignat]]s gagés sur les [[bien national|biens du clergé]] confisqués ayant été abandonnés le 19 février [[1796]], le [[Directoire]] impose une « rente perpétuelle de 5 % », par la [[Banqueroute des deux tiers|loi du 30 septembre 1797]]. La [[dette publique]] est autoritairement [[Tiers consolidé|réduite des deux-tiers]], partie qui n'est plus remboursable qu'en "bons de Trésorerie".<ref name="histoiredelabourse"/>
Sous [[Bonaparte]], la loi du du 19 mars [[1801]] créé une "[[Compagnie des agents de change]]", au nombre de 71, dont 17 exerçaient avant la [[Révolution française]].<ref>Histoire de la Bourse, par Paul Lagneau-Ymonet et Angelo Riva, page 22, Éditions La Découverte 2011</ref> Responsables sur leur fortune personnelle, ils ont le monopole de la négociation dans chaque [[Bourse des valeurs|bourse]] régionale : [[Bordeaux]], [[Lille]], [[Lyon]], [[Marseille]], [[Nancy]], [[Nantes]], [[Paris]] et [[Toulouse]]. Le [[code de commerce (France)|code du commerce]] de [[1807]] renonce à les placer sous la tutelle des marchands : ils sont officiers ministériels. Les [[guerres napoléoniennes]] font des dégâts : sur les 115 nommés entre [[1801]] et [[1815]], 30 démissionnent, 12 sont destitués, 4 se suicident.<ref>''Histoire de la Bourse'', par Paul Lagneau-Ymonet et Angelo Riva, page 23, Éditions La Découverte 2011</ref> La Compagnie créée en [[1818]] une "caisse commune", après avoir été forcée d'emprunter pour renflouer des membres.
[[Fichier:P1000564 Paris II Basique Notre-Dame-des-Victoires Façade reductwk.JPG|left|thumb|La Bourse est installée à la Révolution dans la basilique ND-des-Victoires ({{IIe}} arrondissement), devenue bien national]]
En quinze ans, la [[Bourse de Paris]] change quatre fois de lieu. Fermée le 27 juillet [[1793]], elle rouvre sous le [[Directoire]], le 10 mai [[1795]] au [[Palais du Louvre|Louvre]]. Fermée à nouveau le 13 décembre, elle est rétablie le 12 janvier [[1796]] dans l'[[Basilique Notre-Dame-des-Victoires|église des Petits-Pères]] devenue [[biens nationaux|bien national]], tandis que des échanges informels ont lieu au [[Palais-Royal]], où la [[Bourse de Paris|Bourse]] s'installe officiellement le 7 octobre [[1807]]. Le 23 mars [[1818]], elle déménage dans un hangar sur le terrain de l'ex-[[couvent des Filles-Saint-Thomas]],<ref>" HÔTEL DE MONTMORENCY-LUXEMBOURG - Rue Saint-Marc, Paris {{2e}}" [http://hotelmontmorency.online.fr/7.html]</ref> autre [[biens nationaux|bien national]], détruit après les exactions des "[[Bataillon des Filles-Saint-Thomas|royalistes des Filles-Saint-Thomas]]", qui en avaient fait leur repaire. Sur ses ruines démarre en [[1807]] la construction du [[palais Brongniart]], inauguré le 6 novembre [[1826]]. C'est aussi l'année de l'ouverture, juste en face, du [[Théâtre des Nouveautés]], qui laissera place en [[1840]] au [[Théâtre du Vaudeville]]. Le coût de la construction est couvert par les souscriptions des [[agent de change|agents de change]], le gouvernement et la [[mairie de Paris]] complétant.
 
[[Paris]] a été précédée par la [[Bourse de Milan]], installée en [[1801]] dans le [[Palazzo dei Giureconsulti]]<ref name="Lakehal"/> et par la [[Bourse de Francfort]], fondée en [[1820]]<ref name="Lakehal">"Le grand livre de l'économie contemporaine et des principaux faits de société", page 82, par Mokhtar Lakehal, Eyrolles, 2012 [http://books.google.fr/books?id=UdqPnz-q1pcC&pg=PA83&dq=Fondation+de+la+%22bourse+de+milan%22&hl=fr&sa=X&ei=pxGkUL_EBc6LhQfBzoGIDg&ved=0CDQQ6AEwAA#v=onepage&q=Fondation%20de%20la%20%22bourse%20de%20milan%22&f=false]</ref> grâce aux efforts de [[Johann Jakob Bethmann]] (1717 – 1792)<ref>"Vignobles et vignerons du Bordelais (1850-1980) ", par Philippe Roudi, page 20 [http://books.google.fr/books?id=AW_cxydBu2oC&pg=PA20&dq=%22bourse+de+francfort%22+install%C3%A9e&hl=fr&sa=X&ei=ThOkUOvuFM26hAfliYHYDg&ved=0CEEQ6AEwAw#v=onepage&q=%22bourse%20de%20francfort%22%20install%C3%A9e&f=false]</ref> et son frère [[Simon Moritz Bethmann (1721–1782) ‎|Simon Moritz Bethmann]]. Première société cotée, la [[Forint|Banque nationale d'Autriche]].<ref>« Analyse stratégique des indices boursiers », par Omar Belahbib, Université Abdelmalek Essâadi TANGER MAROC [http://www.memoireonline.com/02/07/364/m_description-technique-analyse-strategique-indices-boursiers5.html]</ref> La "Francfort Wertpapier Boerse" créée en [[1585]]<ref name="books.google.fr"/> par des marchands pour établir un cours unique des monnaies, devenue une [[Bourse des valeurs|bourse]] aux effets de commerce au [[XVIIe siècle]], centralise à la fin du [[XVIIIe siècle]] la négociation de la [[dette publique]], quand la [[Famille de Bethmann|Banque de Bethmann]] fragmente et revend, par appel à l’épargne publique, les prêts à [[François Ier d'Autriche]],<ref>« Die Bank, die Goethes Reisen finanzierte », par Claudia Wanner, dans le [[Handelsblatt]] du 27 janvier 2005 [http://www.handelsblatt.com/unternehmen/banken/das-bankhaus-bethmann-legte-im-18-jahrhundert-den-grundstein-fuer-den-heutigen-rentenmarkt-die-bank-die-goethes-reisen-finanzierte/2468534.html]</ref> engrangeant des profits supérieurs à ceux de l’ensemble des autres banques allemandes. Ludwig von Meseritz, chroniqueur de la [[Diète d'Empire|Diète]] réunie à [[Francfort]] à partir de [[1815]], passe à la chronique boursière dans ''[[Les Affinités électives]]'', journal de [[Johann Friedrich Cotta|Johann Cotta]] et [[Johann Wolfgang von Goethe|Goethe]].<ref>''Toward the Century of Words: Johann Cotta and the Politics of the Public Realm in Germany, 1795-1832'', par Daniel Moran, University of California Press, 1990 [http://books.google.fr/books?id=ERCyjxJsJXkC&pg=PA226&lpg=PA226&dq=%22ludwig+von+meseritz%22&source=bl&ots=yH_vtWYgGu&sig=VU9LvFQZmNv3_qn1vun9PmUVkZE&hl=fr&sa=X&ei=X9voUKWPLqbF0QXeroDgAw&ved=0CDUQ6AEwAQ#v=onepage&q=%22ludwig%20von%20meseritz%22&f=false]</ref> La [[Bourse de Berlin]], créée en [[1739]] et réformée en [[1805]], ne prend son essor qu'en [[1823]], ''via'' des [[Obligation (finance)|obligations]] prussiennes émises à [[Francfort]],<ref>"La Prusse de [[1815]] à [[1848]] : l'industrialisation comme processus de communication", par Rachid L'Aoufir, page 280 [http://books.google.fr/books?id=aIWSfk7IkxQC&pg=PA280&dq=%22obligations%22++%22bethmann+fr%C3%A8res%22&hl=fr&sa=X&ei=4dXoUL6uMIGWhQfrx4H4BA&ved=0CDoQ6AEwAQ#v=onepage&q=%22obligations%22%20%20%22bethmann%20fr%C3%A8res%22&f=false]</ref> puis réalise dans les [[années 1840]] ses premières émissions d’[[Railway mania|actions ferroviaires]],<ref>Berlin cote deux sociétés de chemin de fer en [[1840]] puis 29 dès [[1844]], la première étant Berlin-Postdam</ref> grâce à un programme public de construction des voies ferrées,<ref>"La Prusse de [[1815]] à [[1848]] : l'industrialisation comme processus de communication", par Rachid L'Aoufir, page 273 [http://books.google.fr/books?id=aIWSfk7IkxQC&pg=PA280&dq=%22obligations%22++%22bethmann+fr%C3%A8res%22&hl=fr&sa=X&ei=4dXoUL6uMIGWhQfrx4H4BA&ved=0CDoQ6AEwAQ#v=onepage&q=%22obligations%22%20%20%22bethmann%20fr%C3%A8res%22&f=false]</ref> [[Francfort]] se limitant aux obligations d’État. La [[Bourse de Madrid]] est fondée elle en [[1831]].<ref name="Lakehal"/> La plus ancienne bourse suisse naît à [[Genève]] en [[1850]],<ref>[http://www.six-swiss-exchange.com/knowhow/exchange/history_fr.html Histoire de la Bourse - Site de la bourse suisse]</ref> suivie de [[Bâle]] ([[1866]]), [[Lausanne]] et [[Zurich]] ([[1873]]), [[Berne]] ([[1884]]), [[Saint-Gall]] ([[1887]]) et [[Neuchâtel]] ([[1905]]). Les trois premières relèvent d'abord de législations cantonales. En [[Asie]], [[Tokyo]] est créée en [[1878]] par le ministre des finances pro-occidental [[Ōkuma Shigenobu]], mais avec des employés en [[Kimono]].<ref>[http://www.tse.or.jp/english/about/history/floor/index.html Histoire du TSE, sur son site officiel, avec photos]</ref> [[Hong Kong]] voit le jour en [[1891]], sous forme d'association de courtiers.
 
=== La "canalmania" française, premier grand retard sur Londres ===
Inspirée par le succès de la [[canalmania]] anglaise au tournant du siècle, la [[Bourse de Paris]] en fait sa première matière spéculative. Mais les sociétés de canaux français ne valent que 19 millions de francs, soit 16 % de la [[capitalisation boursière|capitalisation]] sur la période 1801-1815, le reste étant constitué de l'action [[Banque de France]].<ref>[http://www.melchior.fr/Le-financement-des-infrastruct.6457.0.html « Le financement des infrastructures par la Bourse de Paris au {{s-|XIX|e}} », ''Revue d'économie financière'', {{numéro|57}}, pages 28 à 30, par Pedro Arbulu et Jacques-Marie Vaslin (2000), page 332]</ref> La [[dette publique]] héritée des guerres napoléoniennes pèse. Entre 1815 et 1848, la longueur des canaux français triple, grâce au [[Louis Becquey|plan Becquey]] du 5 août 1821.<ref>''Histoire économique de la France'', par Jean-Charles Asselain, page 142</ref>
[[Fichier:Canal sambre lock ors.jpg|thumb|Canal de la Sambre à l'Oise — Écluse d'[[Ors]].]]
En [[1830]],<ref>6 canaux et 8 assureurs pèsent le tiers d’une [[capitalisation boursière]] de 271 millions de francs</ref> la Bourse de Paris cote 15 canaux, dont 5 totalisent 62 % des investissements:<ref>« Le marché financier français au {{s-|XIX|e}} : aspects quantitatifs des acteurs et des instruments à la Bourse de Paris », par Pierre-Cyrille Hautcœur, Georges Gallais-Hamonno, université de Paris-1 Panthéon-Sorbonne, Publications de la Sorbonne, 2007, page 388</ref> [[canal de Bourgogne]], [[canal de Roanne à Digoin]], [[Compagnie des quatre canaux]], [[canal de la Sambre à l'Oise]], pour amener le charbon belge du [[Borinage]] et [[canal Rhin-Rhône]], achevé seulement en [[1833]].<ref>''Histoire de la [[Franche-Comté]]'' par Claude-Isabelle Brelot, chez Privat, 1977, dans ''L'Industrialisation de la France au {{XIXe}}'' Profil Hatier page 75</ref> Les retards pris par le [[canal Crozat]] et le [[canal de Bourgogne]] au {{s|XVIII}} pénalisent le réseau français. Les investisseurs s'en méfient. Du fait de transactions rares, la volatilité reste élevée : 23 % en moyenne entre [[1822]] et [[1868]], contre 13 % pour les autres actions.<ref>[http://books.google.fr/books?id=ECLZ9R-HzXcC&pg=PA490&lpg=PA490&dq=%22soci%C3%A9t%C3%A9s+de+canaux%22+bourse&source=bl&ots=3OrcwwXNPd&sig=hsyyxS4OhQqdszmnbNv0JQW695w&hl=fr&ei=S5AaTtewG8nEsgbljsm5Dw&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=3&ved=0CDcQ6AEwAg#v=onepage&q=%22soci%C3%A9t%C3%A9s%20de%20canaux%22%20bourse&f=false «Le marché financier français au {{s-|XIX|e}} : aspects quantitatifs des acteurs et des instruments à la Bourse de Paris », par Pierre-Cyrille Hautcoeur, Georges Gallais-Hamonno, page 496]</ref> Elle atteint même 34 % sur les [[actions de jouissance]], seul vrai capital des canaux, le reste étant constitué d'« actions d'emprunt », en fait des [[Obligation (finance)|obligations]].<ref>[http://books.google.fr/books?id=ECLZ9R-HzXcC&pg=PA490&lpg=PA490&dq=%22soci%C3%A9t%C3%A9s+de+canaux%22+bourse&source=bl&ots=3OrcwwXNPd&sig=hsyyxS4OhQqdszmnbNv0JQW695w&hl=fr&ei=S5AaTtewG8nEsgbljsm5Dw&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=3&ved=0CDcQ6AEwAg#v=onepage&q=%22soci%C3%A9t%C3%A9s%20de%20canaux%22%20bourse&f=false ''Le Marché financier français au {{s-|XIX|e}} : aspects quantitatifs des acteurs et des instruments à la Bourse de Paris'', par Pierre-Cyrille Hautcoeur, Georges Gallais-Hamonno, page 498]</ref> Sur un horizon d'un an, la hausse des cours moyenne ne dépasse pas 3 %.
 
=== À la City de Londres, des actions pour des billets de banque ===
Le [[Palais Brongniart]] a aussi deux décennies de retard pour les banques. En [[Angleterre]], la [[Famine monétaire des années 1800]] a suspendu la convertibilité de la [[livre sterling]] pendant deux décennies. Pour financer sa croissance, [[Londres]] prend le risque d'émettre les premiers [[billets de banque]], malgré leur contestation, qui déclenchera la [[Panique de 1837]]. Lors des consultations précédant la loi du [[Bank Charter Act]] de [[1833]], [[Henry Burgess]], secrétaire de l’association des [[Country banks]] et directeur de l'hebdomadaire ''[[Circular to banker]]'' défend cette politique et explique qu'en cas de moindre émission des billets de banque, le montant total des lettres de change se trouverait aussi réduit, en se basant sur une étude auprès de 122 banques.<ref>''A history of prices, and of the state of the circulation, from 1793 to 1837'', par Thomas Tooke, William Newmarch Longman, Orme, Brown, Green, and Longmans, 1838 [http://books.google.fr/books?id=7ARLAAAAYAAJ&pg=PA130&dq=%22Henry+Burgess%22+country+banks&hl=fr&sa=X&ei=TNO8UPfMFY-N0wX_y4D4BQ&ved=0CEoQ6AEwBg#v=onepage&q=%22Henry%20Burgess%22%20country%20banks&f=false]</ref>
[[Fichier:Bnp-Paribas.JPG|left|thumb|Le siège du Comptoir d'Escompte fondé en 1848, devenu BNP-Paribas]]
La [[Bourse de Londres]] accueille 30 banques dès les trois années qui suivent le [[Bank Charter Act]] de [[1833]], puis 59 en [[1836]].<ref>''A study in trade-cycle history: economic fluctuations in Great Britain'', 1833, par Robert Charles Oliver Matthews, page 193.</ref> Parmi elles, la [[National Provincial Bank]] et la [[Westminster Bank]],<ref name="verley-168"/> au capital assez solide pour émettre massivement des billets de banque. Résultat, la [[monnaie scripturale]] représente 55 % de la monnaie en [[1844]] en [[Grande-Bretagne]] contre seulement 10 % en France<ref>''La Révolution industrielle'', par Patrick Verley (2008), page 165</ref> où l'on utilise quasiment que des pièces de monnaie. Les actionnaires parisiens s'y intéressent pourtant: les deux premières sociétés étrangères cotées à [[Paris]] sont la [[Banca Romana]] en [[1834]] et la [[Banque de Belgique]] en [[1835]].<ref>''Le Marché financier français au {{s-|XIX|e}}'', par [[Pierre-Cyrille Hautcœur]], Georges Gallais-Hamonno, [[université Paris I Panthéon-Sorbonne]], Publications de la Sorbonne, 2007</ref> Les banques françaises, familiales, ont pour seule concurrence les [[Caisse d'épargne|caisses d'épargne]]. Il faut attendre la [[Révolution française de 1848|Révolution de 1848]] pour la création de 65 "[[comptoir national d'escompte de Paris|comptoirs d'escompte]]", ancêtres de la [[BNP Paribas|BNP]].<ref name="enjeux-201107-48"/> L'État leur accorde un statut semi-[[mutualisme (économie)|mutualiste]], en [[1853]].<ref>[http://books.google.fr/books?id=bAbQvqZjVJsC&pg=PA367&lpg=PA367&dq=cr%C3%A9ation+de+la+soci%C3%A9t%C3%A9+g%C3%A9n%C3%A9rale+capital+francs&source=bl&ots=6GWa6X4Wiq&sig=6_l471roMaNnL0bpRml_irkqGpM&hl=fr&ei=lEwlTsK-As3IswakueG5CQ&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=3&ved=0CC4Q6AEwAg#v=onepage&q=cr%C3%A9ation%20de%20la%20soci%C3%A9t%C3%A9%20g%C3%A9n%C3%A9rale%20capital%20francs&f=false ''1864-1890, la naissance d'une banque moderne'', par Hubert Bonin, page 12]</ref> Ils sont « bousculés par les récessions » car [[sous-capitalisation|sous-capitalisés]]. Celui de Paris disparaît dans le krach causé par le [[Corner sur le cuivre de 1887|corner sur le cuivre]].<ref name="Denfert-Rochereau">Mars 1889, Paris se réveille avec l'annonce de la mort soudaine du directeur du Comptoir d'escompte, Eugène Denfert-Rochereau, par [[Pierre-Cyrille Hautcœur]] [http://www.parisschoolofeconomics.com/hautcoeur-pierre-cyrille/chroniques/Echos_septembre2011.pdf]</ref> Le [[Crédit mobilier]] et le [[Crédit foncier]] sont créés en [[1852]]. Le premier n'a que 60 millions de francs de capital: il fera faillite dès [[1867]].
 
Les banques de dépôt n'arrivent qu'en [[1859]], avec le [[Crédit industriel et commercial]], qui investira dans la [[Banque franco-égyptienne]]. Il précède ses petites sœurs de province : [[Société marseillaise de crédit]] ([[1864]]) et [[Crédit lyonnais]] ([[1863]]).<ref name="verley-168"/> Le premier « poids lourd » est la [[Société générale]], fondée en [[1864]] sous le haut patronage des [[Famille Rothschild|Rothschild]]. Elle s'inspire<ref>[http://books.google.fr/books?id=bAbQvqZjVJsC&pg=PA367&lpg=PA367&dq=cr%C3%A9ation+de+la+soci%C3%A9t%C3%A9+g%C3%A9n%C3%A9rale+capital+francs&source=bl&ots=6GWa6X4Wiq&sig=6_l471roMaNnL0bpRml_irkqGpM&hl=fr&ei=lEwlTsK-As3IswakueG5CQ&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=3&ved=0CC4Q6AEwAg#v=onepage&q=cr%C3%A9ation%20de%20la%20soci%C3%A9t%C3%A9%20g%C3%A9n%C3%A9rale%20capital%20francs&f=false ''1864-1890, la naissance d'une banque moderne'', par Hubert Bonin, page 37]</ref> de la [[Société générale de Belgique]], cotée à Paris, par « l'énormité de son capital»:<ref name="enjeux-201107-48"/> 125 millions de francs, soit autant que le [[Crédit mobilier]] après 12 ans d'activité.<ref>[http://books.google.fr/books?id=bAbQvqZjVJsC&pg=PA367&lpg=PA367&dq=cr%C3%A9ation+de+la+soci%C3%A9t%C3%A9+g%C3%A9n%C3%A9rale+capital+francs&source=bl&ots=6GWa6X4Wiq&sig=6_l471roMaNnL0bpRml_irkqGpM&hl=fr&ei=lEwlTsK-As3IswakueG5CQ&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=3&ved=0CC4Q6AEwAg#v=onepage&q=cr%C3%A9ation%20de%20la%20soci%C3%A9t%C3%A9%20g%C3%A9n%C3%A9rale%20capital%20francs&f=false ''1864-1890, la naissance d'une banque moderne'', par Hubert Bonin, page 39]</ref>
 
Ensuite, de [[1849]] à [[1870]], les banques émettent 16 fois plus d'actions que sur la période précédente.<ref>[http://www.melchior.fr/Le-financement-des-infrastruct.6457.0.html « Le financement des infrastructures par la Bourse de Paris au {{s-|XIX|e}} », ''Revue d'économie financière'', {{numéro|57}}, pages 28 à 30, par Pedro Arbulu et Jacques-Marie Vaslin (2000), page 406]</ref> Elles capitalisent 25 % de la [[Bourse de Paris]] puis 40 % lors de spéculation sur les immeubles ''[[Georges Eugène Haussmann|Haussmann]]'' qui débouche sur la [[crise bancaire de mai 1873]]. Le [[krach]] de l'[[Union générale]] de [[1882]] ramène cette proportion à 25 %. La faillite du [[comptoir national d'escompte de Paris|comptoir d'escompte]]<ref name="Denfert-Rochereau"/> en [[1889]], puis celle de la [[Société des dépôts et comptes courants|SDCC]] en [[1891]] font peur. Quitte à prendre des risques, l'épargne française se tourne plutôt vers le transport maritime. Quitte à dépendre de l'immobilier, elle préfère les beaux immeubles des 4 « grands magasins » créés à Paris : [[Bon Marché]] en [[1852]], [[Palais du Louvre|Louvre]] en [[1855]], [[Printemps]] en [[1865]] et [[Samaritaine]] en [[1869]].
 
=== Le charbon, grand succès mondial de l'indépendance belge de 1830 ===
[[Fichier:Frameries Crachet Pickery Feuille4 0018.JPG|thumb|Mine de Crachet Picquery créée à [[Frameries]] par fusion en [[1856]]]]
La [[Belgique]] devient dans la première moitié du {{s|XIX}} le {{2e}} producteur mondial de [[charbon]] après l'[[Angleterre]], en doublant sa production. Plusieurs centaines de [[mines de charbon de Belgique|puits belges]] existaient déjà autour de [[Liège]], souvent sous forme [[coopérative]]. La [[Société générale de Belgique]] (SGB), fondée à la [[Révolution belge]] de [[1830]], investit les cinq années suivant dans une quarantaine d'entreprises, dont 15 [[sidérurgie|aciéries]] et 7 mines de charbon, et les fait entrer en [[Bourse de Bruxelles]]. Parmi elles, la [[Société des hauts-fourneaux, usines et charbonnages de Marcinelle et Couillet|Marcinelle et Couillet]], la [[Société des Produits de Flénu|Flénu]],<ref>[http://books.google.fr/books?id=WqBCAAAAcAAJ&pg=PA202&dq=%22mines+de+charbon%22+%22bourse+de+bruxelles%22&hl=fr&ei=-scQTpDXL8yRswaChtGIDw&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved=0CDsQ6AEwAA#v=onepage&q=charbon&f=false ''La Bourse et les agents de change : études suivies d'un aperçu sur la lettre de change et d'une notice sur toutes les valeurs cotées à la Bourse de Bruxelles'', volume 2, par Édouard Limauge, 1864]</ref> au capital de 4 millions de francs,<ref>[http://charbonnagesduhainaut.webou.net/Levant.htm Site très complet sur l'histoire des charbonnages du Hainaut]</ref> et la [[Société du Levant de Flénu|Levant de Flénu]]. Les cours des deux dernières sont multipliés par 3,5 et 3,4 en vingt ans.<ref>[http://books.google.fr/books?id=OgcMAAAAYAAJ&pg=PA217&dq=action+des+charbonnages+%22bourse+de+bruxelles%22&hl=fr&ei=vlURToi0OMbwsgbA69DgDg&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=5&ved=0CFUQ6AEwBA#v=onepage&q&f=false ''Questions d'économie politique et de droit public'', par Gustave Molinari, page 217]</ref> Stimulée par leur succès, la petite [[Compagnie des mines de Douchy]] française fait encore mieux au [[palais Brongniart]] : ses actions sont multipliées par 105 en un an<ref name="Og9lDqmHgC page 476">[http://books.google.fr/books?id=81Og9lDqmHgC&pg=PA476&dq=charbon+%22compagnie+de+douchy%22&hl=fr&ei=sMIQTtuRM4resgai0sT8Dg&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=3&ved=0CDUQ6AEwAg#v=onepage&q=charbon%20%22compagnie%20de%20douchy%22&f=false ''De la houille : traité théorique et pratique des combustibles minéraux (houille, anthracite, lignite, etc.)'', par Amédée Burat, page 476, chez Langlois et Leclercq, 1851]</ref>·<ref name="charbon">De 2,22 francs en février 1833 à 300 francs en janvier 1834, ''Charbon et sciences humaines'' : actes du colloque du colloque organisé par la Faculté des Lettres de l'université de Lille en mai 1963</ref> après la découverte d'une veine de charbon près de [[Denain]]. Même s'il faudra attendre deux ans pour qu'elle produise un million de tonnes, les [[investisseur]]s prennent conscience que le [[Mines de charbon de Belgique|gisement belge]] se prolonge vers l'ouest, jusqu'au [[Pas-de-Calais]] français.
Grâce aux [[coulissier]]s, le [[Mines de charbon de Belgique|charbon belge]] est coté aussi à [[Paris]], où dès [[1840]] les pigeons de [[Charles-Louis Havas]] apportent à midi les cours de l'ouverture à [[Bruxelles]]. Malgré le morcellement de leur [[capital]], les mines belges et françaises se concertent pour réguler l'offre mondiale de charbon<ref>''Industrialisation et sociétés d'Europe occidentale, 1880-1970'' par Patrick Fridenson, page 143</ref> et tempérer les fluctuation des prix de vente. La [[introduction en Bourse|cotation en Bourse]] des multiples concessions minières, dont les frontières étaient souvent disputées, facilite les rationalisations et le partage des [[infrastructures]], comme lorsque la [[Société générale de Belgique|SGB]] créée en [[1856]] la [[Société Crachet-Picquery|Crachet-Picquery]].
 
=== Le rail en 1847, un jeu capital où la dette tue ===
[[Fichier:Locomotive Seguin 01.JPG|left|thumb|[[Locomotive Seguin]], 1829, à [[chaudière]] tubulaire]]
L'[[Angleterre]] vit dès les [[années 1820]] une "[[Railway mania]]" qui balaie la "[[Canalmania]]": le rail représente 20 des 115 [[introduction en Bourse|introductions en Bourse]] en [[1825]].<ref>''Civilisation matérielle, économie et capitalisme''. Volume 3 ''Le Temps du Monde'', par [[Fernand Braudel]], page 764</ref> [[Wall Street]] s'ouvre à son tour à la [[Mohawk and Hudson Railroad]] en [[1830]]. Le [[Palais Brongniart]] français traîne lui les pieds : il n'accueille qu'en {{date||décembre|1836}} la modeste [[ligne Paris - Saint-Germain-en-Laye]]. L'investissement ferroviaire en [[France]] est "en retard d'une décennie sur la [[Grande-Bretagne]]", selon l'historien Patrick Verley.<ref>''La Révolution industrielle'' par [[Patrick Verley]], Folio-Histoire, (2008) page 188</ref> Un retard cependant moindre que pour les technologies du [[XVIIIe siècle]], fonte au coke (trente ans) et tissage industriel (vingt ans). Entre [[1835]] et [[1840]], la [[capitalisation boursière]] française double, passant de 0,64 à 1,48 milliard de francs,<ref>On passe de 33 à 56 sociétés cotées, en particulier de 8 à 20 chemins de fer. Il y a toujours 8 canaux, 9 sociétés d'assurances et 5 banques</ref> dont 37 % pour les 20 compagnies ferroviaires.<ref>[http://books.google.fr/books?id=ECLZ9R-HzXcC&pg=PR1&lpg=PR1&dq=Pedro+Arbulu+et+Jacques-Marie+Vaslin&source=bl&ots=3OrctsXGWe&sig=Tnz9-HEaNFCMCZW69J_Sb0xboVw&hl=fr&ei=tl0VTsm1K8jpOfmOnRE&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved=0CBcQ6AEwADgK#v=onepage&q=Pedro%20Arbulu%20et%20Jacques-Marie%20Vaslin&f=false ''Le Marché financier français au {{s-|XIX|e}} : aspects quantitatifs des acteurs et des instruments à la Bourse de Paris'', par Pierre-Cyrille Hautcoeur, Georges Gallais-Hamonno, université de Paris-I Panthéon-Sorbonne, Publications de la Sorbonne, 2007, page 388]</ref>
Mais le réseau ferré français n'a toujours que 560 kilomètres en [[1841]]. Il est financé surtout par des [[Obligation (finance)|obligations]], dans un pays habitué aux [[rentes constituées]] : les [[Action (finance)|actions]] n'y représentent encore en [[1840]] que 2,7 % de l'[[épargne]]. Le coût des [[investissement]]s et la [[concurrence]] font peur. Pour l'empêcher, on créé en [[France]] des lignes ferroviaires « à embranchement ». Timorés, les dirigeants des [[chemin de fer|compagnies ferroviaires]] privilégient une [[rentabilité financière]] pure, reposant sur l'[[effet de levier]] et causant une [[sous-capitalisation]]. La « [[railway mania]] » française n'émerge vraiment qu'en [[1844]]. Et quand elle se concrétise, l'année du [[krach de 1847]], sur un milliard de francs levé en [[Action (finance)|actions]], plus de 60 % vient d'[[investisseur]]s anglais.<ref>''La Révolution industrielle'' par Patrick Verley, Folio-Histoire, (2008) page 191</ref>
Les [[capitaux propres]] dominent au contraire le [[financement]] du rail anglais : plus d'un milliard de francs en [[1839]], contre un demi-milliard d'[[Emprunt (finance)|emprunts]]. Au même moment, l'[[investissement]] total français est quinze fois moins élevé.<ref>[http://books.google.fr/books?id=UApLAAAAYAAJ&pg=PA9&dq=chemins+de+fer+en+angleterre+kilom%C3%A8tres&hl=fr&ei=XXUlTpKSBdCeOuKc7cgK&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved=0CDMQ6AEwAA#v=onepage&q=chemins%20de%20fer%20en%20angleterre%20kilom%C3%A8tres&f=false Chemins de fer d'Angleterre: leur état actuel, par Jean-Martial Bineau, chez Carilian-Goeury et Dalmont, [[1840]], page 10]</ref> Résultat, dès [[1841]] le réseau anglais a 225 kilomètres de rail exploités par million d'habitants, 17 fois plus que la France.<ref>[http://books.google.fr/books?id=UApLAAAAYAAJ&pg=PA9&dq=chemins+de+fer+en+angleterre+kilom%C3%A8tres&hl=fr&ei=XXUlTpKSBdCeOuKc7cgK&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved=0CDMQ6AEwAA#v=onepage&q=chemins%20de%20fer%20en%20angleterre%20kilom%C3%A8tres&f=false Chemins de fer d'Angleterre : leur état actuel, par Jean-Martial Bineau, chez Carilian-Goeury et Dalmont, [[1840]], page 9]</ref> Opéré par 200 compagnies différentes, il représente en [[1845]] la moitié des 9200 kilomètres de rail en [[Europe]],<ref>[http://books.google.fr/books?id=HJmVGt35ThIC&pg=PT47&dq=histoire+des+chemins+de+fer+en+angleterre+kilom%C3%A8tres&hl=fr&ei=63ElTrTpCYe0-QaimZDXCw&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=5&ved=0CEMQ6AEwBA#v=onepage&q=histoire%20des%20chemins%20de%20fer%20en%20angleterre%20kilom%C3%A8tres&f=false "Histoire de la mondialisation", par Bertrand Blancheton, page 46]</ref> dont seulement 2300 kilomètres pour les 9 premières compagnies anglaises. En moyenne, leurs [[Action (finance)|actions]] ont doublé depuis l'[[augmentation de capital|émission]] et leurs [[bénéfice]]s représentent 5,5 % du [[capital]] investi.<ref>[http://books.google.fr/books?id=nRE2AAAAMAAJ&pg=PA552&dq=1845++1846+railwaymania+krach+shares&hl=fr&ei=1D0nTu7cMYfKswbxq8yxCQ&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=5&ved=0CD4Q6AEwBA#v=onepage&q&f=false ''Journal of the Royal Statistical Society'', Volume 29, page 552]</ref>
{| class="wikitable"
|Décennie puis année
|[[Années 1830]]
|[[Années 1840]]
|[[Années 1850]]
|km du réseau en [[1850]]
|km du réseau en [[1870]]
|-
|% du rail dans l'investissement (France)
|0,8 %
|6,7 %
|12,7 %
|{{formatnum:3000}} en France
|{{formatnum:15600}} en France
|-
|% du rail dans l'investissement (Angleterre)
|9 %
|28 %
|15 %<ref name="verley-190"/>
|{{formatnum:10000}} en Angleterre
|{{formatnum:24900}} en Angleterre
|-
|}
Les capitaux viennent "des régions minières et manufacturières du nord de l’Angleterre", observe [[Henry Burgess]] en [[1835]] dans le ''[[Circular to banker]]''.<ref>''The London Stock Exchange: its history and functions'', page 107, par Edward Victor Morgan et William Arthur Thomas - 1971</ref> Le [[London Stock Exchange]] ne s'y implique que lors de l’[[introduction en bourse]] du "[[West Coast Main Line|Birmingham and London]]" et du "[[Grand Junction Railway|Grand Junction]]".<ref>''Provincial Stock Exchange'' par William Arthur Thomas, Routledge, 2012 [http://books.google.fr/books?id=vUOOwTwOZZsC&pg=PT44&dq=%22Henry+Burgess%22++stock+market&hl=fr&sa=X&ei=Hf-_UL3oC-ns0gX9loGYBg&ved=0CDkQ6AEwAQ]</ref> Une [[Bourse des valeurs|bourse]] est fondée en [[1845]] à [[York]] par des amateurs de technologie.<ref>''The stock exchange history'', par Alan Jenkins, page 197, Éditions Heinemann</ref> Des dizaines de courtiers régionaux participent aux [[augmentation de capital|augmentations de capital]] dans les [[années 1840]], le [[chemin de fer]] étant suivi par plus de vingt journaux anglais.<ref>[http://books.google.fr/books?id=AxEEAAAAQAAJ&pg=PA10&dq=railway+mania&hl=fr&sa=X&ei=-CAnT4PUGofQhAek3OSUBA&ved=0CEUQ6AEwAw#v=onepage&q=railway%20mania&f=false ''The commercial crisis, 1847-1848'', par David Morier Evans]</ref>
Dès janvier [[1842]], la loi créé la [[Railway Clearing House]], qui [[Mutualisation des services|mutualise]] les coûts (billets, contrôles, reversements d'une compagnie à l'autre) et institue des tarifs différenciés. Moins rentables mais plus prometteuses, les petites compagnies complètent les grandes, pour un [[aménagement du territoire|maillage optimal du territoire]]. Les énormes quantités d’[[acier]] nécessaires à la [[Constructeur ferroviaire|construction des voies]] donnent une formidable visibilité à la [[sidérurgie]] anglaise, qui investit massivement pour bénéficier d'[[économies d’échelle]].
[[Fichier:Cie chemins fer Nord 1853 VBois.jpg|thumb|Le réseau ferré français vers 1853]]
Ce système s'emballe en [[1845]] : le parlement anglais autorise 248 sociétés ferroviaires contre 37 en [[1844]] et 24 en [[1843]].<ref>''Railway age'', Volume 78, par Simmons-Boardman (1925), page 116</ref> Dans les deux année qui suivent, 5700 kilomètres supplémentaires sont posés en [[Angleterre]] et 960 kilomètres en [[France]]. La sidérurgie française a moins bien anticipé cette croissance rapide: les prix du rail d'acier grimpent de 25 % en un an, à 400 francs la tonne en [[1846]].<ref>"Précis d'économie politique", par Auguste Murat et Henri Truchy, aux Nouvelles Éditions Latines (1953), page 418</ref> Parmi les causes du [[krach de 1847]], ce coût des investissements, "sous-estimé".<ref name="enjeux-201107-48"/> Le krach est plus sévère pour les chemins de fer français, comparativement plus endettés que les anglais car moins solides en [[capitaux propres]] : au 30 juillet [[1847]], leur cours ont perdu 50 % à 75 % en douze mois. La seule ligne à résister est la [[Paris]]-[[Lille]] de la [[Compagnie du chemin de fer du Nord|Compagnie du Nord]] des [[James de Rothschild|Rothschild]]. C'est aussi la seule bien capitalisée : 200 millions de francs apportés par {{formatnum:20000}} actionnaires en [[1845]].<ref name="verley-190"/> La [[Compagnie du chemin de fer de Paris à Lyon|"Paris-Lyon"]] est sous-capitalisée avec seulement 200 millions de francs, pour un parcours deux fois plus long. En faillite dès [[krach de 1847|1847]], elle est nationalisée le 17 août [[1848]], à la demande de [[Alphonse de Lamartine|Lamartine]].<ref>[http://books.google.fr/books?id=nshBAAAAcAAJ&printsec=frontcover&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q=LYON&f=false ''Histoire financière des chemins de fer français'', par A. de Laveleye, page 39]</ref> En [[1851]], beaucoup de lignes sont interrompues en rase campagne, emportées par des remboursements de crédits qui ont mangé leurs [[capitaux propres]]. Le réseau français n'a toujours que 3870 kilomètres.<ref>exploités par 40 compagnies.</ref> Cinquante ans après, ce sera 25 fois plus.<ref name="enjeux-201107-52"/>
Pour remédier à ce retard, et faire échec aux [[Famille Rothschild|Rothschild]], [[Napoléon III]] créé le [[Crédit mobilier]] en [[1852]], à partir des [[Caisses des actions réunies]]. Entré en [[Bourse (économie)|Bourse]] en novembre [[1852]], avec un capital de seulement 60 millions de francs, il fera faillite en douze ans et déçoit rapidement: inutile d'y voir "une espèce de providence des compagnies de chemins de fer", note en [[1862]] l'économiste Raoul Boudon, selon qui "la spéculation a fait payer au public trois ou quatre fois le prix" des "quelques centaines de kilomètres" de rail apportés par le [[Crédit mobilier]].<ref>[http://books.google.fr/books?id=vpsTAAAAYAAJ&pg=PA259&dq=%22Cr%C3%A9dit+mobilier%22+chemins+de+fer&hl=fr&ei=wToaTqDwGYuD-wbL7NnXBw&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=4&ved=0CDkQ6AEwAw#v=onepage&q=%22Cr%C3%A9dit%20mobilier%22%20chemins%20de%20fer&f=false ''La Vérité sur les institutions de crédit privilégiées en France'', par [[Raoul Boudon]], page 259]</ref> À partir de [[1852]], les compagnies ferroviaires émettent massivement des obligations portant un [[taux d'intérêt|intérêt]] de 3 %, pour toucher un public "plus large mais plus timoré" que celui de la [[Bourse (économie)|Bourse]].<ref>''La Révolution industrielle'' par Patrick Verley, Folio-Histoire, (2008) page 192</ref> Ce n'est pas encore assez: [[Napoléon III]] doit garantir en [[1857]] un [[taux d'intérêt|intérêt]] de 4,65 %, sur les "obligations nouvelles" de ces sociétés.<ref>''La Révolution industrielle'' par Patrick Verley, Folio-Histoire, (2008) page 198</ref>
La forte [[croissance économique mondiale des années 1850|croissance des années 1850]] vole au secours du [[chemin de fer]] français, qui pèse 50 % de la capitalisation parisienne à la fin de la décennie, contre seulement 3,5 % pour le charbon et 5 % pour les autres mines. Par des fusions, [[Napoléon III]] le regroupe en [[1857]] en 11 compagnies.<ref>''La Révolution industrielle'' par Patrick Verley, Folio-Histoire, (2008) page 197</ref> La [[panique de 1857]] en emporte plusieurs, dont la [[Compagnie du chemin de fer Grand-Central de France|"Grand-Central"]], sous-capitalisée dès sa création en [[1853]], avec seulement 90 millions de francs.
 
=== Pony Express, pigeons, et télégraphe, les premiers liens inter-Bourses ===
L'[[Histoire de la presse économique et financière en France|Histoire de la presse économique]] et l'essor boursier du {{s|XIX|e}} sont liés. Dès [[1827]], [[Arthur Tappan]] et [[Samuel Morse]], du ''[[Journal of Commerce]]'', achètent une [[Goélette]] pour intercepter les gros navires arrivant d'Europe, se faire lancer les journaux dans un panier, puis transmettre les principales nouvelles à [[Wall Street]], par le [[Télégraphe Chappe|télégraphe optique]]. C'est aussi à [[Wall Street]] que le [[Pony Express|Pony Express New York - Philadelphie]] de [[Gerard Hallock]] amène dès [[1833]] les dernières nouvelles du [[congrès des États-Unis|congrès]] : huit cavaliers se relaient à bride abattue, transportant les décisions du gouvernement<ref>[http://books.google.fr/books?id=prI3AAAAYAAJ&dq=%22Journal+of+Commerce%22+%22GERARD+hALLOCK%22&source=gbs_navlinks_s ''Life of Gerard Hallock: thirty-three years editor of the New York Journal of Commerce'', par William H. Hallock]</ref> américain, alors basé à [[Philadelphie]]. Ce dernier décide de reprendre l'entreprise à son compte. La connexion entre bourses profite surtout à [[New York]], où l'[[Associated Press]] est créée en [[1848]] par six [[quotidiens]]. Objectif, se procurer les nouvelles européennes avec un jour d'avance, dès l'arrivée des navires de la [[Cunard Line|Cunard]] à [[Halifax (Nouvelle-Écosse)|Halifax]], en [[Nouvelle-Écosse]], première escale avant [[Boston]] et [[New York]]. Les six journaux new-yorkais membres de l'[[Associated Press]] se partagent les coûts du [[Pony express de Nouvelle-Écosse]], reliant [[Halifax (Nouvelle-Écosse)|Halifax]] à [[Digby (Nouvelle-Écosse)|Digby]], de l'autre côté de la [[Nouvelle-Écosse]], 250 kilomètres plus à l'ouest. De [[Digby (Nouvelle-Écosse)|Digby]], une [[goélette]] rapide traverse la petite [[baie de Fundy]] jusqu'à [[Saint-Jean (Nouveau-Brunswick)|Saint-Jean]] au [[Nouveau-Brunswick]], d'où les nouvelles importantes, repérées dans les journaux européens, sont télégraphiées à [[Wall Street]].
[[Fichier:Racing pigeon rataedl.jpg|left|thumb|upright|alt=Photo d'un pigeon voyageur|''Pigeon voyageur'']]
À [[Paris]], [[Charles-Louis Havas]] utilise un réseau de plusieurs centaines de pigeons voyageurs à partir de [[1840]], posant les jalons de l'[[Histoire de l'Agence France-Presse de 1944 à 2011|Histoire de l'AFP]]. Les précieux volatiles lui apportent les cours d'ouverture de la [[Bourse de Londres]] vers 14 heures et ceux de la [[Bourse de Bruxelles]] dès midi. Le [[télégraphe]] électrique déploie ses premières lignes en [[1845]], mais sans offrir les mêmes garanties de confidentialité. [[Paul Julius Reuter]] en fait pourtant son arme quand il concurrence son ex-employeur [[Charles-Louis Havas|Havas]], en fondant en [[1849]] l'agence [[Reuters]], d'abord à [[Aix-la-Chapelle]], puis dans les locaux mêmes du [[London Stock Exchange]] en [[1851]], l'année de la pose du premier [[Chronologie du télégraphe|câble télégraphique transmanche]]. Il se spécialise dans les [[Histoire de l'information financière en direct|nouvelles financières]], que reprendra le [[quotidien]] ''[[La Patrie (Paris)|La Patrie]]''. En [[1874]], quand le [[télégraphe]] reliera [[Paris]] au monde entier, l'[[Agence de presse Fournier|Agence Fournier]] concurrencera [[Havas]] et [[Reuters]] sur la finance .
 
=== Les presses économiques belge et anglaise, très tôt libres et actives ===
Rien qu'à [[Londres]], 52 [[Histoire de la presse économique et financière en France|journaux boursiers]] naissent entre [[1800]] et [[1900]],<ref>"Framing Finance: The Boundaries of Markets and Modern Capitalism", par Alex Preda</ref> parmi lesquels ''Le cours des échanges et autres choses''<ref>reprenant le nom de la liste de [[John Castaing]] de [[1692]]</ref> de James Vetenhall en [[1803]], le ''Financial and Commercial record'' en [[1818]] et le ''[[Circular to banker]]'' d'[[Henry Burgess]], hebdomadaire économique et boursier de huit page, lu dès [[1828]] dans les [[Country banks|banques de province]], qui contribue à la réflexion lors des consultations parlementaires menant au [[Bank Charter Act]]. Une vingtaine de publications anglaises spécialisées nourrissent dès [[1842]] la [[Railway mania]], l'année de création du ''[[Le Journal des chemins de fer|Journal des chemins de fer]]'' français, acteur central de la propagation du [[krach de 1847]] de [[Londres]] à [[Paris]]. Très libre, la [[Presse écrite|presse]] anglaise contribue à révéler l'[[Affaire de l'Emma Silver Mine]], société presque "vide" placée auprès d'[[investisseur]]s anglais en [[1871]], avec le soutien de l'[[ambassadeur]] des [[États-Unis]] à [[Londres]]. Ce dernier s'en sort, mais la [[Presse écrite|presse]] britannique met hors-jeu le "Baron Grant" qui pilote de nombreuses [[introduction en Bourse]] à [[Londres]],<ref>"The Economics of Mining, Third Edition" : Value Organization Management,
Stanford University Press [http://books.google.fr/books?id=3WmmAAAAIAAJ&pg=PA328&dq=%22Emma+Silver+Mine%22+press&hl=fr&sa=X&ei=xNC7UOuHKIWThgeOzoDYAw&ved=0CDYQ6AEwAg#v=onepage&q=%22Emma%20Silver%20Mine%22%20press&f=false]</ref> impliqué dans l'un des plus gros scandales miniers de l'[[histoire des États-Unis|histoire américaine]].<ref>[http://books.google.fr/books?id=odukKzE5n4EC&pg=PA142&dq=%22Emma+Mine%22&hl=fr&ei=hGlaTr3OOcHP4QSs7KisBQ&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=5&ved=0CEcQ6AEwBA#v=onepage&q=%22Emma%20Mine%22&f=false "A remarkable curiosity: dispatches from a New York City journalist's 1873 railroad trip across the American West", par Amos Jay Cummings, Jerald T. Milanich, page 149]</ref>
 
À [[Bruxelles]], les publication économiques se multiplient dès la [[Révolution belge]], avec ''[[L'organe de l’industrie et du commerce]]'' et ''[[L'Emancipation]]'' de [[Natalis Briavoinne]] en [[1832]], ''L'industrie et le commerce belges'' en [[1858]], ''Le courrier du commerce'' (quotidien) en [[1865]] ou ''La gazette de la Bourse'' en [[1873]]. L'[[agent de change]] [[Armand Mandel]] fonde en [[1868]] la ''[[La Cote libre de la Bourse de Bruxelles|Cote libre]]'' à [[Bruxelles]] et le ''[[Bulletin financier]]'' à [[Paris]]. Soutenu par le [[quotidien]] économique ''[[L'Echo]]'', il publie en [[1869]] des révélations sur le [[finance|financier]] [[André Langrand-Dumonceau]] et sa "puissance financière catholique", mettant fin au financement européen de la [[Société Impériale des Chemins de Fer de la Turquie d’Europe]].<ref>"The Balkan Railways, International Capital and Bankingfrom the End of the {{19th}} Century until the Outbreak of the First World War", par Peter Hertner [http://www.scribd.com/doc/21995233/The-Balkan-Railways]</ref> La [[Belgique]] s'épargne ainsi les affres que vivra la [[France]] quinze ans plus tard, lors du [[Union générale|krach de l'Union générale]] de [[Paul Eugène Bontoux]], équivalent français d'[[André Langrand-Dumonceau]]. Installé ensuite à [[Paris]], [[Armand Mandel]] y fonde ''[[Le Pour et le Contre]]'', vigoureux ancêtre de la ''[[La Vie française]]'', et dénonce très tôt le [[Scandale de Panama]]. La [[Histoire de la presse économique et financière en France|presse financière française]] végétait depuis la [[Monarchie de Juillet]], malgré le souvenir de la [[Protestation des 44 journalistes du 26 juillet 1830|protestation des journalistes de 1830]], temps fort des [[Trois Glorieuses]]. Elle avait perdu son [[indépendance des rédactions|indépendance]] avec la [[censure]] du [[Second Empire]], sous lequel naît en [[1854]] ''[[La Semaine financière]]'' des [[Famille Rothschild|Rothschild]], concurrencée en [[1856]] par le [[bonapartiste]] ''[[Le Journal des actionnaires|Journal des actionnaires]]'', lié à la [[Caisse générale des actionnaires]]. Le vieux ''[[Le Journal des chemins de fer|Journal des chemins de fer]]'' reste alors une référence, pour sa [[vérification des faits|fiabilité]].
 
=== 1870 : Bismarck affole la "Petite Bourse" et multiplie les rentiers ===
En juillet [[1870]], une conversation courtoise se tient dans les allées du parc d'une [[station thermale]] à [[Ems]], entre l'[[ambassadeur de France]] et le [[roi de Prusse]]: la [[France]] demande confirmation du retrait de la candidature de [[Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen]] au [[Liste des souverains d'Espagne|trône d'Espagne]], après l'abdication de la reine [[Isabelle II]]. Malgré les [[vérification des faits|recoupements]] et [[protection des sources d'information des journalistes|précautions]] de la [[dépêche d'Ems]] la relatant, cette insistance est dénoncée comme un [[incident diplomatique]] par une partie de la [[Presse écrite|presse]], en [[France]] comme en [[Allemagne]]. Résultat, les [[émeutes nationalistes des 13 et 14 juillet 1870|émeutes nationalistes des 13 et 14 juillet]], à [[Berlin]] puis [[Paris]]. Au soir du 13 juillet, [[Otto von Bismarck|Bismarck]] fait imprimer et distribuer gratuitement dans les rues de [[Berlin]]<ref>Georges Roux, ''Thiers'', Nouvelles Éditions latines, p. 157, {{lire en ligne|url=http://books.google.fr/books?id=6gMmkjBGFhEC&pg=PA157}}</ref> plusieurs milliers d'exemplaires d'un numéro spécial de la ''[[Gazette de l'Allemagne du Nord]]'', son organe de presse officiel, avec une caricature présentant l'[[ambassadeur de France]] en train d'humilier et harceler le [[roi de Prusse]]<ref>''Bibliothèque universelle et revue suisse'', vol. 37, p. 420, {{lire en ligne|url=http://books.google.fr/books?id=LGXwAAAAMAAJ&pg=PA420}}.</ref>·.<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Sophie|nom1=Chautard |titre=Les grandes batailles de l'histoire|collection=Studyrama perspectives|numéro dans collection=621|éditeur=Studyrama|lieu= Levallois-Perret|année=2005|pages totales=341|format=1 vol. : couv. ill. ; {{unité|20|cm}}|isbn=2-84472-659-3|isbn2= 978-2-84472-659-9|bnf=40083186p|partie= IV|numéro chapitre= 12|titre chapitre= Sedan ({{1er}} septembre 1870)|passage= 200|lire en ligne= http://books.google.fr/books?id=f6d-SS_E_TAC&pg=PA200}}</ref> L'[[Agence Continentale]], dans laquelle a investi [[Otto von Bismarck|Bismarck]], et sa partenaire l'[[Histoire de l'Agence d'information Havas|Agence d'information Havas]] relient les deux pays par le télégraphe depuis dix ans, contrôlées par [[Otto von Bismarck|Bismarck]] et [[Napoléon III]].
[[Fichier:Théâtre de l'Académie royale de musique - Grande salle.jpg|thumb|350px|L'ex-Opéra LePeletier en 1864, contigu au [[Passage de l'Opéra]] où se tenait "[[La petite Bourse]]", organisée par les [[coulissier]]s.]]
À [[Paris]], dans la soirée, une "agitation extrêmement belliqueuse régnait non seulement parmi la foule compacte amassée à [[La petite Bourse]]" du passage de l'[[Opéra Le Peletier]], où règnent les [[coulissier]]s, mais aussi "dans tous les cafés depuis la [[Quartier de la Madeleine|Madeleine]] jusqu'à la [[Bastille]]", rapporte le correspondant du ''Journal de Bruxelles''. Il voit arriver une manifestation de 700 étudiants du [[Quartier latin (quartier parisien)|Quartier latin]], avec un drapeau sur lequel est inscrit "A bas la [[Prusse]], vengeons nous !".<ref>"Aux origines de la guerre de 1870: gouvernement et opinion publique", page 721 par [[Jean Stengers]] - Revue belge de philologie et d'histoire - 1956 - [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rbph_0035-0818_1956_num_34_3_2000]</ref> Le lendemain de ces [[manifestation]]s, [[Otto von Bismarck|Bismarck]] envoie sa circulaire aux ambassadeurs partout en [[Europe]]. Les [[manifestation]]s de la veille les ont conditionnés. Le [[quotidien]] du soir ''[[La France (journal)|La France]]'' donne la réponse française à la ''[[Gazette de l'Allemagne du Nord]]'', comme il en avait l'habitude depuis mai, chacun des deux dénonçant l'activisme militaire de l'autre puissance.<ref>''Moniteur belge : journal officiel'', p. 2359, {{lire en ligne|url=http://books.google.fr/books?id=6X5DAAAAcAAJ&pg=PA2539}}</ref>
 
À la [[Bourse de Paris]], qui termine alors ses séances à trois heures, la nouvelle que [[Otto von Bismarck|Bismarck]] refuse une audience à [[Vincent Benedetti]], ambassadeur français en [[Prusse]], contribue à l'effondrement des cours selon la chronique boursière du ''[[Le Figaro|Figaro]]'' : ''On s'est laissé aller presque immédiatement au découragement le plus absolu, sous l'influence des bruits qui circulaient de toutes parts. On disait que le [[Liste des rois de Prusse|roi de Prusse]] avait refusé de recevoir [[Vincent Benedetti|M. Benedetti]], et que le gouvernement prussien ne ferait aucune espèce de concession''.<ref>"Aux origines de la guerre de 1870: gouvernement et opinion publique", page 740 par [[Jean Stengers]] - Revue belge de philologie et d'histoire - 1956 - [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rbph_0035-0818_1956_num_34_3_2000]</ref> ''[[La France (journal)|La France]]'' affirme le [[14 juillet]] au soir que la [[France]] s'apprête à réagir par une [[déclaration de guerre]] à l'[[incident diplomatique]], ce qui déclenche de nouvelles [[manifestation]]s à [[Paris]]. La foule s'en prend à l'ambassade de [[Prusse]]. Les vitres volent.<ref>Maurice Ezran, ''Bismarck, démon ou génie ?'', p. 122, {{lire en ligne|url=http://books.google.fr/books?id=zXmDVJoku8sC&pg=PA121&lpg=PA121}}.</ref> Le [[ministère de la Guerre (France)|ministre de la Guerre]] rappelle les réservistes, le soir même. Puis la [[France]] perd rapidement la [[Guerre franco-allemande de 1870|guerre de 1870]]. La [[loi monétaire prussienne du 4 décembre 1871]] l'oblige à verser une [[indemnité de guerre]] de 5 milliards de francs, soit près de 25 % du [[Produit intérieur brut|PIB]] français, dans une nouvelle monnaie, le mark-or. Pour la payer, la [[dette publique]] française doit doubler et une nouvelle classe de [[rentiers]] apparaît : 4 millions d'inscriptions à son "Grand livre" sont enregistrées en [[1880]] contre 1,5 million en [[1870]].<ref>''Histoire de la Bourse'', par Paul Lagneau-Ymonet et Angelo Riva, page 47, [[Editions La Découverte]] [[2011]]</ref> Cela ne veut pas dire qu'il y a autant de porteurs, mais donne une indication sur la tendance à l'augmentation de leur nombre. Afin de drainer cette nouvelle épargne, les [[banque|banques commerciales]] françaises, nées dans la [[années 1860|décennie précédente]], développent leurs réseaux.
 
=== Hausses météorites et premiers ouvriers millionnaires à San Francisco ===
[[Fichier:Adolph Sutro by Brady.jpg|thumb|left|L'ingénieur allemand Adolph Sutro imagine un tunnel pour ventiler les mines d'argent du Nevada]]
La [[Bourse de San Francisco]], qui inspire les écrivains [[Jules Verne]] et [[Robert-Louis Stevenson]], ouvre en fanfare en [[1862]] grâce aux centaines de petites compagnies minières qui se partagent le [[Comstock Lode]] découvert trois ans plus tôt en plein désert du [[Nevada]] à [[Virginia City (Nevada)|Virginia City]], sous les yeux du journaliste [[Mark Twain]]. C'est le plus grand gisement d'argent-métal de l'histoire, après le [[Potosi]] bolivien. La [[Bourse de San Francisco]] finance des nouvelles technologies,<ref>[http://books.google.fr/books?id=nTwWTRr8nagC&pg=PR9&dq=%22san+francisco+stock+and+exchange+board%22&hl=fr&ei=-uNZTvnjLJHUsgbmgMm0BQ&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved=0CDEQ6AEwAA#v=onepage&q&f=false "History of the San Francisco Stock and Exchange Board", par Joseph L. King, page 34]</ref> comme celles de [[Philip Deidesheimer]], qui teste dès [[1860]] un système de gros « cubes » qui permet aux mineurs expérimentés d'ouvrir des cavités de taille voulue, en profondeur, ou encore le tunnel d'[[Adolph Heinrich Joseph Sutro]], permettant de creuser à {{unité|300|mètres}} sous terre, par une température de 70 degrés.
 
Les [[augmentation de capital|augmentations de capital]] sont massives et fréquentes, les effondrements boursiers aussi. On assiste aux premiers [[corner (finance)|corners]], contre la [[Bank of California]], dont le fondateur se suicide dans la [[Baie de San Francisco]]. Avec un cours multiplié par 700, et une [[capitalisation boursière]] multipliée par 28000 entre [[1870]] et [[1875]], pour atteindre 750 millions de dollars,<ref>[http://opportunistmagazine.com/titans-of-capitalism-james-clair-flood-name/ "Titans of Capitalism-James Clair Flood", dans ''Opportunist Magazine'' du 18 août 2011]</ref> grâce à la découverte du filon du [[Big Bonanzza]], la [[Consolidated Virginia mining company]] enrichit ses quatre actionnaires, des ouvriers qui avaient participé à la [[ruée vers l'or en Californie]]. Ils fondent la [[Banque du Nevada]], puis couvrent [[San Francisco]] de constructions monumentales. Les investisseurs tentent sans succès de rééditer ces performances dans la [[Vallée de la Mort]] à [[Panamint City (Californie)]], en [[1873]], ou lors de l'[[affaire de l'Emma Silver Mine]] de [[1871]]. D'autres ex-mineurs du [[Comstock Lode]] deviendront milliardaires à l'extérieur du [[Nevada]], comme [[George Hearst]], qui découvre [[Homestake Mining]], plus important gisement de l'[[Histoire des mines d'or]], lors de la [[Ruée vers l'or dans les Black Hills]]. Parmi eux aussi, [[Marcus Daly]], créateur de l'[[Anaconda Copper]] à [[Butte (Montana)]], société qui développera après sa mort les gisements d'[[Andes Copper Mining]] et [[Chuquicamata]] au [[Chili]]. Tous deux fondent des empires de presse. Le géologue [[Hamilton Smith (géologue)|Hamilton Smith]], un ancien du [[Comstock Lode]]<ref name="wiredspace.wits.ac.za">Présentation de Richard Ward Building devant l'[[Université du Witwatersrand]], en [[1998]], page 6 [http://wiredspace.wits.ac.za/jspui/bitstream/10539/8498/1/ISS-65.pdf]</ref> sera recruté en [[1892]] par la Banque [[Banque privée Edmond de Rothschild|Rothschild]] pour l'[[Exploitation minière en haute profondeur|exploration aurifère en profondeur]] en [[Afrique du Sud]].
 
=== Le krach de Vienne en 1873, première crise boursière internationale ===
[[Fichier:Custer3.jpg|200px|thumb|Custer, défié par les Sioux dans le Yellowstone, fait chuter les obligations ferroviaires]]
La [[crise bancaire de mai 1873]], appelée « krach de Vienne », a déclenché la [[Grande dépression (1873-1896)]]. Elle démarre une semaine après l'ouverture de l'[[exposition universelle de 1873]], qui réunit {{formatnum:53000}} exposants, cinq fois plus que la moyenne de toutes les expositions universelles. Les 8 et [[9 mai]], plusieurs centaines de banques autrichiennes se déclarent en [[faillite]], car l'excès de [[crédit hypothécaire|crédits hypothécaires]] a entraîné une énorme [[bulle spéculative]] immobilière. Leurs [[Action (finance)|actions]] s'effondrent après s'être envolées. Les [[banque]]s se méfient les unes des autres. Les prêts interbancaires s'assèchent. [[Faillite]]s en cascades, déconfitures, suicides : ''certains spéculateurs ruinés mais encore astucieux, disparurent à temps de la circulation en abandonnant leur vieux costumes au bord de la rivière''.<ref>Kostolany, p.129</ref> Avec [[Vienne (Autriche)|Vienne]], deux autres villes sont très touchées. [[Paris]] paie la note faramineuse des [[spéculation]]s du [[baron Haussmann]]. [[Berlin]] se réveille aussi de l'intense [[spéculation immobilière]] déclenchée par l'[[loi monétaire prussienne du 4 décembre 1871|indemnité de guerre de 1871]], qui avait permis à l'[[Allemagne]] de recevoir un stock d'[[or]] égal à 25 % du [[Produit intérieur brut|PIB]] français.
 
Aux [[États-Unis]], une émission d'[[Obligation (finance)|obligations]] du [[chemin de fer]] de la [[Northern Pacific Railway]] échoue après le bilan mitigé de l'[[expédition de la rivière Yellowstone]], menée un peu top cavalièrement par le colonel [[George Armstrong Custer]], émaillée de combats contre les [[Sioux]],<ref name="Jay Cooke's Gamble The Northern Pacific Railroad">"Jay Cooke's gamble: the Northern Pacific Railroad, the Sioux, and the Panic of 1873'', par M. John Lubetkin, University of Oklahoma Press, page 284 [http://books.google.fr/books?id=tgadjJsmTRwC&pg=PA256&dq=%22Custer's+camp+and+swim+across+yellowstone%22&hl=fr&sa=X&ei=Whk-T5GkCcWHhQe8veTPBQ&sqi=2&ved=0CGcQ6AEwBw#v=onepage&q=%22Custer's%20camp%20and%20swim%20across%20yellowstone%22&f=false]</ref> qu'il était censé pacifier. La compagnie y survivra, mais son principal [[créancier]], [[Jay Cooke]], légendaire [[Finance|financier]] de la [[guerre de Sécession]] et premier banquier américain, confesse des problèmes de solvabilité:<ref name="Jay Cooke's Gamble The Northern Pacific Railroad"/> c'est la [[Panique du 18 septembre 1873]]. Wall Street ferme pour dix jours, 89 compagnies de [[chemin de fer]] américaines sur 364 cessent d'investir. Les banques américaines manquent de [[monnaie]], car l'[[argent]]-métal vient d'être [[démonétisé]] par le [[Coinage Act de 1873]], pour freiner l'excès d'[[Histoire des mines d'argent|argent-métal]] généré au printemps [[1871]] par la découverte du [[Crown Point Bonanzza]], sur le [[Comstock Lode]] du [[Nevada]]. La [[Bourse de San Francisco]] en avait profité. Mais elle subit en [[1875]] son propre [[krach]], précipité par les mauvais placements de la [[Bank of California]].
 
=== Suez, Panama, Russie, Mexique, Chili et coton US : le rayonnement mondial de Paris ===
Dans la seconde moitié du {{s|XIX|e}}, la [[colonisation]] française s'étend en [[Indochine]] et en [[Afrique]]. Fondée en [[1858]], la [[Suez (entreprise)|Compagnie de Suez]] parie sur la croissance dans toute l'[[Asie]] : le [[Canal (voie d'eau)|canal]] divisera par deux la distance entre [[Londres]] et [[Bombay]]. Les {{formatnum:40000}} actionnaires français « ont voulu autant faire acte de patriotisme que tenter une bonne, affaire » note le ''Journal de l’union des deux mers'', bimensuel édité par [[Ferdinand de Lesseps]].<ref>[http://invisu.inha.fr/L-Isthme-de-Suez-journal-de-l ''Journal de l’union des deux mers'']</ref> Ils apportent 51 % du capital, les actionnaires étrangers 5 % et le [[Khédive]] [[Ismaïl Pacha]] 44 % : « Nous consentons à voir sans la plus légère alarme ces intrigues du prince ignorant qui gouverne au Caire » commente le [[The Times|Times]] de [[Londres]].<ref>[[The Times|Times]] de [[Londres]] du 26 mai 1859</ref>
[[Fichier:ActionPanama.JPG|thumb|Compagnie universelle du canal interocéanique de Panama - Emprunt obligataire à lots de 1888]]
Le [[capital social|capital]] totalise 200 millions de francs, pas plus que la [[Compagnie des chemins de fer du Nord]] dix ans plus tôt. Il faudra un [[emprunt obligataire]] de 100 millions de francs sur 50 ans, à 8 %, en mai [[1867]], juste avant la fin des travaux, qui ont duré dix ans, quatre de plus que prévu. Dès mai [[1864]], [[Ferdinand de Lesseps]] envisage qu'une « Compagnie universelle de navigation » du banquier [[Salomon Oppenheim|Oppenheim]], cotée à [[Londres]], prenne le relais.<ref>« L'isthme de Suez: passage millénaire », par Mohamed Anouar Moghira, page 100 [http://books.google.fr/books?id=v_1JosFqExYC&pg=PA100&dq=Compagnie+Suez++bourse+actions+Lesseps&hl=fr&sa=X&ei=lvW8UKSuIqHV4gTfzoCYBQ&redir_esc=y#v=onepage&q=Compagnie%20Suez%20%20bourse%20actions%20Lesseps&f=false]</ref> L’action baisse dès l’inauguration de [[1868]]. En [[1871]], lors d'un nouvel [[emprunt obligataire]], l'action affiche -60 % en 13 ans. La compagnie est en faillite le 6 août 1876, après des dettes causées par les dépenses d’[[Ismaïl Pacha]] qui a bradé en [[1875]] ses actions au gouvernement anglais pour 4 millions de livres.
[[Ferdinand de Lesseps]] passe en [[1880]] à la [[Scandale de Panama|Compagnie universelle de Panama]], mais ne récolte que 300 millions de francs sur 400 millions de [[capital]] prévus. Le chantier traîne, victime de la [[sous-capitalisation]], de la [[malaria]] et du relief accidenté. La [[Scandale de Panama|Compagnie]] est mise en [[liquidation judiciaire|liquidation]] le 4 février [[1889]], malgré l'émission d’emprunts en [[1888]]. Les {{formatnum:85000}} souscripteurs, actionnaires et obligataires, sont ruinés. En [[1892]], [[Édouard Drumont]] révèle dans ''[[La Libre Parole]]'' les noms des politiciens et journalistes corrompus pour lever des fonds et obtenir des autorisations.<ref>[[Enquête sur l'histoire]], {{numéro|6}}, printemps 1993, ''Le scandale du Panama'', page 17</ref> L’un des corrupteurs, le [[baron de Reinach]], se suicide le 19 novembre. L’autre, [[Cornelius Herz]], s'enfuit en [[Angleterre]]. Le [[scandale de Panama]] vaut cinq ans de [[prison]] à l'ex-ministre des Travaux publics [[Charles Baïhaut]]. Le [[Canal (voie d'eau)|canal]] est achevé par les [[États-Unis]], qui rachètent la concession en [[1903]].
[[Fichier:USA Map 1864 including Civil War Divisions.png|thumb|left|L'obligation émise à Paris par Émile d'Erlanger, remboursable en coton, parie sur la victoire des États du sud des États-Unis]]
Les porteurs de l'[[Obligation (finance)|obligation]] « coton américain » émise par le baron [[Émile d'Erlanger]] en [[1865]], pour 75 millions de francs à 8 %, seront aussi ruinés. Elle prévoyait un remboursement en [[coton]] des [[États-Unis]], sous réserve que les États du Sud gagnent la [[guerre de Sécession]].<ref>''Cotton and the Civil War'', par Eugene R. Dattel, sur Mississippi History Now [http://mshistory.k12.ms.us/index.php?id=291]</ref> La rétention du [[coton]], qu'ils organisent, multiplie les cours par vingt en quelques mois, jusqu'à un [[Histoire de la culture du coton|record historique]] de {{unité|1.89|dollars}} la livre, resté inégalé deux siècles plus tard. Mais les cours s'effondrent avec l'[[abolition de l'esclavage]].
 
C'est au tour de [[Moscou]] d'émettre quatre [[emprunt russe|emprunts]] de 500 millions de francs-or en [[1888]], l’année de l'ouverture d'un premier tronçon du [[Transsibérien]]. Les souscripteurs sont français, car depuis la [[guerre de 1870]], la [[Russie]] doit se passer des capitaux prussiens, revenus vers l’[[Allemagne]], désormais unifiée. L’[[alliance franco-russe]] de [[1892]] fait pièce à la [[Triplice]] de [[1882]].<ref>[http://www.scripophilie.com/temoignages/emprunts_russes.htm Le dossier russe, sur Scripophilie]</ref> Les belges s’intéressent aussi la conquête de la [[Sibérie]], mais achètent plutôt des actions russes, dans la métallurgie (27,7 %), la mécanique (17 %) et le charbon (15 %).<ref>[http://books.google.fr/books?id=N3IS3dVNiL0C&pg=PA19&dq=histoire+des+emprunts+russes&hl=fr&sa=X&ei=3iu9UIP-IdKXhQfpooDoBw&ved=0CD8Q6AEwAzgK#v=onepage&q=histoire%20des%20emprunts%20russes&f=false ''1905 – 1950'' par Emmanuel Gerard, Michel Dumoulin]</ref> L’[[Angleterre]] consacre, elle, 92 % de ses placements extérieurs aux [[États-Unis]] et au [[Commonwealth]].<ref>« Petite histoire des faits économiques : des origines aux subprimes », par [[Jacques Brasseul]] [http://books.google.fr/books?id=CYpR6LwXmG4C&pg=PT194&dq=histoire+des+emprunts+russes&hl=fr&sa=X&ei=Li29UM72EoeZhQfspoHIAw&ved=0CEIQ6AEwBDgU]</ref>
 
Dès [[1904]], la France compte 1,6 million de créanciers du [[Chemin de fer|réseau ferré]], de l’État et des municipalités russes.<ref>''Le Fin Mot de l'histoire', par Daniel APPRIOU [http://books.google.fr/books?id=PiztK0-txIcC&pg=PT137&dq=histoire+des+emprunts+russes&hl=fr&sa=X&ei=CSu9UIzSC-7s0gWu64G4BA&ved=0CEIQ6AEwBg].</ref> L'économiste [[Arthur Raffalovitch]] représentant du ministère des Finances russe à Paris<ref>http://www.jdf.com/histoire/2007/04/21/04015-20070421ARTHBD00105-le-jdf-celebre-ses-ans.php</ref> a distribué 6,5 millions de francs<ref>''La Presse écrite en France au {{s-|XX|e}}'', par [[Laurent Martin (historien)|Laurent Martin]], page 39, éditions [[Le Livre de poche]]</ref> aux journaux parisiens entre [[1900]] et [[1914]], pour assurer le succès d'une vague d'[[emprunt russe|emprunts russes]] : c'est l'[[Affaire Arthur Raffalovitch]]. Résultat, un quart de l'épargne française y est investie en [[1914]].<ref>[http://www.minefe.gouv.fr/fonds_documentaire/archives/dossiersdepresse/emprunts_russes/historique.htm Site du Ministère des Finances]</ref> De [[1888]] à [[1913]], la France a prêté 12 milliards de francs-or à un empire au bord du gouffre.<ref>[http://books.google.fr/books?id=PiztK0-txIcC&pg=PT137&dq=histoire+des+emprunts+russes&hl=fr&sa=X&ei=CSu9UIzSC-7s0gWu64G4BA&ved=0CEIQ6AEwBg ''Le fin mot de l'histoire'', par Daniel APPRIOU]</ref> Tous les [[emprunt russe|emprunts russes]] sont répudiés après la [[Révolution de 1917]].
 
Les français ont plus de réussite avec leur [[Compagnie du Boléo]], qui construit un port artificiel et la ville de [[Santa Rosalia (Basse-Californie du Sud)|Santa Rosalia]], en plein désert de [[Basse-Californie]], sur un gisement à très forte teneur en [[cuivre]] (15 %), avec la bénédiction du président mexicain [[Porfirio Diaz]]. L’[[Action (finance)|action]] est multipliée par 8 en 25 ans, à 2.818 francs en [[1905]] et 3.827 francs en [[1910]].<ref>''Journal des chemins de fer des mines et des travaux publics'' - Volume 70 - Page 408, [[1911]]</ref> Un jeune [[École centrale Paris|centralien]], [[Georges de la Bouglise]] a réalisé l’étude minière qui a décidé la banque [[Mirabaud et Cie]] à investir. Après un détour par la [[Histoire de la production de cuivre|fièvre du cuivre]] de [[Butte (Montana)]], aux [[États-Unis]], il fonde en [[1899]] la [[Société des mines de cuivre de Catemu]], pour exploiter le site d'[[El Soldado]], première des grandes [[Histoire de la production de cuivre|mines de cuivre]] du [[Chili]]. [[El Teniente]], [[Chuquicamata]] et [[Minera Escondida]] suivront.
 
=== Le krach de l'Union générale et l'affaire du Tonkin ===
L'[[Union générale]], fondée en 1875 à [[Lyon]] par un groupe de banquiers catholiques et monarchistes, sombre après seulement 7 ans d'existence. Le [[Luigi Jacobini|cardinal Jacobini]], secrétaire du [[pape]], a investi 335649 francs dans la nouvelle banque. [[Paul Eugène Bontoux]], ex-chef de service licencié<ref name="lexpansion-19920109"/> par [[Banque privée Edmond de Rothschild|Rothschild]], prend sa direction en [[1878]]. Ancien patron des chemins de fer autrichiens, il a perdu sa fortune à la [[Bourse de Vienne]] en [[1873]].<ref>[http://www.alternatives-economiques.fr/la-faillite-de-l-union-generale_fr_art_51_5411.html "La faillite de l'Union générale", dans ''[[Alternatives économiques]]'' en décembre 2005]</ref> Il multiplie les acquisitions en [[Europe centrale]], [[Afrique du Nord]] et [[Égypte]], puis fonde la "Société lyonnaise des eaux et de l'éclairage", tout en spéculant par le rachat de ses propres actions. La Bourse s'envole mais le doute grandit. Un « match » acrimonieux démarre: les « baissiers », réunis autour de [[Banque privée Edmond de Rothschild|Rothschild]] contre les « haussiers », menés par le [[Crédit lyonnais]] d'[[Henri Germain (banquier)|Henri Germain]].<ref name="lexpansion-19920109"/>
[[Fichier:SinoFrenchWar1884-1885-fr.png|thumb|left|Les différents affrontements de la conquête du Tonkin]]
Les premiers l'emportent : début janvier [[1882]], l'action est divisée par deux en quinze jours, c'est le « krach de l'[[Union générale]] », en défaut de paiement, qui disparaît. Condamné à cinq ans de prison, [[Paul Eugène Bontoux]] fuit en [[Espagne]]. S'ensuit une crise industrielle, avec en [[1884]] la [[grande grève des mineurs d'Anzin]]. [[Émile Zola]] s'en inspire pour deux romans : ''[[Germinal]]'' ([[1885]]) et ''[[L'Argent]]'' ([[1891]]).<ref name="lexpansion-19920109"/>
 
En [[1885]], c'est l'[[affaire du Tonkin]], en [[Indochine]] : une dépêche [[Havas]] confond la modeste [[retraite de Lang Son]] de l'armée française avec un abandon général du delta du [[fleuve Rouge]]. La fausse nouvelle, donnée « de bonne foi»<ref>"Michael Palmer, Des petits journaux aux grandes agences. Naissance du journalisme moderne, Éditions Aubier-Montaigne, 1983, page 214</ref> par le général [[Louis Brière de l'Isle]], fait chuter la [[Bourse de Paris]] et le gouvernement de [[Jules Ferry]], « au moment même où arrive une deuxième dépêche minimisant l'importance des combats».<ref>Michael Palmer, ''Des petits journaux aux grandes agences. Naissance du journalisme moderne''</ref> Dès le 26 août [[1883]], la Bourse avait commencé à inquiéter, redoutant une véritable guerre, avec de lourdes dépenses, puis découvrant le 9 septembre [[1883]] que le traité de paix franco-vietnamien n’était pas reconnu par la [[Chine]].<ref>[http://f.arsonval.free.fr/index.php?rep_c=divers&fic_c=bourse LES COULISSES DE LA FINANCE, site des familles d'Arsonval et Darsonval]</ref>
 
=== Charles Dow et Eddie Jones, première idylle entre industrie et Bourse ===
[[Fichier:1907 Panic.png|thumb|upright=0.8|La foule à [[Wall Street]] pendant la panique d'{{date||octobre|1907}}.]]
En [[1882]], les sociétés industrielles sont encore mal représentées sur les marchés boursiers, quand les journalistes [[Charles Dow]] ([[1851]]-[[1902]]) et [[Edward Jones]] quittent une agence de presse financière, le ''Wall Street Financial News Bureau'', pour créer la société [[Dow Jones]]. Dans une petite pièce au sous-sol du numéro 15 de la rue [[Wall Street]], ils rédigent des bulletins d'information, puis une feuille quotidienne : l’''Afternoon News Letter'' et sa liste de onze valeurs américaines de référence, dont neuf chemins de fer, une compagnie de télégraphe, la [[Western Union]], et la [[Pacific Mail]]. Le 8 juillet [[1889]], ils fondent le ''[[Wall Street Journal]]'' : quatre pages, avec statistiques, cours des [[obligation (finance)|obligations]] et [[matières premières]], les actions les plus actives, les bénéfices des sociétés de [[chemin de fer]] et des banques. L'abonnement, annuel, coûte {{unité|2|cents}} par jour.
 
Pendant douze ans, leur liste de valeurs fut constamment révisée, jusqu'à ce que ses créateurs publient le 26 mai [[1896]] la première version composée strictement de valeurs industrielles : l'indice [[Dow Jones]]. La plupart sont des sociétés qui dépendent pour leur chiffre d'affaires de la grande consommation. Elles constituent un pari sur la croissance démographique des [[États-Unis]] et l'augmentation du niveau de vie. [[Wall Street]] était pourtant encore composée de 53 compagnies ferroviaires.<ref>[http://archives.lesechos.fr/archives/1996/LesEchos/17155-100-ECH.htm?texte= «L'indice Dow Jone, un centenaire bon pied bon œil», par Philippe Guillaume dans ''[[Les Échos]]'' du 28 mai 1996]</ref> Forte des recherches de [[Thomas Edison]], [[General Electric]] intègre la liste,<ref>[http://www.pipelette.com/argent/bourse/le-dow-jones-industrial-average.html#premieres_entreprises_jones « Le Dow Jones par le South Daily Pipelette »]</ref> précédée par les aciéries d'[[Andrew Carnegie]] ([[1835]]-[[1919]]). En [[1896]], il n'y a plus aucune compagnie de train, mais une aciérie, la [[Tennessee Coal and Iron]],<ref>[http://savio-michellod.blogspot.com/2007/01/historique-du-djia.html "Les douze valeurs du Dow Jones en 1896"]</ref> qui contrôlera 60 % de l'acier américain après la [[panique bancaire]] de [[1907]]. Visionnaire, [[Charles Dow]] avait prédit dès [[1882]] que « le marché des valeurs industrielles deviendrait le grand marché spéculatif des [[États-Unis]] ». Grâce aux gains de productivité et aux [[économies d'échelles]], les entreprises industrielles ont des potentiels de bénéfices bien supérieurs aux autres, même si elles sont plus exposées à la concurrence. Sa liste, populaire, leur donne visibilité et perspectives boursières. La croissance explosive de l'industrie américaine met fin à la [[Grande Dépression (1873-1896)]].
 
=== Paris et Londres se disputent les profondeurs aurifères d'Afrique du Sud ===
Les [[années 1890]] voient l'[[Histoire des mines d'or]]<ref>[http://books.google.fr/books?id=9Uc4gIhnSUkC&dq=east+rand+mines+ferreira&source=gbs_navlinks_s ''The Cornish overseas: a history of Cornwall's 'great emigration'', page Philip Payton, Dundurn Press Ltd., 2005, page 359]</ref> bouleversée par le quadruplement de la production [[Afrique du Sud|sudafricaine]]<ref>''Les Richesses minérales de l'Afrique : l'or, les métaux le diamant, les phosphates, le sel'', par Louis de Launay (1903)</ref> grâce à l'[[exploitation minière en haute profondeur]]. Le pays produira vingt ans plus tard la moitié de l'[[or]] mondial. Le potentiel du gisement gonfle les [[capitalisation boursière|capitalisations]] aurifères à la [[Bourse de Londres]], lorsque le ''[[The Times|Times]]'' de [[Londres]] publie en décembre [[1892]] le rapport du géologue californien [[Hamilton Smith (géologue)|Hamilton Smith]],<ref name="Norman Levy">[http://books.google.fr/books?id=o88OAAAAQAAJ&pg=PA105&dq=Schmeisser+gold&hl=fr&ei=w2YcTrG2BM_m-ga-58HRCA&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=4&ved=0CD8Q6AEwAzgK#v=onepage&q=Schmeisser%20gold&f=false ''The foundations of the South African cheap labour system'', par Norman Levy, page 105]</ref> un ancien des mines d'argent du [[Comstock Lode]], au [[Nevada]],<ref name="wiredspace.wits.ac.za"/> recruté par la Banque [[Banque privée Edmond de Rothschild|Rothschild]]. ''[[La Revue sud-africaine]]'' d'Henry Dupont, le traduit en français et le quart des fonds investis provient de l'épargne française.<ref>"La France et l'Afrique du Sud: histoire, mythes et enjeux contemporains", par Daniel Bac, page 76, Éditions KARTHALA, [[1990]] [http://books.google.fr/books?id=0dghsRaHW7wC&pg=PA76&dq=%22Emile+Durand%22++mines+d'or&hl=fr&sa=X&ei=gFSQUOSVJsiShgfapYHgAg&ved=0CDEQ6AEwAQ#v=onepage&q=%22Emile%20Durand%22%20%20mines%20d'or&f=false]</ref> Les mines d'or sud-africaines permettent aux [[coulissier]]s de réaliser 60 % du total des échanges à [[Paris]] dès la fin [[1893]]. La [[Histoire de la presse écrite|presse française]] se passionne. ''[[Le Figaro]]'' du 6 juillet [[1895]] donne les cours d'une quinzaine d'entre elles. L'action ''[[Robinson Deep Mine]]'' a doublé de valeur au quatrième trimestre [[1894]] pour atteindre 194 francs.<ref>[http://books.google.fr/books?id=qbhlvRIZm8wC&pg=PA13&dq=18+kilom%C3%A8tres.+Si+gigantesque+que+soit&hl=fr&ei=9mAcTvymC83n-gbF4o3kCA&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved=0CC4Q6AEwAA#v=onepage&q=18%20kilom%C3%A8tres.%20Si%20gigantesque%20que%20soit&f=false ''Le Marché financier en 1894-1895'', par [[Arthur Raffalovitch]] (ambassadeur de Russie à Paris), page 14]</ref> Grâce au baron [[Jacques de Gunzbourg]],<ref>"Le marché financier français au {{XIXe}} siècle : Aspects quantitatifs des acteurs et des instruments à la Bourse de Paris", page 413 Publications de la Sorbonne, 2007 [http://books.google.fr/books?id=ECLZ9R-HzXcC&pg=PA413&lpg=PA413&dq=mines+d'or+cot%C3%A9e+%C3%A0+paris+1895&source=bl&ots=3OvdyvXNUd&sig=upGVWiI4x8JiJ3u_eKn_K1dK5y4&hl=fr&sa=X&ei=7RKPUJ7iGKWA0AWf_4GwCA&ved=0CCgQ6AEwAjgK#v=onepage&q=mines%20d'or%20cot%C3%A9e%20%C3%A0%20paris%201895&f=false]</ref> banquier également implanté à [[Saint-Pétersbourg]],<ref>"Le monde de la banque et les diasporas, des années 1730 aux années 1930: des banquiers cosmopolites ?, par Hubert Bonin, professeur d’histoire économique à l’Institut d’études politiques de Bordeaux</ref> un compartiment "mines d'or du [[Transvaal]]", hyperactif, est créé à [[Paris]] en janvier [[1895]]. Les acheteurs d'actions sont nombreux dans tous les milieux.<ref>[http://books.google.fr/books?id=qbhlvRIZm8wC&pg=PA13&dq=18+kilom%C3%A8tres.+Si+gigantesque+que+soit&hl=fr&ei=9mAcTvymC83n-gbF4o3kCA&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved=0CC4Q6AEwAA#v=onepage&q=18%20kilom%C3%A8tres.%20Si%20gigantesque%20que%20soit&f=false ''Le Marché financier en 1894-1895'', par [[Arthur Raffalovitch]] (ambassadeur de Russie à Paris), page 13]</ref>
[[Fichier:Blkyde River Canyon.jpg|300px|thumb|left|[[Blyde River Canyon]] dans le Transvaal]]
« Il y aura profit à pousser jusqu'à {{unité|1200|mètres}} la profondeur des puits»,<ref>''Le Correspondant'', volume 180, Bureaux du Correspondant, 1895, page 151</ref> rapporte, début [[1894]], le géologue [[Karl Schmeisser]], envoyé du gouvernement de [[Prusse]]. Selon lui, le gisement peut rapporter 349 millions de [[Livre sterling|livres sterling]] sur 14 ans (plusieurs dizaines de milliards d'euros de 2010), prévision proche des 325 millions de livres estimés par [[Hamilton Smith (géologue)|Hamilton Smith]].<ref name="Norman Levy"/> Un autre ingénieur californien, [[John Hays Hammond]], conçoit le [[barrage de Vierfontein]] pour [[irrigation|irriguer]] et alimenter en [[électricité]] les profondeurs. Il devient le « prophète de l'industrie minière », lorsque le gisement d'[[or]] sera atteint par [[Robinson Deep Mine]] à {{unité|600|mètres}}, exactement comme dans ses calculs. Une "[[Université du Witwatersrand|École sud-africaine des mines]]" naît en [[1896]], précédée par la "[[South African Association of Engineers and Architects]]" en [[1891]].
 
[[Jacques de Gunzbourg]] créera la [[Compagnie française des mines d'or de l'Afrique du Sud|CFMAS]] (Cofrador) et la [[Banque Française d'Afrique du Sud]] avec [[Nemours Herbault]], ex-syndic de la [[Compagnie des agents de change]], qui fondera trois ans plus tard la [[Compagnie générale d'électricité|CGE]]. À l'été [[1895]], les actions de la Coronation Syndicate, dont l'objet consistait seulement à « lancer d'autres sociétés»,<ref>''Si la Bourse m'était contée'', par [[André Kostolany]], [[Éditions Julliard|Julliard]] (1960), page 131</ref> montent en quelques semaines de 10 livres à 2000 livres.<ref>[http://books.google.fr/books?id=fIKITLdVVG4C&pg=PA37&dq=kruger+and+milner&hl=fr&ei=KF0cTubLBYHG-Qbo3cjFCA&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=3&ved=0CDMQ6AEwAg#v=onepage&q=kruger%20and%20milner&f=false ''Migrant labour in South Africa's mining economy: the struggle for the gold mines' labour supply, 1890-1920'', page 36]</ref> En septembre, les [[introduction en Bourse|introductions en Bourse]] sur le [[Marché libre]] sont interdites, pour freiner l'emballement.
<center>
{| class="wikitable"
|Année
|1887
|1889
|1892
|1894
|1895
|1898
|-
|Dividendes distribués (en francs)
|0,53 million
|10 millions
|28 millions
|37 millions
|66 millions
|127 millions.<ref>[http://www.archive.org/stream/lesrichessesmin00laungoog/lesrichessesmin00laungoog_djvu.txt ''Les Richesses minérales de l'Afrique : l'or, les métaux le diamant, les phosphates, le sel'']</ref>
|}
</center>
L'industriel [[Cecil Rhodes]] veut faire de [[Johannesburg]], ville-champignon de {{formatnum:100000}} habitants, un « [[Gibraltar]] de la finance».<ref>''Si la Bourse m'était contée'', par [[André Kostolany]], [[Éditions Julliard|Julliard]] (1960), page 130</ref> Mais les [[Boers]] refusent aux immigrés anglais le droit de vote et taxent les mines d'or. [[Cecil Rhodes]], [[John Hays Hammond]] et [[Alfred Beit]]<ref name="DeBoer-Langworthy">''The Boer War'', par Carol DeBoer-Langworthy, mars 2007</ref> lancent alors le [[Leander Starr Jameson|raid Jameson]] de décembre [[1895]] : une armée privée échoue à renverser le gouvernement du [[Transvaal]], ce qui déclenche la [[crise boursière des mines d'or sud-africaines]] de l'hiver [[1895]]-[[1896]], et affaiblit les [[coulissier]]s parisiens. Leurs rivaux, les [[agent de change|agents de change]] dénoncent leurs origines [[Juifs|juives]], sur fond d'[[affaire Dreyfus]].
[[Fichier:Leander Starr Jameson00.jpg|thumb|left|300px|Arrestation de Leander Jameson.<br />Illustration parue dans ''[[Le Petit Parisien]], 1896]]
Après la crise, la production d'[[Afrique du Sud]] repart. Elle atteint {{unité|14.7|tonnes}} au cours du seul mois d'{{date||août|1899}}, son niveau annuel de [[1890]]. Désormais assez abondant pour emplir les caves des [[Banque centrale|banques centrales]], l'or sud-africain garantit la confiance dans le [[billet de banque|papier-monnaie]]. La [[Seconde Guerre des Boers]], du {{date|11|octobre|1899}} au {{date|31|mai|1902}}, est couverte des deux côtés du front par l'[[Agence Reuters]], qui gagne sa réputation d'[[indépendance des rédactions|indépendance]] et le scoop de la fin du [[siège de Mafeking]] en [[1900]]. L'activisme actionnarial naît à Paris, avec l'"Union des porteurs français de mines d'or et de valeurs transvaliennes", de [[Paul Leroy-Beaulieu]], rédacteur en chef de ''[[L'Économiste français]]'', qui prend le parti des [[Boers]],<ref>''La France et l'Afrique du Sud : histoire, mythes et enjeux contemporains'', par Daniel Bac, page 55, Éditions KARTHALA, [[1990]] [http://books.google.fr/books?id=0dghsRaHW7wC&pg=PA76&dq=%22Emile+Durand%22++mines+d'or&hl=fr&sa=X&ei=gFSQUOSVJsiShgfapYHgAg&ved=0CDEQ6AEwAQ#v=onepage&q=%22Emile%20Durand%22%20%20mines%20d'or&f=false]</ref> alors que ''[[La Revue sud-africaine]]'' avait au contraire regretté l'échec du [[Raid Jameson]].<ref>"La France et l'Afrique du Sud: histoire, mythes et enjeux contemporains", par Daniel Bac, page 78, Éditions KARTHALA, [[1990]] [http://books.google.fr/books?id=0dghsRaHW7wC&pg=PA76&dq=%22Emile+Durand%22++mines+d'or&hl=fr&sa=X&ei=gFSQUOSVJsiShgfapYHgAg&ved=0CDEQ6AEwAQ#v=onepage&q=%22Emile%20Durand%22%20%20mines%20d'or&f=false]</ref> Cette dernière vante aussi son [[indépendance des rédactions|indépendance]], tout comme ''[[La Cote libre de la Bourse de Bruxelles|La Cote libre]]'' et ''[[Le Pour et le Contre]]''.
 
Quinze ans après, les ''[[exploitation minière en haute profondeur|deep miningdeep]] mining'' sud-africaines ont toutes progressé au palmarès de la [[Bourse de Londres]], sauf [[Gold Fields]] qui a revendu des mines. L'[[Afrique du Sud]] produit un quart de l'[[or]] mondial dès [[1899]] ({{unité|110|tonnes}} sur 461), plus de la moitié dès [[1910]] ({{unité|255|tonnes}} sur 507) et ira jusqu'à 80 % en [[1969]],<ref>''1900-2000, un siècle d'économie'', page 62, aux Éditions ''Les Échos'', coordonné par [[Jacques Marseille]]</ref> avec près d'un millier de tonnes. [[East Rand Proprietary Mine|East Rand]], pionnier des « [[exploitation minière en haute profondeur|grandes profondeurs]] » dès [[1893]], ira chercher de l'or jusqu'à 3,5 kilomètres sous terre en [[1959]].
 
<center>
{| class="wikitable"
|Société
|[[Rand Mines]]
|[[Gold Fields]]
|[[Crown Mines]]
|[[Robinson Deep Mine]]
|[[Simmer and Jack Proprietary|Simmer and Jack]]
|[[East Rand Proprietary Mine|East Rand]]
|[[Randfontein Estates Gold Mining Company|Randfontein]]
|-
|Classement 1898
|({{23e}})
|({{37e}})
|(créée [[1909]]
|({{49e}})
|({{59e}})
|({{64e}})
|({{88e}})
|-
|Capitalisa 1898
|9,8
|7,6
|(créée [[1909]]
|4,4
|4,3
|3,8
|2,5
|-
|Classement 1913
|({{20e}})
|({{56e}})
|({{21e}})
|(fusionnée)
|(fusionnée)
|({{44e}})
|({{49e}})
|-
|Capitalisa 1913
|13,5
|7,3
|12,8
|(fusionnée)
|(fusionnée)
|6,26
|5,5
|}
</center>
 
== {{s-|XX|e}} ==
La croissance économique mondiale sera nettement plus forte au {{s|XX}} qu’au {{s|XIX}}, ce qui ouvre de nouvelles opportunités de plus-values en Bourse, d’autant que le nombre des Bourses de valeurs augmente, au rythme de celui des nouveaux pays industriels.
=== La Place de Paris, centre financier mondial à la Belle Époque ===
Jusqu'à la fin du {{s|XIX}}, seuls les grandes banques, le [[chemin de fer]], les canaux et l'[[État]] ont recours au [[marché financier]] en [[France]]. L'arrivée de nouveaux secteurs entre [[1900]] et [[1930]] permet au nombre d'[[entreprise]]s cotées de tripler pour atteindre 600.<ref>''Le Grand Méchant Marché : décryptage d'un fantasme français'', par [[David Thesmar]], et Augustin Landier, [[Flammarion]], 2008, page 83</ref> C'est en accueillant des cohortes de sociétés étrangères, pas seulement sud-africaines, que la cote s'enrichit entre [[1905]] et [[1914]].<ref>''Histoire de la Bourse'', par Paul Lagneau-Ymonet et Angelo Riva, page 49, Éditions [[La Découverte]] [[2011]]</ref> Jusque là, [[Paris]] est encore essentiellement un grand [[marché obligataire]]. L'[[autofinancement]] reste le mode de financement dominant des entreprises.<ref name="LagneauRiva"/>
[[Fichier:Abio.jpg|thumb|Emprunt russe de 200 roubles, 1898]]
Les [[emprunts russes]] représentent 23,7 % des placements à l'étranger en [[1903]]. La [[France]] engrange un milliard de francs de revenus financiers extérieurs cette année-là.<ref>"1900-2000, un siècle d'économie", page 33, aux Éditions ''[[Les Échos]]'', coordonné par [[Jacques Marseille]]</ref>
À la fin du {{s|XIX|e}}, les porteurs de [[valeurs mobilières]] représentent 10 % de la population<ref name="LagneauRiva">''Histoire de la Bourse'', par Paul Lagneau-Ymonet et Angelo Riva, page 52, Éditions [[La Découverte]] [[2011]]</ref> mais dès [[1911]], près de 45 % des héritages français contiennent des [[Action (finance)|actions]] ou des [[Obligation (finance)|obligations]].<ref>''Les Fortunes françaises au {{s-|XIX|e}}'', par Adeline Daumard, Éditions de l'École des hautes études en sciences sociales, 1973</ref> Environ 2,5 millions de Français sont porteurs à la [[Belle Époque]]. Ce nombre sera à peine supérieur 80 ans plus tard, en [[1982]]: 3 millions de porteurs dont 1,7 million d'[[actionnaires]].
 
Dans de nombreux pays, les marchés financiers sont déjà plus développés qu'au début des [[années 1980]]. En [[1913]], la valeur des [[Entreprise|sociétés]] cotées représentent 78 % du [[Produit intérieur brut|PIB]] en [[France]], selon une étude de Raghuram Rajan et Luigi Singales, de l'[[université de Chicago]].<ref>''The great reversals: the politics of financial development in the twentieth century'', par Raghuram G. Rajan et Luigi Zingales ''Journal of financial economics'', The University of Chicago Graduate School of Business (2003)</ref> D'autres estimations parlent de 40 %, soit une [[capitalisation]] de 15,24 milliards de de francs pour les "sociétés françaises opérant en [[France]]", presque triple des 6,16 milliards de [[1891]].<ref name="LagneauRiva"/>
 
L'écart provient de l'énorme stock de titres étrangers détenus en [[France]], qui passe de 10 milliards de francs à la fin du [[Second Empire]], en [[1870]], à 43 milliards de francs en [[1913]].<ref name="LagneauRiva50">''Histoire de la Bourse'', par Paul Lagneau-Ymonet et Angelo Riva, page 50, Éditions [[La Découverte]] [[2011]]</ref> La [[capitalisation]] des valeurs étrangères à [[Paris]] atteint alors 71 milliards.<ref name="LagneauRiva50"/> C'est l'[[épargne]] de toute l'[[Europe]] que les émetteurs étrangers viennent brasser et centraliser dans une [[Bourse de Paris]] qui a prouvé sa capacité à s'intéresser à l'international depuis les épisodes de [[Canal de Suez|Suez]], [[Panama]], du [[Compagnie du Boléo|Boléo]], du [[Société des mines de cuivre de Catemu|Catemu]] et surtout des [[Crise boursière des mines d'or sud-africaines|mines d'or sud-africaines]].
 
Le rayonnement international est assuré par les [[agent de change|agents de change]] parisiens, qui emploient 3000 salariés en [[1913]], et surtout par les prestigieux [[coulissier]]s qui traitent depuis [[1898]] sous les colonnades du [[Palais Brongniart]],<ref>''Histoire de la Bourse'', par Paul Lagneau-Ymonet et Angelo Riva, page 63, Éditions [[La Découverte]] [[2011]]</ref> et réalisent 60 % des échanges parisiens dès [[1893]].<ref>''Histoire de la Bourse'', par Paul Lagneau-Ymonet et Angelo Riva, page 57, Éditions [[La Découverte]] [[2011]]</ref> La [[Bourse de Londres]] emploie elle 5000 salariés en [[1900]].<ref name="LagneauRiva50"/>
 
=== Années 1900 : l'hydroélectricité suisse dope les valeurs technologiques ===
[[Fichier:Chedde - Péchiney factory.jpg|left|thumb|L'usine Péchiney de Chedde-Passy, surplombée par le viaduc autoroutier]]
[[Fichier:Barrage de la Girotte.jpg|left|thumb|La Girotte, premier lac de barrage français, précédé en [[1903]] par une percée à {{unité|17|mètres}} sous la surface de l'eau]]
L’utilisation de la [[houille blanche]] devient possible dès [[1869]] quand le belge [[Zénobe Gramme]] imagine le [[machine à courant continu|collecteur]], dans le sillage de la dynamo-électrique [[Werner von Siemens|Werner Siemens]].<ref>''L'Avènement de la fée électricité, 1870-1900'' - Chapitre 1: la dynamo et la lumière électrique, par Christine Blondel et Bertrand Wolff (CNRS) []</ref> Reste à finaliser des technologies permettant des [[économies d'échelle]] aux utilisateurs industriels : [[électrolyse]] et [[four à arc électrique]]. Plus tard, l'[[interconnexion électrique|interconnexion]] permettra de gérer l'irrégularité de la demande (éclairages des rues)<ref>Le {{date|16|septembre|1885}}, le journaliste [[Pierre Giffard]] grand reporter au [[Le Figaro|Figaro]] signale que la première ville éclairée à l'électricité depuis {{date||juillet|1884}} est n'est ni [[Londres]] ni [[Paris]] mais [[Bellegarde-sur-Valserine]] dans l'[[Ain (département)|Ain]].</ref> et de l'offre (débit des rivières). Les [[ligne à haute-tension|lignes à haute-tension]] feront d'une ''[[start-up]]'', la [[Compagnie générale d'électricité]], un géant mondial des équipements électriques, d'abord consacrés aux usines électrométallurgique des [[Alpes]].
 
En [[1886]], l'[[électrolyse]] du chimiste [[Paul Héroult]] révolutionne la production d'[[aluminium]], monopolisée par la [[Compagnie des produits chimiques d'Alais et de la Camargue|CPCA]]. Avec des capitaux suisses, il implante en [[1892]] une usine près de [[Modane]]. La [[Compagnie des produits chimiques d'Alais et de la Camargue|CPCA]] le rejoint à [[Saint-Jean-de-Maurienne]] en [[1897]], l'année où le coût de revient de l'[[aluminium]] tombe à 3 francs le kilo, divisé par cinq en sept ans. Le suisse [[Paul Girod (industriel)|Paul Girod]] invente une série de ferro-alliages.<ref>[[ferro-tungstène]], [[ferro-molybolène]], [[ferro-uranium]], [[ferro-tantale]], et [[ferro-bore]],</ref> Sa [[Ugitech|SA d'électrométallurgie]], au capital de 6 millions de francs<ref>''Les Borel : de Neuchātel ą San Francisco. Du savetier au financier'', par Antoine Wasserfallen, page 197 [http://books.google.fr/books?id=bG9AxIz6MKcC&pg=PA197&dq=%22Soci%C3%A9t%C3%A9+Anonyme+d'Electrom%C3%A9tallurgie,+Proc%C3%A9d%C3%A9s+Paul+Girod%22++francs&hl=fr&sa=X&ei=MhuxUOKiHOOc0QWX5YDIBg&ved=0CDIQ6AEwAA#v=onepage&q=%22Soci%C3%A9t%C3%A9%20Anonyme%20d'Electrom%C3%A9tallurgie%2C%20Proc%C3%A9d%C3%A9s%20Paul%20Girod%22%20%20francs&f=false]</ref> produit du [[ferrochrome]] et du [[ferromanganèse]],<ref>[http://www.cg73.fr/uploads/Document/WEB_CHEMIN_2449_1190811957.pdf Fonds Paul Girod, Archives de la Savoie]</ref> grâce à un[[four à arc électrique]] alimenté par le [[barrage de la Girotte]], à {{unité|1700|mètres}} d'altitude.<ref>''Histoire de l'énergie hydraulique : moulins, pompes, roues et turbines de l'Antiquité au {{S-|XX}}'', par Pierre-Louis Viollet, Presses des Ponts, 2005 [http://books.google.fr/books?id=YzdHxL4OjhoC&pg=PA178&lpg=PA178&dq=papeteries+Aubry+de+Venthon+une+chute+sur+le+Doron+de+Beaufort&source=bl&ots=hEH8fG3Khg&sig=sn8FKLI2mVi4A_65-OxavF8cXEs&hl=fr&sa=X&ei=J9yvUOf_KuzY0QWX0YG4BQ&ved=0CEAQ6AEwAw#v=onepage&q=papeteries%20Aubry%20de%20Venthon%20une%20chute%20sur%20le%20Doron%20de%20Beaufort&f=false]</ref>
 
Le progrès technique avive la concurrence. La [[Société des forces motrices de l'Arve|Société de l'Arve]] fabrique du ferro-silicieux et de l’[[aluminium]] à [[Passy (Haute-Savoie)|Passy]], avec dès [[1900]] la première puissance hydroélectrique des Alpes : 7 MGW.<ref>''Histoire de l'énergie hydraulique : moulins, pompes, roues et turbines de l'Antiquité au {{S-|XX}}'', page 76, par Pierre-Louis Viollet, Presses des Ponts, 2005 [http://books.google.fr/books?id=YzdHxL4OjhoC&pg=PA178&lpg=PA178&dq=papeteries+Aubry+de+Venthon+une+chute+sur+le+Doron+de+Beaufort&source=bl&ots=hEH8fG3Khg&sig=sn8FKLI2mVi4A_65-OxavF8cXEs&hl=fr&sa=X&ei=J9yvUOf_KuzY0QWX0YG4BQ&ved=0CEAQ6AEwAw#v=onepage&q=papeteries%20Aubry%20de%20Venthon%20une%20chute%20sur%20le%20Doron%20de%20Beaufort&f=false]</ref> En [[1906]], la France compte déjà 762 usines hydro-électriques. Elles contribuent au triplement en huit ans de l'offre mondiale d'aluminium,<ref>qui s’élève à {{unité|19800|tonnes}} en 1907, dont 60 % en Europe, contre {{unité|6000|tonnes}} en 1899</ref> dont l'[[Europe]] assure 60 %,<ref name="pelloutier.net">[http://www.pelloutier.net/dossiers/dossiers.php?id_dossier=90 ''La Vie ouvrière'' du 17 octobre 1909]</ref> le prix du kilo tombant à 1,60 franc contre 19 francs en [[1890]] et 2,50 francs en [[1900]]. On le teste, avec succès, à la place du [[cuivre]] sur les premières [[ligne à haute tension|lignes à haute tension]]. Les cours des aciers spéciaux chutent lors du [[Panique bancaire américaine de 1907|krach de 1907]], fragilisant la [[Ugitech|SA d'Electrométallurgie]] qui distribue 24 % de ses bénéfices.<ref>[http://doc.rero.ch/lm.php?url=1000,25,1,19080724_170_04.pdf Notice de la société dans ''La Liberté'' 1908]</ref>
 
Un an après, les performances boursières des sociétés électriques restent spectaculaires.<ref name="pelloutier.net"/> Elles pèsent 17 % de la [[capitalisation]] boursière parisienne en 1909 contre 5 % en [[1900]]:<ref name="archive.wikiwix.com">''“Blue Angels”, “Venture Capital”, and “Whales”: Networks Financing the Takeoff of the Second Industrial Revolution in France, 1890s-1920s'', par Hubert Bonin, 2004 [http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http://www.thebhc.org/publications/BEHonline/2004/Bonin.pdf&title=%5B6%5D]</ref>
<center>
{| class="wikitable"
|Sociétés électro-métallurgiques cotées
|[[Usine de la chute de Froges|Usine de Froges]] ([[Paul Héroult]])
|[[Compagnie des produits chimiques d'Alais et de la Camargue|CPCA]]
|[[Société des forces motrices de l'Arve|Société de l'Arve]] ([[Passy (Haute-Savoie)|Passy]])
|-
|Puissance installée et part de marché
|{{Unité|60000|CV}} (25 %)
|{{formatnum:35450}} CV (15 %)
|{{formatnum:13000}} CV (6 %)
|-
|Cours de l'action en [[1909]] à Paris
|{{Unité|1355|francs}}
|{{Unité|1150|francs}}
|{{Unité|1250|francs}}
|-
|Hausse depuis l'émission de l'action
|170 %
|137 %
|25 %<ref name="pelloutier.net"/>
|-
|}
</center>
Ensuite, les [[capitaux propres]] augmentent très rapidement dans l'[[hydroélectricité]]: 161 millions de francs en [[1900]], un milliard en [[1914]], 11 milliards en [[1932]]. Les [[collectivités locales]] puis l'[[État]], ''via'' la [[loi du 15 juin 1906]], veillent aux tarifs : « cette politique tarifaire limita les possibilités d'[[autofinancement]] en restreignant les profits », selon l'historien André Strauss.<ref name="André Strauss 1994">''Le Financement de l'industrie électrique (1880-1980)'' par André Strauss, Paris PUF & AHEF, 1994,</ref> Le capital doit être trouvé ailleurs : les émissions d'[[action (finance)|action]] et d'[[obligation (finance)|obligation]] des sociétés d'électricité quintuplent: de 31,5 millions de francs par an ([[1891]]-[[1904]]) à 168,8 millions ([[1905]]-[[1911]]).<ref>calculée d'après les chiffres donnés par [[François Marnata]]</ref> De 4,5 % du total des émissions à la [[Bourse de Paris]], elles passent à 13 %.
[[Adrien Badin]], patron de la [[Compagnie des produits chimiques d'Alais et de la Camargue|CPCA]], future [[Péchiney]], fonde en décembre [[1911]] le groupement commercial, "L'Aluminium français"
,<ref>" Une grande Compagnie industrielle française : Péchiney", par Monique Périères - ''Revue de géographie alpine'' -1955- [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rga_0035-1121_1955_num_43_1_1169#]</ref> qui bâtit une usine hydroélectrique de 50 MGW, à [[Badinville]],<ref>[http://www.badin.org/about_badin.html ''A Brief History'', Site de la ville de Badin]</ref> près de [[Salisbury (Caroline du Nord)|Salisbury]] ([[Caroline du Nord]]) et produit {{unité|15000|tonnes}} d'aluminium. L'[[électrolyse]] et le [[four à arc électrique]] font émerger six grandes vallées industrielles: [[Maurienne]], [[Vallée de la Tarentaise|Tarentaise]], [[Romanche]], [[Val d'Arly]], [[Centrales hydroélectriques de Passy|bassin de Chedde]], et [[L'Argentière-la-Bessée]]. Leur nouvelles usines dévorent 57 % des {{Unité|473000|[[Cheval-vapeur|CV]]}} recensés en [[1910]] dans les [[Alpes]],<ref>par le "Service des forces hydrauliques"</ref> deux fois plus qu'en [[1908]]. Sur la [[Dordogne (cours d'eau)|Dordogne]], un autre suisse, [[Adrien Palaz]], achève en [[1910]] le [[barrage de Tuilières]] pour l'[[Énergie Électrique du Sud-Ouest|EESO]], alimentant [[Bordeaux]] en courant bon marché, distribué par la [[Société d’éclairage électrique de Bordeaux|"Bordeaux-Midi"]], qui quadruple son capital entre [[1910]] et [[1912]].<ref>Économie et politique de l'électricité à Bordeaux, 1887-1956 », par Alexandre Fernandez, page 63 [http://books.google.fr/books?id=9TgNdYn_NKEC&pg=PA81&lpg=PA81&dq=%22Thomson-Houston%22++EELM&source=bl&ots=1QEo9xbf2j&sig=4AA7f6wzWRQY5zZHTX1QmWGg2fg&hl=fr&sa=X&ei=8oasUOyjGeak0AXwkYC4CQ&ved=0CDYQ6AEwAg#v=onepage&q=%22Thomson-Houston%22%20%20EELM&f=false]</ref>
 
=== Les scandales Marconi et Reuters, en Bourse de Londres, après le drame du ''Titanic'' ===
[[Fichier:Donald Manson working as an employee of the Marconi Company.jpg|thumb|Un employé de Marconi en 1906]]
Les progrès de la [[Transmission sans fil|TSF]] sont l’œuvre de deux grands rivaux, [[Telefunken]] et [[Compagnie Marconi|Marconi]], dont la filiale américaine [[introduction en Bourse|entre en Bourse]] le {{date|19|avril|1912}} à [[London Stock Exchange|Londres]]. Quatre jours avant, le paquebot ''[[Titanic]]'' fait naufrage. Environ 700 passagers sont secourus grâce au puissant [[SOS]] envoyé par le plus récent des équipements [[Transmission sans fil|TSF]] de [[Compagnie Marconi|Marconi]]. Embarqués sur le ''[[Titanic]]'', deux de ses employés, [[Jack Phillips|John George Phillips]] et [[Harold Bride|Harold Sydney Bride]], multiplient les [[SOS]] pendant les deux heures qui suivent le choc avec l'[[iceberg]], avec l'énergie du désespoir. Le premier succombera dans l'eau glacée. Le second survivra avec les pieds gelés.
L'[[introduction en Bourse|entrée en Bourse]] de la [[Compagnie Marconi|Marconi]] s’effectue finalement à 3,5 livres l'action, 3 fois ce qui avait été proposé dix jours plus tôt. L'[[action]] grimpe immédiatement à {{unité|4|livre sterling}},<ref>[http://books.google.fr/books?id=ZG63y98ucvgC&pg=PA117&dq=marconi+shares+++titanic&hl=fr&sa=X&ei=DWGIT6SIIoKIhQfQ4MDnCQ&ved=0CDsQ6AEwAQ#v=onepage&q=%20%20titanic&f=false "Carson: The Man Who Divided Ireland" par Geoffrey Lewis, page 118]</ref> avant de retomber quelques semaines plus tard<ref>[http://www.yamaguchy.com/library/field_an/things_02.html "The Marconi affair", par A.N. Field]</ref> à seulement {{unité|2|livre sterling}}.<ref>[http://books.google.fr/books?id=RMMRRho44EsC&pg=PA147&dq=%22Godfrey+Isaacs%22+marconi&hl=fr&sa=X&ei=W_iFT9m9N-qG0AXl6-XQBw&ved=0CDgQ6AEwAA#v=onepage&q=%22Godfrey%20Isaacs%22%20marconi&f=false "History Of The Marconi Company 1874-1965", par W. J. Baker, page 147]</ref> On découvre que [[Rufus Isaacs]], ministre de la justice du gouvernement d'[[Herbert Asquith]], a revendu 7000 actions à un prix deux fois supérieur à celui de leur achat deux jours avant. Son frère [[Godfrey Isaacs]], nommé directeur général de [[Marconi]] sans aucune expérience dans la [[télégraphe|télégraphie]], venait de décrocher un contrat pour la première [[radio]] d’État en [[Angleterre]].
[[Fichier:SavedFromthetitanicposter.PNG|left|thumb|Affiche de ''[[Saved from the Titanic|Saved from the « Titanic »]]'' avec [[Dorothy Gibson]], survivante du naufrage]]
La presse écrite révèle aussi que le ''[[Titanic]]'' a été averti de la présence d'icebergs une heure avant le naufrage par un opérateur [[radio]] du cargo [[SS Californian (1902)]]. Mais il n’a pas été écouté : [[Jack Phillips|John George Phillips]] lui a demandé violemment de se taire, car il tentait de rattraper le retard pris dans l'envoi de messages personnels des passagers du ''[[Titanic]]'', à la suite d'une panne des appareils la veille. Après le choc, les officiers du ''[[Titanic]]'' voient le cargo [[SS Californian (1902)]], à seulement 15 kilomètres. Mais il ne répond pas aux fusées de détresse, considérant que le ''[[Titanic]]'' informe juste qu'il est bloqué par les glaces. La [[Scandale Marconi|polémique déclenchée par ces révélations]], sur fond de [[Délit d'initié|délit d’initié]], bat son plein en [[1913]]. [[Cecil Chesterton]], directeur du journal ''[[The New Witness]]'', s'en prend à [[Godfrey Isaacs]], qui le poursuit à son tour en [[diffamation]]. Son frère, l'écrivain [[G. K. Chesterton]], est licencié le {{1er}} février [[1913]] du ''[[Daily News (Angleterre)|Daily News]]''. Le 14 février [[1913]], le quotidien français ''[[Le Matin (France)|Le Matin]]'' met met à son tour en cause [[Rufus Isaacs]], avant de faire machine arrière.
Le gouvernement d’[[Herbert Asquith]] est de nouveau critiqué deux ans après, quand la [[Compagnie Marconi]] tente cette fois de racheter l'[[Agence Reuters]], au moment du suicide, le 28 avril [[1915]], d’[[Herbert de Reuter]]. Le fils du fondateur<ref>Un siècle de chasse aux nouvelles: de l'Agence d'information Havas à l'Agence France-presse (1835-1957) par Pierre Frédérix, Flammarion, 1959 -page 313</ref> vient de subir le [[krach]] de sa [[British Commercial Bank]], qui devait aider à créer un département "publicité" sur le modèle de sa rivale [[Havas]].<ref>Un siècle de chasse aux nouvelles: de l'Agence d'information Havas à l'Agence France-presse (1835-1957) par Pierre Frédérix, Flammarion, 1959 -page 311</ref> L'[[Histoire de l'Agence Reuters|incertitude sur l'avenir de Reuters]] inquiète la [[Cité de Londres|City]] de [[Londres]]. L'[[action]] est déjà sous pression depuis que [[Godfrey Isaacs]] a lancé en octobre [[1910]] la filiale "Marconi Press Agency" et diffuse le premier magazine distribué par la [[Transmission sans fil|TSF]], ''The Marconigraph''. Elle passe de 12 à 3 livres.<ref>« Foreign correspondence: the great reporters and their times », par John Hohenberg [http://books.google.fr/books?id=K6HfsDw9lUsC&pg=PA133&dq=Herbert+de+Reuter&hl=fr&ei=HaPnTd2RAcPX8gPC2J32Cg&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=8&ved=0CEsQ6AEwBw#v=onepage&q=Herbert%20de%20Reuter&f=false Foreign correspondence: the great reporters and their times Par John Hohenberg]</ref> Sous prétexte de conflit mondial, les fonds de la [[British Commercial Bank]] ont été gelés par le gouvernement, qui complique encore un peu plus la vie à [[Reuters]] en modifiant par ailleurs les codes et règles télégraphiques servant à l'[[agence de presse]] pour l'envoi de ses précieuses dépêches. En [[1916]], un directeur de [[Reuters]], [[Sir Roderick Jones]], lance une [[offre publique d'achat|OPA]] à 11 livres l'action contre 10 proposé par Marconi<ref>"The Struggle for Control of Global Communication: The Formative Century Par Jill Hills, page 123 [http://books.google.fr/books?id=tuBDEkgHJVwC&pg=PA123&dq=%22Mark+Napier%22+reuters&hl=fr&sa=X&ei=HZSET_bRGIqz8QP--sXYBw&ved=0CEAQ6AEwAQ#v=onepage&q=%22Mark%20Napier%22%20reuters&f=false]</ref>·,<ref>''Foreign correspondence: the great reporters and their times'', par John Hohenberg, page 133</ref> grâce à un prêt de {{formatnum:55000}} livres du beau-frère du premier ministre [[Herbert Asquith]].
 
Le gouvernement lui impose la création du [[Reuter Agence Service]], version musclée de l’[[Imperial News Service]], qui doit intégrer à des fins de [[propagande]], le 16 avril [[1917]], une histoire inventée par un journal belge sur une usine allemande accusée de transformer des corps humains en matériaux de guerre. [[Reuters]]-[[Australie]] demande confirmation qu'il faut signer [[Reuters]] sous la dépêche et [[Sir Roderick Jones]] répond "oui".<ref>''The role of Reuters in the distribution of propaganda news in Australia during World War I''</ref> La perte de crédibilité qui en découle entraîne la création d’[[agence de presse|agences de presse]] au [[Canada]], en [[Australie]] et en [[Asie]]. Elle amène en [[1925]] la [[coopérative]] [[Press Association]] à acheter 53 % du capital d'un [[Histoire de l'Agence Reuters|Reuters affaibli au début des années 1920]], qui attendra [[1984]] pour redevenir une société privée.
 
=== Le charbon en Bourse de Lille, de spéculations en pénuries ===
[[Fichier:Marles-les-Mines - Fosse n° 2 des mines de Marles (49).JPG|left|thumb|upright=0.8|La [[Fosse n° 2 des mines de Marles|fosse {{numéro}}2]] des mines de Marles, fermée en 1974.]]
Les [[Mine (gisement)|gisements]] charbonniers français, moins riches qu'en [[Angleterre]] et en [[Allemagne]], sont exploités moins intensivement, ce qui entraînera une pénurie d'[[énergie]] dans la première moitié du {{s|XX|e}}. Aux mains de quelques familles lilloises, ils offrent de telles performances en [[bourse]] de [[Lille]] que la recherche de [[plus-values]] l'emporte rapidement sur l'effort d'[[investissement]]. La [[Compagnie des mines d'Anzin|Compagnie d'Anzin]] est la première [[entreprise]] d'[[Europe]] continentale, avec {{formatnum:4000}} salariés, dès les [[années 1780]]. Mais la « conquête de l'Ouest » du [[Mine (gisement)|gisement]], qui se prolonge sur un axe franco-belge, prend du retard. L'extraction s'étend à [[Denain]] seulement en [[1835]], ''via'' la petite [[Compagnie des mines de Douchy]], dont l'[[Action (finance)|action]] est multipliée par 105 en un an<ref name="Og9lDqmHgC page 476"/>{{,}}.<ref name="charbon" /> Le banquier [[Louis Dupont (banquier)|Louis Dupont]] obtient une concession puis renonce rapidement. Après une découverte par hasard, en [[1841]] dans le [[Pas-de-Calais]], les recherches sont menées par la [[Compagnie de l'Escarpelle]], mais les concessions accordées par [[Napoléon III]] aux grandes familles textiles lilloises d'[[Alfred Descamps-Danel]] et d'[[Antoine Scrive-Labbe]], alliées à la [[famille Mathieu]], déjà actionnaire des [[Compagnie des mines de Douchy|mines de Douchy]] et d'Anzin.<ref>"Une entreprise face à la gestion de « risques majeurs » : la compagnie des mines de Courrières (1852-1944)" par Marie-France Conus, dans ''Histoire, économie et société'' [[2006]]</ref> Alors qu'elle est encore en [[Croissance économique mondiale des années 1850|phase de démarrage et face à une forte demande]], la [[Compagnie des mines de Courrières|Compagnie de Courrières]] verse dès [[1857]] un [[dividende]], qui restera supérieur à 20 % du [[chiffre d'affaires]]<ref name="Courrières 1944 page 74">"Une entreprise face à la gestion de « risques majeurs » : la compagnie des mines de Courrières (1852-1944)" par Marie-France Conus, dans ''Histoire, économie et société '' [[2006]], page 74 [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_2006_num_25_4_2619]</ref> pendant un demi-siècle, période pendant laquelle toute [[augmentation de capital]] est évitée. L'[[Action (finance)|action]] atteint {{formatnum:52000}} francs en [[1875]], 51 fois plus qu'en [[1859]]. Celle de la [[Compagnie des mines de Lens|Compagnie de Lens]], autre "affaire familiale", celle du "clan Scrive-Bigo-Danel",<ref name="irhis.recherche.univ-lille3.fr">"Concentration dans l’industrie minière et construction de l’espace régional : le cas du Nord-Pas-de-Calais de 1850 à 1914", par Jean-Luc Mastin [http://irhis.recherche.univ-lille3.fr/dossierPDF/EMERENO-Textes/Mastin1.pdf]</ref> vaut {{formatnum:44700}} francs, multipliée par 22 sur la même période. Son statut "[[sui generis]]" de "[[Société de capitaux|société civile commerciale]]" la dispense de publier toute [[information financière]], jusqu'à l'[[introduction en Bourse]] de [[Paris]] en [[1902]],<ref name="Lens 2012, page 65">'"Les mines de Lens, une affaire en or aux main des grandes familles du Nord", dans la revue ''Histoire d'entreprises'', mars 2012, page 65, par Jean-Luc MASTIN ([[Université de Lille 3]])</ref> où la rejoint un tiers des mines nordistes, menées dès [[1875]] par la [[Compagnie des mines de Béthune|Compagnie de Béthune]]. Les « minières » constituent jusqu'en [[1910]] l'essentiel de la [[Vieille Bourse|Bourse de Lille]], ouverte en [[1861]]<ref>''Lille et les Lillois, essai d'histoire collective contemporaine'', page 162 par Pierre Pierrard - 1967 -</ref> et très peu [[liquide]] : seulement 3,4 % du [[capital]] change de mains chaque année.<ref name="Lens 2012, page 65"/> Quand la [[Compagnie des mines de Lens|Compagnie de Lens]] divise son nominal par cent pour compter {{formatnum:86000}} actionnaires en [[1912]], contre 470 en [[1890]], ils ne se partagent qu'une infime fraction du [[capital]].<ref name="Lens 2012, page 65"/>
[[Fichier:Carte des puits du Bassin minier du Nord-Pas-de-Calais.jpg|thumb|upright=1.5|Les concessions du [[Bassin minier du Nord-Pas-de-Calais|bassin minier]].]]
Le [[négoce]] et l’[[industrie]] lillois sont alors [[actionnaires]] de 13 des 28 [[Compagnie minière (France)|sociétés minières]], et parmi les plus importantes.<ref name="irhis.recherche.univ-lille3.fr"/> La hausse stratosphérique de son patrimoine boursier, sans aucun [[augmentation de capital|appel de fonds]], reflète surtout une [[stratégie]] [[Malthusianisme|malthusienne]]: la production de [[charbon]] augmente de seulement 55 % en [[France]] entre [[1890]] et [[1914]],<ref>''[[Histoire de France]] : [[1750]]-[[1995]]'', par René Souriac et Patrick Cabanel, page 104 [http://books.google.fr/books?id=9XraAamCGEIC&pg=PA103&lpg=PA103&dq=%22production+de+charbon%22+en+france+1890&source=bl&ots=p8hLg13pFm&sig=fs9_CnVsv0NwFfOxOS09gTAnU3o&hl=fr&sa=X&ei=dXsyUeDPJ4GG0AWq0oHADw&ved=0CDkQ6AEwAzgU#v=onepage&q=%22production%20de%20charbon%22%20en%20france%201890&f=false]</ref>contre +180 % pour toute l'[[Europe]].<ref>[http://books.google.fr/books?id=pIWUJejLnS0C&pg=PA311&lpg=PA311&dq=%22production+de+charbon%22+en+france+1890&source=bl&ots=qp0S70wKA_&sig=JUrUgNLOcxQBpixLvc53jcPbKOM&hl=fr&sa=X&ei=RnkyUeiOLYew0QX3vICQAw&ved=0CC0Q6AEwAA#v=onepage&q=%22production%20de%20charbon%22%20en%20france%201890&f=false ''100 fiches d'histoire du {{S-|XIX}}'', par Sophie Kerignard, page 311]</ref> La [[sidérurgie]] allemande profite mieux des procédés [[Procédé Bessemer|Bessemer]] (1858) et surtout [[Procédé Thomas|Thomas]] (1877), grâce à un [[charbon]] plus abondant, même s'il est moins rentable.
La [[Compagnie des mines de Courrières|Compagnie de Courrières]],<ref>[http://www.atlas-patrimoines-bassin-minier.org/FR/Histoire-16.html Atlas du patrimoine minier français]</ref> autre géant de la [[Vieille Bourse|Bourse de Lille]], rogne sur ses dépenses au maximum, en ne creusant que des fosses simples, cumulant l'aération, la circulation des hommes, et l'extraction du [[charbon]] dans un même espace : c'est le cas de 4 de ses 11 puits en service en [[1905]], à la veille de la [[catastrophe de Courrières]].<ref>"Une entreprise face à la gestion de « risques majeurs » : la compagnie des mines de Courrières (1852-1944)" par Marie-France Conus, dans ''Histoire, économie et société '' [[2006]] page 63 [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_2006_num_25_4_2619]</ref>
[[Fichier:Compagnie des mines d'Ostricourt - Ouvriers et salaires de 1869 à 1878.jpg|thumb|left|Compagnie d'Ostricourt, ouvriers et salaires de 1869 à 1878.]]
L'arrosage, pour plaquer les [[Poussier|poussières de charbon]], n'est pas pratiqué.<ref>"Une entreprise face à la gestion de « risques majeurs » : la compagnie des mines de Courrières (1852-1944)" par Marie-France Conus, dans ''Histoire, économie et société '' [[2006]], page 64 [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_2006_num_25_4_2619]</ref> La [[Compagnie des mines de Bruay]], au [[Mine (gisement)|gisement]] très riche, sous les [[Nappe d'eau souterraine|mini-nappes d'eau]], attend les [[années 1910]] pour percer 3 des [[Liste des puits de mine les plus profonds du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais|9 puits nordistes profonds d'un kilomètres]]. La [[Liste des puits de mine de houille les plus profonds de France|côte 1000]] est atteinte d'abord en [[Lorraine]], alors allemande. Le [[investissement|sous-investissement]], conjugué aux défauts des [[Mine (gisement)|gisements]] français,<ref name="comite-histoire.minefi.gouv.fr">"Le charbon français de 1914 à 1946, une modernisation limitée", par Michel- Pierre Chélini, Comité d'histoire du ministère des Finances [http://www.comite-histoire.minefi.gouv.fr/industrie/etat_energie/les_seminaires/copy_of_premiere_annee___200/downloadFile/attachedFile_1/Charbon_Fr_1914-46.pdf?nocache=1117443300.25]</ref> entraîne une [[pénurie]] de [[charbon]], qui représente 80 % de l’énergie consommée : la [[France]] rêve très tôt de la [[houille blanche]] puis du [[nucléaire]], les deux domaines où elle excellera plus tard. Premier importateur mondial avec 24 millions de tonnes de [[charbon]]<ref name="vie-publique.fr">[[Charbonnages de France]] "Dernière tonne" La Houve - 23 avril 2004 - [http://www.vie-publique.fr/documents-vp/charbonnages-de-france.pdf]</ref> en [[1914]], elle en produit 7 fois moins que l'[[Angleterre]]. Ce sera encore 4 fois moins qu'outre-Manche en [[1950]], lorsque les [[Charbonnages de France]], nationalisés, emploieront {{formatnum:326000}} personnes contre {{formatnum:200000}} pour les [[Compagnie minière (France)|sociétés minières]] en [[1913]]<ref name="comite-histoire.minefi.gouv.fr"/> et {{formatnum:236000}} en [[1936]].
La [[France]] des [[années 1920]] décide l’occupation de la [[Ruhr (région)|Ruhr]], car les allemands ont fait sauter les [[cuvelage]]s de 18 des 19 [[Compagnie minière (France)|sociétés minières]] françaises pendant la guerre et noyé les galeries. Les compagnies de [[Liévin]], [[Lens (Pas-de-Calais)|Lens]], [[Carvin]], [[Meurchin]], [[Béthune]], [[Courrières]], [[Drocourt (Pas-de-Calais)|Drocourt]], [[Dourges]] et [[Ostricourt]], se regroupent fin [[1919]] dans la "Société civile de dénoyage des houillères", financée par 250 millions de francs d'aides publiques, votées par la loi du 6 août [[1917]]. L’[[Allemagne|occupant allemand]] avait obligé les [[Compagnie minière (France)|sociétés minières]] à se regrouper à la façon du [[Kohlensyndikat]]<ref name="comite-histoire.minefi.gouv.fr"/> de [[1893]], chargé de fixer les prix de vente et les quotas de production.
<center>
{| class="wikitable"
|Année
|[[1871]]<ref>"Histoire de France: 1750-1995", par René Souriac et Patrick Cabanel, page 104 [http://books.google.fr/books?id=9XraAamCGEIC&pg=PA103&lpg=PA103&dq=%22production+de+charbon%22+en+france+1890&source=bl&ots=p8hLg13pFm&sig=fs9_CnVsv0NwFfOxOS09gTAnU3o&hl=fr&sa=X&ei=dXsyUeDPJ4GG0AWq0oHADw&ved=0CDkQ6AEwAzgU#v=onepage&q=%22production%20de%20charbon%22%20en%20france%201890&f=false]</ref>
|[[1880]]
|[[1890]]
|[[1900]]
|[[1913]]
|[[1929]]
|[[1938]]
|[[1941]]
|[[1944]]
|[[1945]]
|[[1949]]
|[[1952]]
|-
|Production française de charbon (millions de tonnes)
|13,2
|19,3
|26
|33
|40
|49<ref>31930 La grande époque", site de [[Charbonnages de France]] [http://www.charbonnagesdefrance.fr/dArticle.php?id_rubrique=126&id_article=337]</ref>
|46
|41
|26,5
|33<ref>[http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ingeo_0020-0093_1947_num_11_2_5253 ''L'Information géographique'']</ref>
|51,2
|55,4<ref>[http://www.cvce.eu/content/publication/2000/11/17/b7bfeb8b-ec5a-45e3-9356-3309c9eaeb04/publishable_fr.pdf CVCE]</ref>
|}
</center>
Les [[Mine en France|compagnies françaises]] lancent alors des [[Emprunt (finance)|emprunts]] par le biais du "Groupement des Houillères du [[Nord-Pas-de-Calais]]" et leurs premières [[augmentation de capital]],<ref>"Une entreprise face à la gestion de « risques majeurs » : la compagnie des mines de Courrières (1852-1944)" par Marie-France Conus, dans ''Histoire, économie et société '' [[2006]], page 72 [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_2006_num_25_4_2619]</ref> pour reconstruire, jusqu'en [[1925]], puis investir, jusqu'en [[1929]]. L'État leur offre aussi un réseau provisoire de [[Réseau de distribution électrique|distribution d'électricité]], qui permet l'introduction du [[marteau-piqueur]], puis de la [[haveuse]] après [[1925]], mais très parcimonieusement, faute d'assez d'[[investissement]]s [[électricité|électriques]] privés. Le [[charbon]] français coûte 25 % plus cher qu'en [[Allemagne]] en [[1939]], et 50 % plus cher en [[Grande-Bretagne]],<ref name="vie-publique.fr"/> même si 900 mineurs [[kabyles]] en [[France]] sont recensés dès [[1910]] par la commission d'enquête d'Octave Dupont,<ref>[[Rapport André Dilligent]] [http://www.youscribe.com/catalogue/livres/autres/l-immigration-algerienne-dans-le-nord-pas-de-calais-1909-1962-170099]</ref> et 74 % des mineurs d'origine étrangère dans l'[[entre-deux guerres]].<ref name="Courrières 1944 page 74"/> Le [[Pas-de-Calais]] accueille une "Petite Pologne" avec ses écoles et églises.<ref>[http://www.echo62.com/article-ces-polonais-du-pas-de-calais "De la « Petite Pologne » à l’intégration", sur Echo 62]</ref> Pénalisée par le manque d'investissements, la [[productivité]] est d'une tonne par homme/jour en [[1913]] et 1,2 en [[1929]], puis monte à {{unité|2.5|tonnes}} dans les [[années 1950]]. Mais c'est trop tard pour rivaliser avec le [[nucléaire]] et les [[Mine (gisement)|mines à ciel ouvert]] de [[Chine]] ou d'[[Australie]]: l'[[Bassin minier du Nord-Pas-de-Calais#Fin de l'exploitation minière|extinction minière]] s'accélère dans les [[années 1980]].
 
 
=== La "Mégawatt Mania" boursière des années 1920 ===
Les erreurs [[Malthusianisme|malthusiennes]] du [[charbon]] français sont évitées lors de l'essor de la [[houille blanche]] dans les [[années 1920]], sous la contrainte d'une fiscalité plus exigeante, qui pénalise la [[spéculation]] pour encourager l'[[investissement]]. Les sociétés d'[[électricité]] représentent 20 % des émissions d'[[Action (finance)|actions]] et d'[[Obligation (finance)|obligations]] à la [[Bourse de Paris]] en [[1930]] contre 8 % dans la première partie des [[années 1920]].<ref name="France 2000">"Dynamique des systèmes techniques et « capitalisme » : le cas de l'industrie électrique en France, 1880-1939 ", par François Caron dans ''Histoire, économie et société'' (2000) [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_2000_num_19_3_2125?_Prescripts_Search_tabs1=standard&]</ref> Au cours de la seule année [[1926]], une trentaine d'entre-elles se créent. Le secteur collecte 800 millions de francs, principalement sous forme d'[[Action (finance)|actions]], avec 79 [[augmentation de capital|augmentations de capital]].<ref>"Le Crédit lyonnais: 1863-1986", par Bernard Desjardinspage, page 440</ref> Les [[Obligation (finance)|obligations]] coûtent cher : 13 % de [[taux d’intérêt]] en moyenne pour les sociétés d’[[électricité]], jugées risquées, contre 8 % à 9 % pour les taux de référence.<ref>André Strauss, dans « Le Crédit lyonnais: 1863-1986", par Bernard Desjardins », page 441 [http://books.google.fr/books?id=mrSeDN067fUC&pg=PA439&dq=premi%C3%A8re+soci%C3%A9t%C3%A9+productrices+d+%C3%A9lectricit%C3%A9+suisse&hl=fr&sa=X&ei=nqu1UJDFCMmIhQe0moCwDQ&ved=0CD4Q6AEwBA#v=onepage&q=premi%C3%A8re%20soci%C3%A9t%C3%A9%20productrices%20d%20%C3%A9lectricit%C3%A9%20suisse&f=false]</ref> La [[Société Grenobloise de Force et Lumière|SGFL]] doit même payer 17,5 % lorsqu'elle émet en mars pour 20 millions de francs d'[[obligation (finance)|obligations]].<ref>André Strauss, dans « Le Crédit lyonnais: 1863-1986 Par Bernard Desjardins », page 441 [http://books.google.fr/books?id=mrSeDN067fUC&pg=PA439&dq=premi%C3%A8re+soci%C3%A9t%C3%A9+productrices+d+%C3%A9lectricit%C3%A9+suisse&hl=fr&sa=X&ei=nqu1UJDFCMmIhQe0moCwDQ&ved=0CD4Q6AEwBA#v=onepage&q=premi%C3%A8re%20soci%C3%A9t%C3%A9%20productrices%20d%20%C3%A9lectricit%C3%A9%20suisse&f=false]</ref> Les [[créanciers]] se méfient depuis la quasi-[[faillite]] de [[Paul Girod (industriel)|Paul Girod]] en [[1921]]. Sa ligne [[Ugine]]-[[Lyon]] à {{unité|55000|volts}}, partagée avec la [[Société Grenobloise de Force et Lumière|SGFL]], est rendue [[obsolète]] par une nouvelle [[technologie]] à {{unité|170000|volts}}, et les {{unité|220000|volts}} volts seront atteints dès le début des années 1930.<ref name="erdfdistribution.fr">[http://www.erdfdistribution.fr/ERDF_Histoire La création d'un réseau national, site d'ERDF]</ref> Ces [[Interconnexion électrique|interconnexions]] de grande capacité permettent de relier les "deux France énergétiques": le sud [[hydraulique]] et le nord [[charbon]]nier.<ref>"Interconnexion des réseaux d'énergie électrique. Raisons et enjeux de l'interconnexion en France 1919-1941", page 112, par Jacques Lacoste (1986)[http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/flux_1162-9630_1986_num_2_4_1769]</ref> Moins cher, l'[[hydraulique]] complète les [[centrale thermique|centrales thermiques]] pour abaisser leur [[coût de revient]]. Ces dernières relaient l'[[hydraulique]] en saison de basses-eaux des torrents. Ensuite, les premiers lacs de [[barrage]] permettent de répondre aux pics de demande.
[[Fichier:Lac de chambon vue depuis le barrage.JPG|thumb|alt=Le lac de Chambon.|Le chantier du [[barrage d'Éguzon]], le plus grand d'Europe et le premier en béton, démarre en 1919]]
La [[France]] passe de {{formatnum:7000}} [[communes]] électrifiées en [[1919]] à {{formatnum:36500}} en [[1938]],<ref name="erdfdistribution.fr"/> même s'il s'agit souvent de simple éclairage des rues. Sa consommation [[électrique]], portée aussi par le boom de l'[[aluminium]], quadruple sur les [[années 1920]] alors qu'elle double simplement en [[Europe]].<ref>"Interconnexion des réseaux d'énergie électrique. Raisons et enjeux de l'interconnexion en France 1919-1941", page 121, par Jacques Lacoste (1986) [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/flux_1162-9630_1986_num_2_4_1769]</ref> La seule [[production hydroélectrique]] est multipliée par huit. Pionnière, la "France hydraulique" du sud a montré le chemin dès [[1913]] par trois réseaux locaux ([[Énergie électrique du littoral méditerranéen|EELM]], [[Énergie électrique du Sud-Ouest|EESO]], et [[Société de Transports d'Energie des Alpes|STEDA]]), soutenus par les fabricants [[Thomson-Houston Electric Company|Thomson-Houston]] et [[Alcatel|CGE]], complétés en août [[1930]] par l'[[Union pour l’industrie et l’électricité|UNIE]] de [[Louis Marlio]] et [[Pierre Ailleret]].
L'accélération de la [[Croissance économique|croissance]] est financée par des [[augmentation de capital|augmentations de capital]] : de [[1919]] à [[1931]], elles représentent 60 % des émissions du secteur [[électrique]], tendance qui s'accélère entre [[1927]] et [[1930]] : on en compte quatre fois plus qu'entre [[1921]] et [[1926]].<ref name="France 2000"/> Pour lever des fonds, les [[filiales]] prennent le relais des [[holding|maisons-mères]]:<ref>''Les Constructions électriques en France financement et stratégies de six groupes industriels internationaux de 1880 à 1940'', par Pierre Lanthier, 1988, thèse de l'université de Paris-X</ref> plusieurs structures cotées en Bourse coexistent au sein d'un même groupe, ce qui permet d'isoler les activités en forte croissance, à la fois spéculatives et risquées ([[hydro-électrique]] et [[lignes à haute-tension]]), pour les réserver aux investisseurs intéressés. [[L'Énergie industrielle]] s'empare par exemple en août [[1930]] de la [[Société Lyonnaise des Forces Motrices du Rhône|SLFMR]],<ref>"Le Crédit lyonnais, 1863-1986: études historiques", page 475, par Bernard Desjardins - 2003 - [http://books.google.fr/books?id=mrSeDN067fUC&pg=PA475&lpg=PA475&dq=%22%C3%89nergie+Industrielle%22++bourse+action&source=bl&ots=0U6BrfbOgj&sig=Ei4_rKTlxsntcrRtFiTrax9z0CE&hl=fr&sa=X&ei=V_GrUIafDofKtAb2-IHQBg&ved=0CB8Q6AEwAA#v=onepage&q=%22%C3%89nergie%20Industrielle%22%20%20bourse%20action&f=false]</ref> qui porte les projets du [[barrage de Tignes]] et du [[barrage de Jons]], mais sans l'absorber. [[L'Union d'électricité]] crée la [[Société des Forces Motrices du Cantal|SFMC]] pour le [[Barrage de Saint-Étienne-Cantalès]], avec le plus grand lac artificiel d’[[Auvergne]] achevé en [[1945]].
[[Fichier:Barrage du Sautet-16.JPG|thumb|left|<center>Le barrage du Sautet, entre l'[[Isère (département)|Isère]] et les [[Hautes-Alpes]] conçu pour l'électrolyse de l'aluminium, servira en fait à électrifier Paris.]]
La construction du [[Barrage de la Roche-qui-boit|barrage de "Sélune"]] est achevée en [[1919]], l'année ou démarre celle du [[Barrage d'Éguzon]], le premier en [[béton]], fournisseur de l’usine thermoélectrique de [[Gennevilliers]].<ref>Revue du ministère de l’Écologie, du Développement durable des Transports et du Logement [http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/pm9.pdf]</ref> Le projet est dirigé par [[L'Union d'électricité]], qui créée pour cela en mai [[1921]] une filiale dédiée, "[[L'Union hydroélectrique]]".<ref>« Schneider & {{Cie}} et les travaux publics : 1895-1949, par Agnès d'Angio », page 168 [http://books.google.fr/books?id=IhYh3dp-fiQC&pg=PA168&lpg=PA168&dq=%22l'Union+Hydro-%C3%89lectrique%22+actions&source=bl&ots=ThXHR8H7IS&sig=3dv1aGKJnVNJlA3i7ok9HaAYuu0&hl=fr&sa=X&ei=bp2sUM7pKsq80QXn4oH4Bw&ved=0CEMQ6AEwAw#v=onepage&q=%22l'Union%20Hydro-%C3%89lectrique%22%20actions&f=false]</ref> Le décollage a vraiment lieu après [[1926]], quand démarre la construction de dizaine de petits barrages et quelques célébrités : [[barrage du Chambon|"Chambon"]] en [[1928]],<ref>Il sera achevé en [[1937]] par une [[société d’économie mixte]] fondée par le [[ministère des Travaux publics]] et la société des usagers de la [[Romanche]], regroupant les industriels qui avaient installé, depuis la fin du {{s-|XIX|e}}, leurs [[centrales hydroélectriques]] et leurs usines.</ref> [[Barrage de Vezins|"Vezins"]] en [[1929]] et [[Barrage de Bissorte|"Bissorte"]] en [[1931]]. Selon l'historien André Strauss,<ref name="André Strauss 1994"/> les émissions boursières se sont « avérées indispensable » à ce développement, tout en jouant « un rôle important dans l'animation du marché financier. » Pour les vendre aux investisseurs, d'autres banques se joignent au [[Crédit lyonnais]], qui opérait 75 % des placements en [[1900]]-[[1914]] mais plus que 39 % en [[1920]]-[[1929]].<ref name="archive.wikiwix.com"/>
 
Trois groupes géants émergent : [[L'Énergie industrielle]] regroupe une centaine de sociétés, [[L'Union d'électricité]] environ 75 et l'[[Énergie électrique du littoral méditerranéen|ELM]] une trentaine.<ref>selon l'inventaire EDF de 1946, qui surestime le nombre des filiales</ref> Les deux dernières ont chacune plus de {{formatnum:20000}} [[actionnaires]]. [[L'Union d'électricité]], leader français avec 2 milliards de francs d'[[Actif (comptabilité)|actifs industriels]] en [[1939]], devant [[L'Énergie industrielle]] et ses 1,3 milliard de francs, réalisa six [[augmentations de capital]] entre [[1921]] et [[1930]], le portant de 5 millions de francs en [[1919]] à 350 millions en [[1930]], dans une politique de construction de grandes centrales et de [[ligne à haute-tension|lignes à haute-tension]].
 
Le [[krach boursier]] modifie la donne: entre [[1929]] et [[1932]] la consommation mondiale d'[[aluminium]] est divisée par deux, à {{unité|140000|tonnes}}.<ref>"D'une guerre à l'autre (1914-1949)", Institut pour une histoire de l'aluminium [http://www.histalu.org/iha-repere-article.php?rub=4&srub=5&ssrub=0&art=27&id=2]</ref> Les producteurs alpins et pyrénéens recyclent leur énergie vers les villes. [[Péchiney]] renonce à une usine sous le [[barrage du Sautet]] pour destiner sa consommation à [[Paris]],<ref>''Barrages et développement dans les Alpes françaises de l’entre-deux-guerres'', par Anne Dalmasso [http://rga.revues.org/400]</ref> augmentant encore les besoins d'[[interconnexion électrique|interconnexion]], suscitant la création de l'[[Union pour l’industrie et l’électricité|UNIE]]. Mais le moteur boursier tousse. Alors que les "[[Pierre Laval|décrets Laval]]" de [[1935]]<ref>"À la botte : la Bourse sous l'Occupation" par Pauline Destrem et Dominique Destrem [http://books.google.fr/books?id=GPffRB8jJZkC&pg=PA291&dq=d%C3%A9crets+laval+sur+%C3%A9nergie&hl=fr&sa=X&ei=KOuzUMTbN4jLhAeStIHYDg&ved=0CDYQ6AEwAA#v=onepage&q=d%C3%A9crets%20laval%20sur%20%C3%A9nergie&f=false]</ref> imposent une baisse des prix de l'électricité, [[Ernest Mercier]], PDG de [[L'Énergie industrielle]], dénonce un « patronat malthusien » et les « trusts thermiques qui sabotent la mise en valeur du potentiel hydraulique du pays »,<ref>''Interconnexion des réseaux d'énergie électrique. Raisons et enjeux de l'interconnexion en France 1919-1941'', page 133, par Jacques Lacoste (1986) [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/flux_1162-9630_1986_num_2_4_1769]</ref> devant le congrès de la [[Confédération générale du travail|CGT]] en [[1937]]. Les esprits sont mûrs pour la création d'[[EDF]], après celle de la [[SNCF]], qui finalise la plupart des grands projets de barrages alpins ([[Serre-Ponçon]], [[Roselend]], [[Tignes]]).
 
=== La très forte croissance des « années folles » ===
La [[années 1920|décennie 1920]] est l'âge d'or de la [[Bourse de Paris]], qui voit son volume d'échanges décupler et son [[CAC 40|indice]] multiplié par 4,4 entre la fin [[1921]] et la fin [[1928]],<ref>Indice boursier reconstitué par l'Insee, page 429, "1900-2000, un siècle d'économie", aux Éditions ''Les Echos'', coordonné par [[Jacques Marseille]]</ref> performance encore plus élevée que celle du [[Dow Jones]], multiplié par 3,6 sur la même période.<ref>Indice Dow Jones "1900-2000, un siècle d'économie", page 438, aux Éditions ''[[Les Échos]]'', coordonné par [[Jacques Marseille]]</ref> Parallèlement, la production industrielle française quadruple entre [[1919]] et [[1929]],<ref>"Histoire de France : De la république à l'État français 1918-1944", par Vincent Adoumié
[http://books.google.fr/books?id=bynqnwpGKA0C&pg=PT184&dq=histoire+des+soci%C3%A9t%C3%A9s+hydro%C3%A9lectrique+%22ernest+mercier%22&hl=fr&sa=X&ei=lnGqULz3D_Or0AX6woDwCg&ved=0CDoQ6AEwAA]</ref> son indice passant de 157 à 239, malgré une chute ponctuelle en [[1921]]. Le PIB français, incluant l'agriculture, progresse de 49,8 % entre [[1920]] et [[1930]] contre 29,5 % pour le [[Produit intérieur brut|PIB]] des [[États-Unis]], dont la [[croissance économique|croissance]] est pourtant dopée par l'expansion du pétrole au [[Texas]] et les [[économies d'échelle]] dans l'[[automobile]], qui vit une [[bulle spéculative]] historique.<ref name="VzfqRrruxBMC page 63">[http://books.google.fr/books?id=VzfqRrruxBMC&pg=PA62&dq=%22ann%C3%A9es+1920%22+bourse&hl=fr&sa=X&ei=WaqqUMT-Io6GhQe5lIHwBg&ved=0CE8Q6AEwCQ#v=onepage&q=%22ann%C3%A9es%201920%22%20&f=false "La Bourse: Rupture et renouveau", par Jean-Pierre Petit, page 63]</ref>
<center>
{| class="wikitable"
|Trois grand pays industriels européens
|[[Angleterre]]
|[[Allemagne]]
|[[France]]
|-
|Hausse de la production manufacturière entre [[1913]] et [[1928]]
|6 %
|18 %
|39 %
|}
</center>
En [[1925]], l'[[Angleterre]] annonce son retour à l'[[étalon-or]], la [[livre sterling|livre]] étant passée à l'automne [[1923]] de 76 à 91 francs en dix semaines.<ref>"1900-2000, un siècle d'économie", page 119, aux Éditions ''Les Echos'', coordonné par [[Jacques Marseille]]</ref> Cette décision de [[Winston Churchill]], prise sous l'influence d'une "[[Cité de Londres|City]]" qui veut rester première place financière mondiale, est fustigée par l'économiste [[John Maynard Keynes]], car reposant sur la parité d'une [[livre sterling|livre]] pour {{unité|4.86|dollars}}, qui pénalise l'industrie britannique.<ref name="ReferenceB">"1900-2000, un siècle d'économie", page 438, aux Éditions ''Les Echos'', coordonné par [[Jacques Marseille]]</ref> L'indice de la production manufacturière n'atteint que 106 en [[1928]] en [[Grande-Bretagne]], sur une base 100 en [[1913]], contre 118 en [[Allemagne]] et 139 en [[France]].<ref>"Histoire du {{XXe}} siècle: 1ères et terminales agricoles", par Florence Cattiau, Maryse Chabrillat, Annie Constantin, Christian Peltier, Gwenaëlle Lepage, chez Educagri Editions, 2001 [http://books.google.fr/books?id=F-P-6_pzvcQC&pg=PA112&lpg=PA112&dq=croissance+allemande+%22ann%C3%A9es+1920%22&source=bl&ots=BNRle1UGfP&sig=QzARoiHVCruxfdv8Vr9DltMk7Ck&hl=fr&sa=X&ei=f56qUJm6Fsm3hAfInYC4Dg&ved=0CB8Q6AEwADgU#v=onepage&q=croissance%20allemande%20%22ann%C3%A9es%201920%22&f=false]</ref> En [[France]], il était tombé à 57 en [[1919]] et 50 en [[1921]], mais déjà remonté à 104 en [[1924]], avec cependant des disparités sectorielles : 44 seulement pour la [[construction navale]], 100 pour la [[sidérurgie]] et 422 pour l'[[automobile]].<ref name="ReferenceB"/> La mise en place du [[fordisme]] bénéficie surtout à l'[[automobile]] américaine qui atteindra un parc de 26,5 millions de véhicules en 1930, cinq fois plus que dans l'ensemble de l'[[Europe]],<ref>[http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http://www.philisto.fr/cours-82-l-economie-de-guerre-et-ses-consequences-1914-1929.html&title=%5B5%5D "L'économie de guerre et ses conséquences (1914-1929)", par Belisaire]</ref> en profitant d'un [[pétrole]] plus abondant.
[[Fichier:La Salle Phaaeton 1928.jpg|thumb|left|250px|Série 303 Phaeton, lancée en [[1928]] par une filiale de General Motors]]
Les "[[Champ pétrolifère|champs pétroliers]] de [[Mésopotamie]]" perdus par l'ex-[[Empire ottoman]]<ref>"1900-2000, un siècle d'économie", page 121, aux Éditions ''Les Echos'', coordonné par [[Jacques Marseille]]</ref> après la [[Première Guerre mondiale]] sont partagés. La [[France]] en obtient le quart lors de la "conférence de San Remo" d'avril [[1921]] et réunit 87 sociétés dans la [[Compagnie française des pétroles|CFP]] en 1924. Le gisement texan de [[Spindletop]],<ref>[http://www.tshaonline.org/handbook/online/articles/dos03 Histoire du gisement de Spindletop]</ref> redécouvert le 13 novembre [[1925]], produit rapidement {{formatnum:700000}} barils/jour
,<ref>http://penseespolitiques.over-blog.fr/article-la-voiture-electrique-une-alternative-necessaire-69066498.html</ref> plaçant les héritiers de la [[Standard Oil]] en position de force face à [[Royal Dutch]] et l'[[Anglo-Persian Oil Company|Anglo Persian oil]], lors des négociations suivant la découverte d'immenses gisements en [[Iran]].<ref>"1900-2000, un siècle d'économie", page 137, aux Éditions ''Les Echos'', coordonné par [[Jacques Marseille]]</ref> D'autres grandes capitalisations boursières émergent: [[General Motors]], [[Radio Corporation of America|RCA]], ou [[General Electric]], qui ne valait en [[1912]] que 170 millions de dollars, cinq fois moins que la [[Standard Oil]].<ref name="ReferenceB"/> [[Wall Street]] surfe sur la "[[radiomania]]" entourant les dizaines de [[Startup|start-up]] profitant des progrès dans la [[Transmission sans fil|TSF]]. De {{formatnum:100000}} récepteurs écoulés en [[1922]], on passe à 2 millions dès [[1924]]. L'action [[Radio Corporation of America|RCA]] est la plus échangée en [[1929]] à [[Wall Street]].<ref>"Quand Wall Street spéculait sur la radio", par Bernard Kapp, dans ''[[Le Monde]]'' du 14 mars 2000</ref> Elle a décuplé en quatre ans, à {{unité|114|dollars}}, soit 73 fois le dividende. [[IBM]] est créé en [[1924]] par [[Thomas Watson]] en fusionnant plusieurs fabricants, mais sans percer. Dans la [[sidérurgie]], l'innovation majeure est le [[Laminage|laminoir]] en continu de la Columbia Steel. Il en fonctionne une trentaine en [[1935]], mais aucun en France,<ref>"1900-2000, un siècle d'économie", page 129, aux Éditions ''Les Echos'', coordonné par [[Jacques Marseille]]</ref> ou l'[[hydroélectricité]] domine: [[Histoire des bourses de valeurs#La "Mégawatt Mania" boursière des années 1920|production multipliée par huit]] sur la décennie<ref>[http://www.philisto.fr/cours-82-l-economie-de-guerre-et-ses-consequences-1914-1929.html "L'économie de guerre et ses conséquences (1914-1929)", par Belisaire]</ref> et [[Histoire des bourses de valeurs#La "Mégawatt Mania" boursière des années 1920|20 % des émissions de titres]].
 
Pour payer la [[dette]] de la [[Première Guerre mondiale]], la [[France]] créé un [[impôt sur les plus-values]] et un [[impôt sur les sociétés]],<ref>"Structures et cycles économiques" - Volume 2, Partie 1 - Page 469, par Johan Åkerman - 1957</ref> qui s'ajoutent à l'[[impôt sur le revenu]] de [[1914]]. Majorée de 20 % en mars [[1924]] par la "[[Chambre bleue horizon]]" l'imposition marginale supérieure atteint 90 %, contre 2 % dix ans avant.<ref>"Les hauts revenus en France au {{s-|XX|e}}", par [[Thomas Piketty]] [http://books.google.fr/books?id=zLeWmH1DL_kC&pg=PT314&lpg=PT314&dq=syst%C3%A8me+du+%22double+d%C3%A9cime%22+1924&source=bl&ots=Vf9riYL-Fk&sig=rHQqkE6Vyyp3hEigNT6_5mVNN_M&hl=fr&sa=X&ei=-KWqUIHCGsuJhQeCxoH4Aw&ved=0CCYQ6AEwAg]</ref> Sans grand espoir que cette [[fiscalité]] revienne vite à la normale, les entreprises n'ont plus d'autre choix que d'[[Intériorisation des bénéfices|intérioriser les bénéfices]] et d'investir, souvent ''via'' leur [[filiale]]s régionales. L'intérêt pour les sociétés moyennes dope les sept [[Bourses des valeurs régionales françaises|bourses de province]], dont la [[capitalisation]] est multipliée par neuf entre [[1914]] et [[1928]],<ref>Histoire de la Bourse, par Paul Lagneau-Ymonet et Angelo Riva, Éditions La Découverte 2011</ref> pour atteindre 16 % de la [[capitalisation]] française contre 9 % en [[1914]]. Le total des émissions d'[[Action (finance)|actions]] et d'[[Obligation (finance)|obligations]] en [[France]] double, en valeur constante, entre la décennie [[1901]]-[[1910]] et la décennie [[1920]]-[[1929]], atteignant l'indice 217.<ref>''Histoire économique et sociale de la France'' - Volume 4, numéro 2 - Page 647, par [[Fernand Braudel]] et [[Ernest Labrousse]] - [[1980]] -</ref> Moins [[sous-capitalisation|sous-capitalisées]] qu'au {{s|XIX|e}}, les sociétés françaises résistent relativement bien au [[krach de 1929]]. Leurs cours sont divisés par deux,<ref>''1900-2000, un siècle d'économie'', page 430, aux Éditions ''Les Échos'', coordonné par [[Jacques Marseille]]</ref> quand ceux des américaines sont divisés par quatre.<ref>''1900-2000, un siècle d'économie'', page 439, aux Éditions ''[[Les Échos]]'', coordonné par [[Jacques Marseille]]</ref> Sur longue période ([[1920]]-[[1935]]), la hausse réelle (hors-[[inflation]]) du cours des actions rapporte en moyenne 4 % par an à [[Paris]], contre une [[inflation]] moyenne de 2 %, (plus forte avant [[1929]], moins forte après).<ref name="VzfqRrruxBMC page 63"/>
 
=== Krach de 1929 et première séparation légale entre banque et Bourse ===
[[Fichier:Djia 1921 1929.png|left|thumb|200px|L'indice [[Dow Jones]] avait quadruplé entre 1921 et septembre 1929]]
Le [[krach de 1929]] perce la [[bulle spéculative]] très brutalement. Le jeudi {{date|24|octobre|1929}}, les cours s'effondrent. À midi, l'[[Dow Jones Industrial Average|indice Dow Jones]] a perdu 22,6 %. Une [[émeute]] éclate à l'extérieur du [[New York Stock Exchange]], car les gardes du bâtiment et la police ont empêché des actionnaires d'entrer. En France, [[Ivar Kreuger]] et [[Albert Oustric]] font faillite. Puis c'est l'[[affaire Stavisky]]. La chute de [[1930]] à [[1932]] est supérieure à celle de l'année [[1929]]. Le {{date|8|juillet|1932}}, le [[Dow Jones]] tombe à 41,22 points, au plus bas depuis sa création en [[1896]]. La Bourse américaine devient extrêmement volatile. Sept des plus forts gains de l'histoire du [[Dow Jones]] ont lieu entre [[1929]] et [[1933]], dont le record de hausse journalière, le 15 mars [[1933]] : + 15,34 %. Et sept des dix plus fortes baisses sont aussi enregistrées avant [[1939]].<ref>[http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/finance-marches/actu/0201407116514-l-indice-dow-jones-fete-115-ans-de-krachs-et-de-bulles-170323.php «L'indice Dow Jones fête 115 ans de krachs et de bulles », par Nessim Aitkacimi, dans ''[[Les Échos]]'' du 30 mai 2011]</ref>
[[Franklin D. Roosevelt]] nomme [[Joseph Patrick Kennedy|Joseph P. Kennedy]], père de [[John F. Kennedy]], président de la [[Securities and Exchange Commission]], créée par le [[Securities Exchange Act]] de [[1934]]. Son rôle, protéger les investisseurs contre les abus de sociétés cotées et veiller à la qualité des informations publiées. Encore plus importante, la loi du [[Glass-Steagall Act]] de [[1933]] impose la séparation entre [[banque de dépôt|banques de dépôts]] et [[banque d'investissement|banques d'investissement]], pour éviter que des banques n’utilisent les dépôts de millions d’épargnants comme caution des risques excessifs pris à la bourse.<ref>[http://books.google.fr/books?id=4hZ95DI7IrEC&printsec=frontcover&dq=2008+L'ann%C3%A9e+du+krach:+Premiers+enseignements+d'une+crise&hl=fr&ei=aY8XTtaTHsXE8QPP-_Qw&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved=0CCoQ6AEwAA#v=onepage&q&f=false ''2008 L'année du krach : premiers enseignements d'une crise'', par Bruno Colmant et Chantal Samson, chez Larcier, 2008, page 68]</ref> Les enquêtes du jeune procureur [[Ferdinand Pecora]] sur les excès des banques convainquent le congrès de la voter. Le [[New Deal]] permet au PIB par habitant des États-Unis (déflaté selon la méthode Geary Khamis) de passer de {{unité|6220|dollars}} en 1930 à {{unité|7018|dollars}} en 1940,<ref>En dollars de 1990, selon le tableau de "Un siècle d'économie", par le quotidien ''[[Les Échos]]'', page 432</ref> soit une progression de 11,8 % sur la décennie des [[années 1930]].
 
=== Le nouvel essor boursier des années 1950 ===
Après [[1945]], la défaite des puissances de l'[[Axe Rome-Berlin-Tokyo|Axe]] fait s'effondrer les actions en [[Allemagne]], [[Italie]] et [[Japon]], tous trois connaissant ensuite une très forte expansion, souvent portée par le développement du [[capital-risque]]<ref>"Analyse sectorielle: Méthodologie et application aux technologies de l'information", page 184 Christian Genthon Editions L'Harmattan, 2004 [http://books.google.fr/books?id=URWr2QuHN8UC&pg=PA184&dq=boursier+%22ann%C3%A9es+1950%22&hl=fr&sa=X&ei=u8wzUabZCcy5hAfm3oBQ&ved=0CEwQ6AEwBQ#v=onepage&q=boursier%20%22ann%C3%A9es%201950%22&f=false]</ref> et une structure financière caractérisée par la faiblesse de l'endettement.<ref>[http://books.google.fr/books?id=gmueAcMbKjwC&pg=PA21&dq=boursES+actions+%22ann%C3%A9es+1950%22&hl=fr&sa=X&ei=KM8zUZzHHcG3hQe9roCAAg&ved=0CF8Q6AEwBw#v=onepage&q=boursES%20actions%20%22ann%C3%A9es%201950%22&f=false "Le régime juridique des dividendes", par Amel Amer-Yahia, page 20]</ref>
[[Fichier:1956 Suez war - conquest of Sinai.jpg|thumb|300px|Invasion du Sinaï par Israël en 1956, l'année de la nationalisation du Canal de Suez par Nasser]]
Vedette de la "[[Bourse d'Italie|Piazza Affari]]" milanaise, [[Fiat]] est le symbole du [[Miracle économique italien|miracle italien]], dont la période va des élections d'avril [[1948]] aux [[Jeux Olympiques de Rome]] en [[1960]]: {{formatnum:700000}} automobiles en 1955, 10 millions cinq ans après.<ref name="archives.lesechos.fr">"Les années 1950 à l'italienne", par Pierre de Gasquet dans ''[[Les Échos]]'' du 04 mars 2005 * page 104 [http://archives.lesechos.fr/archives/2005/LesEchos/19364-514-ECH.htm]</ref> Le fabricant de [[scooter]]s [[Vespa]] n'est pas en reste. Entre [[1945]] et [[1965]], il s'en vendra 3,5 millions en [[Italie]].<ref name="archives.lesechos.fr"/>
 
Au cours des [[années 1950]], la [[Bourse de Paris]] est multiplié par 5,5. L'indice boursier [[Insee]] passe de 100 à la fin [[1949]] à 774 en avril [[1962]], soit une progression moyenne de 18 % par an, entrecoupée de périodes de stabilité ou de baisse : en [[1951]] avec la stabilisation d'[[Antoine Pinay]], puis en [[1955]] et [[1956]] avec les tensions géopolitiques comme l'indépendance du [[Maroc]] et de la [[Tunisie]], la [[guerre d'Algérie]] et la [[nationalisation]] du [[canal de Suez]]. Les entreprises y financent leurs [[investissement]]s: entre [[1949]] et [[1959]], le nombre annuel d'émissions d'[[Action (finance)|actions]] est multiplié par sept et les montants par trois,<ref>"La rentabilité réelle des actifs boursiers de 1950 à 1992" par Pedro Arbulu et Georges Gallais-Hamonno, dans la revue''[[Économie et Statistique]]'' ([[1995]]) [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/estat_0336-1454_1995_num_281_1_5927#]</ref> tendance qui s'inverse après [[1962]], lors du retour à l'endettement. L'[[indice des prix]] augmente parallèlement de 68 % entre fin [[1949]] et juin [[1958]] les [[Entreprise|sociétés]] à émettre des [[Obligation (finance)|obligations]] à taux variable, protégeant de l'[[inflation]].
 
La [[finance]] française reste alors très [[Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières|réglementée]], les [[Sicav]] n'étant autorisées qu'en mars [[1964]]... et à condition de jamais détenir plus de 5 % d'une [[entreprise]].<ref>Indice Dow Jones "1900-2000, un siècle d'économie", page 285, aux Éditions ''Les Échos'', coordonné par [[Jacques Marseille]]</ref> En octobre [[1969]], l'[[Insee]] calcule que les actions ont rapporté 190 % en vingt ans contre 80 % pour les obligations et −66 % pour l'or.<ref>Indice Dow Jones "1900-2000, un siècle d'économie", page 305, aux Éditions ''Les Échos'', coordonné par [[Jacques Marseille]]</ref> La croissance des [[années 1950]] a aussi des répercussions en [[Afrique]]: la [[Bourse d'Égypte|bourse du Caire]], créée en [[1903]], devient l'une des plus actives du monde.<ref>"Politiques de change et globalisation: Le cas de l'Égypte" par Bassem Kamar - 2006 [http://books.google.fr/books?id=Ekd1fPWto-kC&pg=PA197&dq=boursier+%22ann%C3%A9es+1950%22&hl=fr&sa=X&ei=u8wzUabZCcy5hAfm3oBQ&ved=0CGcQ6AEwCQ#v=onepage&q=boursier%20%22ann%C3%A9es%201950%22&f=false]</ref> Elle se classe alors comme la cinquième place boursière du monde.<ref>"Géopolitique de l'Égypte", par Christophe Ayad, page 28</ref> À [[Bruxelles]], l'action de l'[[Union minière du Haut Katanga|Union minière]] monte de 90 % en [[1954]],<ref>[http://books.google.fr/books?id=2RT1kRjHq6IC&pg=PA269&dq=boursES+actions+%22ann%C3%A9es+1950%22&hl=fr&sa=X&ei=KM8zUZzHHcG3hQe9roCAAg&ved=0CEQQ6AEwAg#v=onepage&q=boursES%20actions%20%22ann%C3%A9es%201950%22&f=false "De la Mine a Mars", par Lannoo Uitgeverij]</ref> grâce à la montée en puissance de ses mines de cuivre au [[Zaïre]], qui deviendront la [[Gecamines]] après l'indépendance. Aux [[États-Unis]], le palmarès des cinq meilleures et des cinq pires années de l'histoire pour l'indice [[Dow Jones]], donne aux [[années 1950]] deux des meilleures:
{| class="wikitable"
|'''Les cinq meilleures années'''
|'''1933'''
|'''1954'''
|'''1935'''
|'''1975'''
|'''1958'''
|-
|''Hausse du Dow Jones''<ref name="davemanuel-djhist"/>
|''63,7 %''
|''43,9 %''
|''38,5 %''
|''38,3 %''
|''33,9 %''
|-
|'''Les cinq pires années'''
|'''1931'''
|'''2008'''
|'''1930'''
|'''1937'''
|'''1974'''
|-
|''Recul du Dow Jones''<ref name="davemanuel-djhist"/>
|''52,7 %''
|''33,8 %''
|''33,8 %''
|''32,8 %''
|''27,6 %''
|}
 
 
 
=== Les premières déréglementations de l'après choc pétrolier ===
{{Article connexe|Gouvernement Thatcher}}
[[Fichier:Margaret Thatcher visiting Jimmy Carter.jpg|220px|thumb|Margaret Thatcher et [[Jimmy Carter]], le {{date|17|décembre|1979}}]]
Dans les [[années 1970]] et les [[années 1980]], les gouvernements s'inquiètent des [[crises monétaires]] : ils cherchent à attirer des capitaux étrangers, puis encouragent pour cela les [[contrat à terme|contrats à terme]] sur [[Indice boursier|indices boursiers]], dès [[1982]] au [[Liffe]]<ref>[http://www.nyx.com/fr/who-we-are/history/london History of Liffe, Official website]</ref> de [[Londres]] et au KCE américain.<ref>Un contrat sur indice boursier est créé en 1982, sur le Kansas Futures Exchange en 1982 [http://www.krannert.purdue.edu/faculty/hgulen/futures.pdf]</ref> Auparavant, la finance était « enfermée à double tour»<ref>''Jusqu'à quand'', par Frédéric Lordon, page 37, éditions Raison d'agir, 2010</ref> et ne vivait « aucune crise nulle part dans le Monde, sauf au [[Brésil]] en [[1962]]».<ref name="stiglitz-384"/> Ensuite, « s'est produit un tournant » : la « thèse du marché efficace et capable de s'autocorriger » devient dominante.<ref name="stiglitz-384"/> En [[1981]], le président américain [[Ronald Reagan]] abolit les lois votées après le [[krach de 1929]]. Son souhait, favoriser l'essor de [[Wall Street]]. Cette [[déréglementation]] a été précédée par une [[mondialisation]] accrue. Dès [[1971]], la [[guerre du Viêt Nam]] fait gonfler les dépenses publiques des [[États-Unis]]. Le président [[Richard Nixon]] doit vendre de l'[[or]], puis supprimer la [[Étalon-or|convertibilité du dollar en or]]. C'est la fin des [[accords de Bretton Woods]]. Les pays producteurs de [[pétrole]] sont pénalisés car leurs recettes sont en dollars. Ils organisent une rétention du [[pétrole]], pour faire monter les cours de {{unité|1.9|dollars}} le baril à {{unité|9.76|dollars}} en [[1973]].<ref>''La Crise du capitalisme mondial'' par [[George Soros]], page 160, [[Editions Plon]]</ref>
Le [[choc pétrolier]] de [[1973]] et celui de [[1980]] génèrent les "[[eurodollars]]", des dépôts des pays arabes, effectués en dollars dans les banques anglaises. La [[Cité de Londres|City]] se transforme en un sanctuaire défiscalisé dès [[1979]], avec les réformes de [[Margaret Thatcher]]. Ces dépôts servent à octroyer des crédits, massivement, à de nouveaux pays pétroliers, dont les gisements sont devenus exploitables grâce à la hausse du [[pétrole]] : [[Mexique]], [[Venezuela]], [[Indonésie]] ou [[Nigeria]], puis à d'autres [[Pays en développement|pays en voie de développement]]. Des prêts distribués dans la précipitation, sans contrôle de leur utilisation.
[[Fichier:US Oil Production and Imports 1920 to 2005.png|left|thumb| Courbe de production et d'importation de pétrole des États-Unis de 1920 à 2005]]
Entre-temps, le second [[choc pétrolier]] a fait culminer l'[[inflation]]. Pour la stopper, [[Paul Volcker]], le président de la [[Réserve fédérale]] américaine, remonte à 15 % les [[taux directeur]]s, déclenchant une [[récession (économie)|récession]] mondiale dès [[1982]]. Les pays pétroliers voient leur débouchés s'effondrer, au moment où ils venaient d'investir. Le [[Mexique]] se déclare insolvable, puis c'est une crise générale de la [[dette]], qui amènera à parler de « décennie perdue » pour l'[[Amérique latine]]. Les [[créancier]]s refusent de prendre leurs pertes, ce qui fait traîner les choses.<ref>''La Crise du capitalisme mondial'' par [[George Soros]], page 169, [[Editions Plon]]</ref> Le PDG de [[Citigroup]] Walter Wriston déclare par exemple au ''[[New York Times]]'' qu'un emprunteur public « ne peut faire [[faillite]]».<ref>''The alchimy of finance'' par [[George Soros]], page 99, [[Editions Plon]]</ref> Pour sortir de la crise, il faut attendre la [[titrisation]], ''via'' la mise en place des [[Brady Bonds]] en [[1989]].
 
Les [[eurodollars]] servent aussi à financer les [[Déficit budgétaire et déficit public|déficits budgétaires]], creusés par les [[choc pétrolier]]s chez les pays importateurs de pétrole.<ref>''La Crise du capitalisme mondial'' par George Soros, page 159, [[Éditions Plon]]</ref> Les gouvernements européens recherchent des capitaux étrangers, car le [[Serpent monétaire européen]] connaît des secousses dès sa création le 10 avril [[1972]]. Le [[système monétaire européen]] qui lui succède en [[1979]] fait pire : [[crise monétaire|crises monétaires]] à répétition. Le [[monétarisme]] devient « la doctrine qui guide les politiques économiques».<ref>''The alchimy of finance'' par [[George Soros]], page 98, [[Editions Plon]]</ref> Il faut attirer des [[Marché des capitaux|capitaux étrangers]] par tous les moyens. Les innovations financières se multiplient: création des [[marché à terme|marchés à terme]] comme le [[Liffe]] anglais en [[1982]], puis le [[Matif]] parisien en février [[1986]]. Grâce à eux, les [[fonds spéculatifs]] peuvent plus facilement investir en [[Action (finance)|actions]] à l'étranger, ''via'' des [[contrats à terme]] sur [[indice boursier]] ou des [[options]]. La [[mondialisation]] financière s'accélère.
 
=== Les exigences de rentabilité qui pénalisent Wall Street face à Tokyo ===
En sacrifiant la croissance à la rentabilité à partir du milieu des [[années 1970]], les entreprises américaines n'obtiennent guère de récompense de la Bourse, qui préfère le dynamisme des sociétés japonaises. Jusque-là, la [[capacité d'autofinancement]] des entreprises américaines était utilisée en fonction des perspectives de rentabilité « normale ». Le cours des actions s’adaptait aux variations de cette rentabilité,<ref name="Gonenc">[http://www.melchior.fr/Le-regne-des-entrepreneurs-dur.6524.0.html « De la finance pour l’industrie à l’industrie pour la finance », par Rauf Gönenç, ''Revue d’économie financière'', 1993]</ref> elle-même liée à la réussite technologique ou commerciale des entreprises.
[[Fichier:Photos NewYork1 032.jpg|thumb|250px|Wall Street monte trois fois moins que Tokyo dans les années 1980]]
Ensuite apparaissent des imperfections découlant de ce que les économistes appellent des « contrats d'agence » entre actionnaires et directions d'entreprises.
Le taux de rentabilité des fonds propres ne cesse d'augmenter à partir du début des [[années 1980]].<ref>"L'industrie des fonds de pension: Les Investisseurs Institutionnels américains", par Stéphanie Lavigne, page 152 [http://books.google.fr/books?id=uhCjhrN3TVYC&pg=PA152&dq=%22exigences+de+rentabilit%C3%A9%22+%22ann%C3%A9es+1980%22&hl=fr&sa=X&ei=6aX9UMetHtSWhQfNsoD4Ag&ved=0CD0Q6AEwAQ#v=onepage&q=%22exigences%20de%20rentabilit%C3%A9%22%20%22ann%C3%A9es%201980%22&f=false]</ref> Les innovations financières (multiplication des rachats d'entreprises concurrentes, [[Leveraged buy-out|LBO]] et rachats d'actions) modifient les stratégies<ref name="Gonenc"/> d'entreprises, qui se fixent désormais des exigences de rentabilité ''{{lang|la|a priori}}'' : l'emploi n'est plus le moyen de gagner ou conserver des clients, mais la seule variable d'ajustement pour maintenir un taux de rentabilité élevé. Résultat, les parts de marché des industriels américains accélèrent leur baisse dans les [[années 1980]], face au [[Japon]].
Dans l'électronique, la part américaine tombe de 50 % à 40 % entre [[1985]] et [[1988]], tandis que les japonais passent de 21 % à 27 %. L'automobile japonaise passe même de 21 % à 35 % du marché américain entre [[1987]] et [[1990]].<ref>"L’Étreinte du samouraï : Le défi japonais", par Dominique Nora ([[1994]]) [http://books.google.fr/books?id=Txzuf0NLYp8C&pg=PT13]</ref> La capitalisation boursière de [[Tokyo]] dépasse celle de [[New York]], après des hausses respectives de 234 % et 72 % sur les années [[1980]].
De [[1959]] à [[1982]], les investissements atteignent 10,7 % en moyenne de la [[valeur ajoutée]] brute des entreprises françaises, puis tombent à seulement 3,1 % entre [[1983]] et [[2005]].<ref>[http://la-forge.info/2008/10/23/eclairage-2-les-consequences-de-la-financiarisation-de-leconomie-dans-les-annees-90/ « La financiarisation de l’économie », par Celia FIRMIN, économiste, 23 octobre 2008]</ref> Entre-temps s'est peu à peu s'est institué le [[théorème de Schmidt]]:<ref>"Relance: le maudit théorème de Schmidt", par Malakine, le 9 décembre 2008 [http://www.marianne.net/Relance-le-maudit-theoreme-de-Schmidt_a94202.html]</ref> {{Citation|Les profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emplois d'après-demain}}, contesté dans la pratique car une partie croissante des bénéfices n'est en fait pas réinvestie mais utilisée pour des programmes pluriannuels de rachats d'actions et des politiques consistant à "lisser les dividendes à la hausse" sur plusieurs années, même si le chiffre d'affaires ne progresse plus.
<center>
{| class="wikitable"
|Marché mondial de l'électronique
|[[1985]]
|[[1988]]
|-
|Part de marché américaine
|50 %
|40 %
|-
|Part de marché japonaise
|21 %
|27 %
|}
</center>
En France, les dividendes représentent 65 % des bénéfices en [[2012]] contre 26 % en [[1970]].<ref>"Les dividendes d'aujourd'hui empêchent la croissance de demain", dans ''[[Marianne]]'' du 26 février 2008 [http://www.marianne.net/Les-dividendes-d-aujourd-hui-empechent-la-croissance-de-demain_a84355.html]</ref> Dans les [[années 1990]], c'est au tour de la Bourse japonaise d'être distancée, l'économie tentant de se remettre d'un trop-plein de spéculation. Au final, sur plusieurs décennies, de [[1926]] aux années [[2000]], le rendement moyen des actions au [[Royaume-Uni]], en [[Allemagne]] et aux [[États-Unis]] est le même, à un point de pourcentage près.<ref>en dollars et hors-inflation</ref>
<center>
{| class="wikitable"
|Premiers [[Construction automobile aux États-Unis|constructeurs auto américains]]
|Véhicules produits en [[1980]]
|Véhicules produits en [[1990]]
|Baisse sur dix ans<ref>(en) James M. Flammang and the auto editors of Consumer Guide, Cars of the Sensational '70s: A Decade of Changing Tastes and New Directions, Lincolnwood, Publications International, Inc., 2000</ref>
|Baisse en %
|-
|[[Chevrolet]]
|2 288 745
|'''785 918'''
|1 502 827
|65,6 %
|-
|[[Ford]]
|1 162 275
|'''912 466'''
|249 809
|21,5 %
|-
|[[Oldsmobile]]
|910 306
|'''489 492'''
|420 814
|46,2 %
|-
|[[Buick]]
|854 011
|'''426 512'''
|427 499
|50,5 %
|-
|[[Pontiac (automobile)|Pontiac]]
|770 100
|'''641 820'''
|128 280
|16,6 %
|}
</center>
 
=== Années 1980 : écarts de performance et vogue des privatisations ===
La progression des [[années 1980]] fut très variable selon les pays. En France, la [[dévaluation]] de mars [[1983]]<ref>"La France doit-elle quitter l'Euro ?", par Yves Garipuy, sur ''Économie et société", le 28 juin 2011 [http://www.economieetsociete.com/La-France-doit-elle-quitter-l-Euro_a780.html]</ref> est la dernière des 17 qui ont eu lieu depuis [[1928]],<ref>"Le siècle des dévaluations", article issu de la conférence de [[Jean-Charles Asselain]], professeur à l'[[Université Bordeaux IV]], donnée au [[Ministère de l'Économie et des Finances (France)|Ministère des finances]] le 4 février [[2002]].</ref> ce qui favorise l'euphorie lors du [[contre-choc pétrolier]] de [[1985]]. Le [[Japon]] incarne lui un nouveau capitalisme, nourri par les [[Cercle de qualité|cercles de qualité]]. Les [[États-Unis]] et l'[[Angleterre]] prennent du retard en [[1982]], quand le [[Produit intérieur brut|PIB]] américain chute de 2 % et la production industrielle britannique de 10 %.<ref name="lepoint.fr">"Comment Thatcher n'a pas tué l'Angleterre", propos recueillis par MARC VIGNAUD dans le ''[[Le Point]]'' du 15 février 2012 [http://www.lepoint.fr/monde/comment-thatcher-n-a-pas-tue-l-angleterre-15-02-2012-1431680_24.php]</ref>
 
<center>
{| class="wikitable"
|Grands marchés boursiers
|Tokyo
|Amsterdam
|Francfort
|Paris
|Londres
|New York
|Zurich
|-
|Hausse de 1980 à 1990
|234 %
|152 %
|138 %
|114 %
|73 %
|72,2 %
|72 %
|}
</center>
 
La [[Grande-Bretagne]] sort d'une autre grave [[Crise économique|crise]] quand [[Margaret Thatcher]] devient premier ministre en [[1979]] : un taux d'inflation annuel de 25 % en [[1975]] et un marché obligataire boycotté, obligeant le gouvernement travailliste, qui n'a pas la majorité à la [[Chambre des communes]], à demander 3,9 milliards de dollars au [[FMI]] en [[1976]],<ref>"Thatcher la Dame de fer", par André Versaille, janvier 2012,</ref> avant d'être rattrapé en octobre [[1978]] par des grèves générales qui durent jusqu'en janvier-février. C'est pour affaiblir les syndicats, comme le souhaite désormais une majorité de l'opinion,<ref name="lepoint.fr"/> que les privatisations associent des millions de citoyens.<ref name="Agn9gZ2VvIC page 147">[http://books.google.fr/books?id=cAgn9gZ2VvIC&dq=privatisations+thatcher+++%22british+telecom%22&source=gbs_navlinks_s ''Le Phénomène Thatcher'', par Jacques Leruez, page 147]</ref>
[[Fichier:Oil platform in the North Sea.jpg|left|thumb|Lancée en 1979, la production en Mer du Nord double entre mai 1981 et octobre 1982, assurant la réussite de la première des grandes [[privatisation|privatisations anglaises]], celle de British Petroleum (BP)]]
Dès [[1979]], le grand public se rue sur les actions de [[British Petroleum]], qui vient de découvrir ses premiers grands gisements en [[Mer du Nord]], où la production britannique passe de 0,8 à 1,4 millions de [[Unité de l'industrie du pétrole et du gaz|barils/jour]] entre mai [[1981]] et octobre [[1982]].<ref>"La Grande-Bretagne et les hydrocarbures de la mer du Nord", par Claude Moindrot Annales de Géographie (1982), page 129 [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geo_0003-4010_1982_num_91_503_20092]</ref>
[[British Aerospace]] et [[Cable & Wireless]] suivent en [[1981]], le pharmacien Amersham et Britoil en [[1982]], les sociétés portuaires et les chantiers navals en [[1983]], puis [[Jaguar]], [[Rolls-Royce Limited|Rolls Royce]], [[British Steel]]<ref name="Agn9gZ2VvIC page 147"/> et [[British Telecom]] en [[1984]], dont le quart des 2,2 millions d'actionnaires a déjà revendu ses parts six mois après les avoir achetées, selon une étude d'[[Ernst & Young]].<ref>"THE UK’S PRIVATISATION EXPERIMENT: THE PASSAGE OF TIME PERMITS A SOBER ASSESSMENT", par DAVID PARKER [http://www.cesifo-group.de/portal/pls/portal/docs/1/1189348.PDF]</ref>
 
La première vague de [[privatisation]] rapporte 2 milliards de livres, la deuxième cinq fois plus.<ref>[http://books.google.fr/books?id=cAgn9gZ2VvIC&pg=PA147&lpg=PA147&dq=principales++privatisations+thatcher+british+gas&source=bl&ots=6PpC0o7HYB&sig=Uqn8lCidrG3J9TL3nzNLk1a2fYY&hl=fr&sa=X&ei=KIe3UJb5HMiV0QXqu4CgDQ&ved=0CFMQ6AEwBQ#v=onepage&q=principales%20%20privatisations%20thatcher%20british%20gas&f=false "Le Phénomène Thatcher", par Jacques Leruez, page 148]</ref> Les actionnaires sont 4,5 millions pour [[British Gas]] en [[1986]].<ref>''The Thatcher revolution: Margaret Thatcher, John Major, Tony Blair, and the transformation of modern Britain, 1979-2001'', par Earl Aaron Reitan, page 58, Éditions Rowman & Littlefield, 2003 [http://books.google.fr/books?id=7qaMqwGRE00C&pg=PA58&lpg=PA58&dq=privatisations+thatcher+++%22british+telecom%22&source=bl&ots=hVYJdfUVci&sig=M8DVZz-o009YMMrURipgxIyZ_ug&hl=fr&ei=8UJiTpvXKdCSOs3svIsK&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=8&ved=0CFQQ6AEwBw#v=onepage&q&f=false]</ref> Troisième vague, la dizaine de sociétés régionales de distribution d'eau, en [[1989]]. L'organisme "Public Services International" calculera<ref>Étude publiée dans sa revue ''Privatization News'' de janvier 1999</ref> que le prix de l'eau a augmenté de 106 % entre [[1989]] et [[1995]], les bénéfices des opérateurs étant parallèlement septuplés,<ref>"L'eau, patrimoine mondial commun: Co-expertise scientifique, participative et gouvernance" page 70, par Jean-Pierre Ezin et Georges Thill (2002) Presses Universitaires de Namur [http://books.google.fr/books?id=8NFYYoE70yYC&pg=PA70&dq=%22privatisations+Thatcher+ont+rapport%C3%A9%22&hl=fr&sa=X&ei=z423ULq_JKqR0AWTy4A4&redir_esc=y#v=onepage&q=%22privatisations%20Thatcher%20ont%20rapport%C3%A9%22&f=false]</ref> ce qui contribue à l'impopularité de [[John Major]], tout comme les impairs de la [[privatisation de British Rail]] en [[1993]]: matériel roulant non remplacé et trains en retards.
 
De nombreux pays ont suivi : le [[Mexique]] privatise son cuivre en [[1988]], [[Telmex]] en [[1990]], puis les banques [[BBVA Bancomer]] et [[Banco Nacional de México]] en [[1991]], respectivement rachetées par des banques espagnoles et américaines. L'[[Argentine]] privatise Entel en [[1990]], "Gas del Estado" en [[1992]] et [[Repsol YPF]] en [[1993]], l'ensemble de l'énergie, des télécoms et de l'eau passant sous contrôle étranger. En [[1992]], des privatisations ont lieu dans 50 pays, rapportant 69 milliards de dollars, soit un total de 328 milliards de dollars depuis [[1985]].<ref>"Panorama des privatisations dans le monde", tiré de "Selling the State", dans ''[[The Economist]]'' du 21 août [[1993]] [http://www.melchior.fr/Panorama-des-privatisations-da.3392.0.html]</ref> En France, [[Édouard Balladur]], ministre des finances de [[Jacques Chirac]] lance 9 privatisations en 2 ans:
* [[Saint-Gobain]], [[1986]] 8,4 milliards de FF
* [[Paribas]], {{date|23|janvier|1987}}, 12,8 milliards de FF
* [[TF1]], {{date|16|avril|1987}}, 4,4 milliards de FF
* [[HSBC|Crédit commercial de France]], {{date|7|mai|1987}}, 2,2 milliards de FF
* [[Compagnie générale d'électricité]] {{date|23|mai|1987}}, 5,4 milliards de FF
* [[Société générale]], {{date|27|juin|1987}}, 17,2 milliards de FF
* [[Havas]], [[1987]], 2,8 milliards de FF
* [[Matra (aéronautique)|Matra]], [[1988]], 1 milliard de FF
* [[Suez (groupe)|Suez]], le 17 octobre, 14,9 milliards de FF
 
La [[France]] se découvre ainsi 8,5 millions de porteurs de valeurs mobilières en [[1987]], quatre fois plus qu'en [[1980]], dont 6,2 millions d'actionnaires.<ref>''Le Grand Méchant Marché : décryptage d'un fantasme français'', par [[David Thesmar]], et Augustin Landier, [[Flammarion]], 2008, page 143</ref> Les Français détiennent 534 milliards de francs d'actions en [[1988]] contre 78 milliards en [[1982]]. L'[[Histoire de la presse économique et financière en France|expansion de la presse économique]] qui en résulte suscite des convoitises. En mars [[1987]], [[L'Expansion|Groupe Expansion]] acquiert ''[[La Tribune (France)|La Tribune]]''. En janvier [[1988]], [[Jacqueline Beytout]] revend ''[[Les Échos]]'' à [[Pearson (maison d'édition)|Pearson]], [[Propriété|propriétaire]] du ''[[Financial Times]]'' et en janvier [[1989]] ''[[La Cote Desfossés]]'' est achetée par [[Georges Ghosn]], qui en fait un moteur de l'[[La Tribune (France)|histoire de ''La Tribune'']].
 
=== Le krach d'octobre 1987 et la folie des junk bonds ===
<div style="float:right;">{{notation financière}}</div>
En [[1985]], l'[[Arabie saoudite]] ouvre les vannes du pétrole pour inonder le marché mondial. Un contre-choc succède aux [[choc pétrolier|chocs pétroliers]] de [[1973]] et [[1980]]. Le [[pétrole brut]] s'effondre, l'essence aussi. L'[[inflation]] diminue, permettant une progression du cours des [[obligation (finance)|obligations]] américaines et de [[Wall Street]]. Le [[dollar]] vaut dix francs dès [[1985]], mais la forte [[volatilité (finance)|volatilité]] sur le [[marché des changes]], à peine tempérée par les [[accords du Plaza]] puis les [[accords du Louvre]], provoque l'effet inverse à l'automne [[1987]] : chute du dollar et des [[obligation (finance)|obligations]]. Les [[rendements obligataires]] américains passent à 9,50 %<ref>Pour l'échéance à 10 ans. Quand le cours d'une obligation, son taux d'intérêt, qui est fixe chaque année, représente un rendement plus élevé car il est calculé par rapport à un cours plus bas.</ref> fin septembre contre 7 % en janvier. Ce retournement est d'abord ignoré par [[Wall Street]], qui ensuite se réveille en sursaut: c'est le [[krach d'octobre 1987]]. La chute du [[Dow Jones]] le {{date|19|octobre|1987}} (-22,6 %) est la seconde plus importante de l'histoire. Pour remédier aux programmes informatiques vendant automatiquement des actions, des "[[coupe-circuits]]" sont créés.
[[Fichier:Greenspan.jpg|left|thumb|[[Alan Greenspan]]]]
[[Alan Greenspan]], nouveau président de la [[Réserve fédérale américaine|Réserve fédérale]], joue le pompier. [[Wall Street]] remonte en [[1988]], année marquée par une folle spéculation sur les [[Fusion-acquisition|OPA]], financées à crédit par des [[junk bond]]. Le [[fonds d'investissement]] Kohlberg Kravis Roberts & Co ([[KKR]]) utilise le [[leveraged buyout|LBO]] pour acheter le géant [[agro-alimentaire]] [[RJR Nabisco]]: 30 milliards de dollars, le plus important rachat avec effet de levier jamais réalisé. Mais dès [[1989]], ce marché paie ses excès : en octobre, le taux d'intérêt moyen des [[junk bond]]<ref>Mode de calcul : index [[Merrill Lynch]] des ''junk bonds'' moins le taux actuariel du ''Constant maturity Treasury'' sept ans. Source : {{en}} [http://www.frbsf.org/publications/economics/letter/2001/el2001-33.html « Rising Junk Bond Yields: Liquidity or Credit Concerns? »], ''FRBSF Economic Letter'' 2001-33, 16 novembre 2001.</ref> est à {{formatnum:1000}} [[point de base|points de base]] (1 point de base = 0,01 %) au-dessus de celui des [[emprunt d'État|emprunts d'État]] américains contre 450 points de base 8 mois plus tôt.
En août [[1990]], la [[Guerre du Golfe (1990-1991)|guerre du Golfe]] fait flamber le pétrole et chuter encore plus les [[junk bond]]s, aggravant la [[crise des Saving and loans]], les caisses d'épargne qui en avaient acheté sans bien comprendre leur principe [[spéculation|spéculatif]]. Le « roi des [[junk bond]]s », [[Michael Milken]], de la banque américaine [[Drexel Burnham Lambert]], est condamné à dix ans de prison. Il avait inspiré le personnage de ''Gordon Gekko'', joué par [[Michael Douglas]], dans [[Wall Street (film)|Wall Street]], réalisé par [[Oliver Stone]] en [[1987]]. Son associé [[Gary Winnick]] deviendra célèbre lors du [[krach boursier de 2001-2002]], à l'issue duquel il doit quitter l'opérateur télécoms qu'il a fondé, [[Global Crossing]], basé aux [[Bermudes]] et en [[faillite]].
 
=== Nasdaq, SEAQ, Easdaq, les premières bourses délocalisées ===
[[Fichier:NASDAQ.JPG|thumb|Façade du NASDAQ, sur [[Times Square]] de nuit ([[New York]]).]]
Dans les années [[1960]], une nouvelle [[technologie]] a permis de prendre facilement connaissance d’un très grand nombre de cours boursiers à distance, en connectant un [[téléphone]] et un lecteur de [[bande magnétique]]. Le produit [[Telequote]], de la société [[Bunker Ramo]], perfectionne le [[Teleregister]] des [[années 1930]]. Les entreprises [[Scantlin Electronics]] et [[Ultronics Systems]] lancent des versions encore améliorées: le [[Quotron]] et le [[Stockmaster]]. La seconde s'allie à l'[[agence de presse]] [[Reuters]], pour diffuser un panier de services: cours en temps réels, dépêches d’[[information]], puis [[bases de données]]. [[Reuters]], surtout présent en [[Europe]] et en [[Asie]], s'en sert pour percer aussi aux [[États-Unis]], lors d'une étape-clé de son [[Histoire de l'Agence Reuters|histoire]]. Emerge ainsi une large communauté mondiale d'investisseurs, reliés par l'[[électronique]], ce qui favorise la création en [[1971]] par l’association des courtiers américains d'une [[Bourse des valeurs|bourse]] à distance, le [[Nasdaq]]. Elle vise les jeunes sociétés misant sur des innovations technologiques pointues.
 
Le succès du [[Nasdaq]] incite la [[Bourse de Londres]] à créer à son tour un système [[électronique]]. Il est lui réservé aux grandes sociétés déjà cotées dans d'autres pays d'[[Europe]]. Baptisé [[SEAQ]] international, il sert surtout aux grands investisseurs à échanger des "blocs d’actions" dans la discrétion. Les autres bourses sont concurrencées, en particulier [[Paris]], où existe depuis [[1893]] un [[Impôt sur les opérations de bourse|impôt de Bourse]]. Il est supprimé en [[1994]] et des [[marché de bloc|marchés de bloc]] sont créés partout en Europe. Le [[SEAQ]] perd alors de l’importance.
 
Le [[Nasdaq]] américain intéresse aussi les spécialistes européens du [[capital-risque]], pour d’autres raisons. Ils créent en [[1997]] l'[[EASDAQ]], une bourse paneuropéenne [[électronique]] réservée aux jeunes sociétés en forte croissance. Plus ces entreprises obtiennent de belles valorisations en [[Bourse des valeurs|Bourse]], auprès d’investisseurs les comprenant et les recherchant, plus il est facile de les financer en amont par le [[capital risque]]. Le 27 mars [[2001]], le [[Nasdaq]] a racheté 58 % de l'[[EASDAQ]], qui était surtout soutenu par des courtiers de la place de [[Bruxelles]].<ref>[http://www.lalibre.be/economie/libre-entreprise/article/7835/l-easdaq-un-reve-brise.html « L'Easdaq, un rêve brisé », par Ariane van CALOEN, Patrice de LAMINNE, et Patrick VAN CAMPENHOUT, dans ''[[La Libre Belgique]]'' du 26 mars 2001]</ref>
 
=== Les Bourses asiatiques portées par deux systèmes monétaires successifs ===
[[Fichier:Hong Kong Exchange Trade Lobby 2007.jpg|La salle des traders en 2007 à Hong Kong|vignette]]
Les bourses asiatiques bénéficient dans les [[années 1990]] d'un afflux massif de capitaux étrangers qui sont protégés par un système de changes semi-fixe puis se retirent, déstabilisant la monnaie puis l'économie des pays d'Asie, et amenant la [[crise économique asiatique]] et la fin du [[Régime de change#Régime de change fixe|système de change fixe]]. Dès la fin des [[années 1980]], les banques européennes avaient multiplié les [[sicav]] et [[Fonds commun de placement|FCP]] investis en [[Action (finance)|actions]] japonaises, pour profiter de la [[Bulle spéculative japonaise|bulle financière japonaise]], puis pour investir dans le reste de l'[[Asie]]. La [[Bourse de Shangai]] voit son indice multiplié par douze au premier semestre [[1992]]. À l'automne [[1993]], Barton Biggs, président de [[Morgan Stanley]] Investment Management fait un voyage d'une semaine en [[Chine]], avec une centaine de gérants de [[fonds d'investissement]] américains. Au retour, son rapport très optimiste, titré ''China !'', incite à investir sur la plupart des [[bourses]] asiatiques
.<ref>"The Writing on the Wall: Why We Must Embrace China as a Partner Or Face It as an Enemy", page 108, par Will Hutton, éditions Simon and Schuster, [[2006]] [http://books.google.fr/books?id=_qzGqqGsZkkC&pg=PA108&dq=%22Barton+Biggs%22+China+!&hl=fr&sa=X&ei=5ksyUayYIdSyhAf0p4CgBA&ved=0CDUQ6AEwAQ#v=onepage&q=%22Barton%20Biggs%22%20China%20!&f=false]</ref> Celle de [[Hong Kong]] double en quelques mois. La [[spéculation]] s'accentue en [[1996]] sur les places de [[Bourse de Singapour|Singapour]], [[Bourse de Djakarta|Djakarta]], [[Bourse de Bangkok|Bangkok]], [[Bourse de Manille|Manille]], [[Bourse de Hong Kong|Hong Kong]], [[Bourse de Séoul|Séoul]] ou encore [[Bourse de Taïwan|Taïwan]], souvent assez étroites. La [[Bourse de Bangkok]] est la première à craquer début [[1997]], quand le [[baht]] est dévalué. La dévaluation de la [[Roupie indonésienne|roupie]] [[indonésie]]nne, du [[ringgit]] [[Malaisie|malais]] et du [[peso philippin]] puis des monnaies de [[Corée du Sud]], [[Taïwan]], [[Singapour]] et [[Hong Kong]] met fin au [[Régime de change#Régime de change fixe|système de change fixe]] ou quasi-fixe qui régnait depuis des décennies dans ces pays. Ils entrent en crise en [[1998]] puis profitent les années suivantes d'un regain d'exportations permis par une monnaie sous-évaluée.
 
=== Les deux bulles financières géantes : Nikkeï en 1990, Nasdaq en 2000 ===
[[Fichier:Osaka-WTC-02.jpg|vignette|Le [[World Trade Center]] d'[[Osaka]], symbole des [[keiretsu]]]]
[[Fichier:Nikkei 225(1970-).svg|left|thumb|upright=1.3|L'indice Nikkei 225 a été divisé par 3,5 en 23 ans.]]
[[Fichier:Sum japan.svg|left|thumb|300px|Indice historique des prix du foncier du Japon (1965-2008).]]
[[Tokyo]] est devenue la première [[capitalisation]] au monde,<ref>avec {{formatnum:590000}} milliards de yen, devant Wall Street</ref> à la fin d'[[années 1980]] marquées par une hausse moyenne de 10 % par an des crédits, pour la plupart dans l’[[immobilier]]. Le prix des terrains est multiplié par 3 à 4 à [[Tokyo]].<ref name="trinh-52"/> Les actions des grandes banques japonaises, très investies dans l'[[immobilier]], montent parallèlement.
Entre [[1986]] et [[1990]], l’indice [[Nikkei 225]] triple, atteignant {{formatnum:38151}} points le 29 décembre [[1989]]. Les investisseurs étrangers, acquis au [[miracle économique japonais]] font monter aussi le [[yen]]. Des dizaines de [[Sicav]] en actions japonaises sont créées en [[France]]. Plusieurs [[Hedge funds|fonds d'investissements spéculatifs]], dont celui de l'américain [[Georges Soros]],<ref>"Le défi de l'argent", par [[George Soros]], page 89, éditions Plon</ref> pensent que le [[krach d'octobre 1987]] aura lieu au [[Japon]]. Mais c'est seulement qu'après [[1990]] que les prix de l’[[immobilier]] chutent, pendant 15 ans, inspirant le film japonais de science fiction ''Bubble Fiction: Boom or Bust''. Le dégonflement de la [[Bulle spéculative japonaise]] est considéré comme la crise financière « la plus profonde du monde contemporain » et celle qui a eu « l’effet récessif le plus marqué»:<ref>selon l’économiste de [[BNP Paribas]] Jean-Pierre Petit</ref> le Japon cumule ensuite [[Récession (économie)|récession]] et [[dette publique]] record. En 22 ans, l’indice [[Nikkei 225]] perd les trois quarts de sa valeur.
 
L’autre grande bulle boursière alimente les sociétés technologiques de la [[Silicon Valley]] américaine des [[années 1990]]. Elles profitent de la démocratisation des serveurs [[Internet]], permise par les nouvelles puces d'[[Intel]], dans les petites entreprises. L'un des promoteurs de la gamme [[Pentium Pro]], le constructeur informatique [[Dell]], passe du {{7e}} au {{1er}} rang mondial entre [[1996]] et [[2000]], grâce au marché des petits serveurs. Il multiplie son cours de bourse par 400. L'éditeur de logiciels de navigation [[Internet]] [[Netscape]], [[introduction en Bourse|entré en Bourse]] le 9 août [[1996]], dépasse rapidement la [[capitalisation]] de [[Delta Airlines]].
[[Fichier:Intelheadquarters.jpg|thumb|Le siège d'Intel à [[Santa Clara (Californie)|Santa Clara]], dans la [[Silicon Valley]].]]
Le mouvement démarre dès [[1993]], quand « les commandes au secteur high-tech commencèrent à affluer»,<ref>''Le Temps des turbulences'', par [[Alan Greenspan]], chez [[Jean-Claude Lattès]] ([[2006]]), page 227</ref> profitant à l'ensemble de l'économie. Le [[Dow Jones]] atteint {{formatnum:6000}} points dès le 14 octobre [[1996]]. C'est de l'« exubérance irrationnelle », commente [[Alan Greenspan]], le président de la [[Réserve fédérale américaine|Réserve fédérale]], une formule qu'il affirme avoir élaborée… dans son bain et qui échoue à calmer la spéculation.<ref>''Le Temps des turbulences'', par [[Alan Greenspan]], chez [[Jean-Claude Lattès]] ([[2006]]), page 230</ref> D'autant que l'économie américaine créé 22 millions d'emplois en huit ans,<ref>"CNN Fact Check: Clinton arithmetic holds up on jobs", par l'équipe éditoriale [[Cable News Network|CNN]], le 7 septembre, [[2012]] [http://edition.cnn.com/2012/09/07/politics/fact-check-clinton-jobs/index.html]</ref> de [[1992]] à [[2000]], record jamais égalé, offrant aux entreprises le sentiment que leurs produits bénéficieront d'une demande solvable sur le long terme.
L'indice [[Nasdaq]], regroupant plusieurs milliers de sociétés moyennes, est multiplié par cinq entre [[1998]] et [[2000]]. Il touche un pic de {{unité|5048.62|points}} le 10 mars [[2000]]. L’indice [[NASDAQ-100]], regroupant la plupart des 100 ténors de l’[[informatique]] et des télécoms, parmi lesquels [[Intel]], [[Microsoft]], [[Oracle Corporation|Oracle]] et beaucoup d'autres nouveaux fabricants de logiciels et matériels toujours plus pointus pour les [[startup]], a lui progressé de 85 % en [[1999]]. Cet envol se fait malgré une offre importante de nouvelles actions : {{formatnum:1649}} [[introduction en Bourse|introductions en Bourse]] entre [[1997]] et [[2000]], principalement dans l’informatique, les télécoms et la [[biotechnologie]], représentant 320 milliards de dollars.<ref>''Les Introductions en Bourse, la structure de propriété et la création de valeur'', par Taek Miloud, page 235, Presses universitaires de Louvain</ref> Résultat, une [[concurrence]] de plus en plus vive, en particulier dans les télécoms, où les nouveaux matériels sont parfois cent fois plus puissants et deux fois moins cher. Les réseaux télécoms se multiplient, et leurs prix de vente chutent… avec des dizaines de faillites prévisibles pour ceux qui comme [[Worldcom]] ou [[Enron]] sont financés essentiellement par de la dette, dans un schéma qui rappelle le [[krach de 1847]] ponctuant la [[Railway mania]] des [[années 1840]]. Le [[krach boursier de 2001-2002]] inverse la vapeur : le [[Nasdaq]] baissera de 40 % en douze ans, pour s’installer sous les {{formatnum:3000}} points.
 
=== 1997 : la miraculeuse « paix boursière » entre Apple et Microsoft ===
À l'été [[1997]], [[Apple]] n'est plus très loin de la [[faillite]], après six trimestres consécutifs de pertes, pour un total de 1,5 milliard de dollars,<ref name="History and milestones in the life of Steve Jobs - Business - CBC News">[http://www.cbc.ca/fp/story/2011/10/06/5513835.html Chronologie de l'histoire d'Apple sur le site ce CBC le 6 octobre 2011]</ref> malgré un plan social de {{formatnum:3500}} suppressions de postes en [[1996]].<ref>[http://www.zdnet.fr/actualites/il-y-a-12-ans-microsoft-et-apple-s-alliaient-39704077.htm "Il y a 12 ans : Microsoft et Apple s’alliaient" par Christophe Auffray, ZDNet France, 6 août 2009]</ref> Pour éviter une restructuration supplémentaire, trop pénalisante pour ses clients, le constructeur [[informatique]] obtient 150 millions de dollars de son vieux rival [[Microsoft]], sous la forme d'une [[augmentation de capital]], par la création d'[[actions sans droit de vote]]. En échange, [[Apple]] accepte de mettre fin aux poursuites judiciaires contre [[Microsoft]], qu'il accusait de l'avoir copié.
 
[[Microsoft]] s'engage à garder ses actions [[Apple]] pendant trois ans et à garantir que sa suite bureautique "[[Office]]" sera adapté aux produits [[Apple]] pendant les cinq prochaines années. Cette "paix des braves" inclut aussi le renoncement d'[[Apple]] au navigateur de [[Netscape]] et ainsi à l'alliance avec [[Sun Microsystems]],<ref>[http://news.cnet.com/2100-1001-202143.html "Microsoft to invest $150 million in Apple"], par Dawn Kawamoto, Ben Heskett et Mike Ricciuti, dans CNET News du 6 août [[1997]]</ref> [[AOL]] et [[Netscape]], qui en [[1997]] promettaient de remplacer les PC par des « terminaux bêtes », dont tous les logiciels seraient sur des serveurs sur le réseau [[internet]]. La voie est libre pour que [[Microsoft]] devienne peu de temps après la première [[capitalisation boursière]] au monde, un honneur qu'[[Apple]] décroche à son tour quatorze ans plus tard. Le 9 août [[2011 en informatique|2011]], quelques mois après le lancement réussi de l'iPad 2, la [[capitalisation boursière]] du constructeur à la pomme atteint 341,5 milliards de dollars,<ref name="History and milestones in the life of Steve Jobs - Business - CBC News"/> dépassant celle du géant pétrolier [[Exxon]], pourtant porté par les niveaux élevé des cours du [[pétrole]]. Grâce au succès croissant de l'iPad, ce chiffre va quasiment doubler en un an: le 20 août [[2012 en informatique|2012]], [[Apple]] bat le record de la plus grande [[capitalisation boursière]] de l'histoire boursière, avec 622,10 milliards de dollars, dépassant le précédent sommet, touché par [[Microsoft]], à 620,58 milliards de dollars le 30 décembre [[1999 en informatique|1999]].<ref>"Apple, première capitalisation boursière de toute l'Histoire", par Solveig Godeluck, dans ''[[Les Échos]]'' du 21 août 2012</ref>
 
== {{s-|XXI|e}} ==
=== Une corrélation accrue entre les grandes bourses depuis 1996 ===
Au fil des siècles les performances des grands marchés boursiers n'ont pas toujours été dépendantes les unes des autres, même si depuis une quinzaine d'années, elles ont eu tendance à évoluer de pair.
<center>
{| class="wikitable"
|'''1996'''
|'''1997'''
|'''1998'''
|'''1999'''
|'''2000'''
|'''2001'''
|'''2002'''
|'''2003'''
|'''2004'''
|'''2005'''
|'''2006'''
|'''2007'''
|'''2008'''
|'''2009'''
|'''2010'''
|-
|'''Cac'''
|'''+29,3 %'''
|'''+37,3 %'''
|'''+51,1 %'''
|'''-0,5 %'''
|'''-22 %'''
|'''-33,8 %'''
|'''+16,1 %'''
|'''+7,4 %'''
|'''+23,4 %'''
|'''+17,5 %'''
|'''+1,3 %'''
|'''-42,7 %'''
|'''+22,3 %'''
|'''-3,3 %'''
|-
|''Dow''
|''+21,6 %''
|''+16,1 %''
|''+25,2 %''
|''-6,17 %''
|''-7,1 %''
|''-16,7 %''
|''+23,5 %''
|''+3,1 %''
|''-0,6 %''
|''+16,3 %''
|''+6,4 %''
|''-33,8 %''
|''+18,8 %''
|''+11 %''
|-
|'''Nasdaq'''
|'''+21,6 %'''
|'''+39,6 %'''
|'''+85,6 %'''
|'''-39,3 %'''
|'''-21 %'''
|'''-31,5 %'''
|'''+50 %'''
|'''+8,6 %'''
|'''+1,4 %'''
|'''+9,6 %'''
|'''+9,8 %'''
|'''-40,5 %'''
|'''+43,9 %'''
|'''+16,9 %'''
|-
|''SP500''
|''+31 %''
|''+26,7 %''
|''+19,5 %''
|''-10,1 %''
|''-13 %''
|''-23,4 %''
|''+26,4 %''
|''+9 %''
|''+3 %''
|''+13,6 %''
|''+3,5 %''
|''-38,5 %''
|''+23,4 %''
|''+12,8 %''
|}
</center>
 
=== Krach de 2001 et 2002 : premières sanctions contre les analystes financiers ===
Le [[krach boursier de 2001-2002]] sanctionne la fin de la [[bulle Internet]]. Le [[CAC 40]] perd la moitié de sa valeur en deux ans : -21,9 % en [[2001]] et -33,75 % en [[2002]]. D'un record historique à {{unité|6944.77|points}} le 4 septembre [[2000]], il s'effondre à 2 401,15 points le 12 mars [[2003]]. Les trois sociétés les plus endettées, [[France Télécom]], [[Vivendi]] et [[Alcatel]] perdent chacune plus de 90 % sur l'année [[2002]]. Leurs PDG se plaignent des [[agences de notation]]. Aux [[États-Unis]], le 2 décembre [[2001]], le groupe de négoce et d'énergie américain [[Enron]] est mis en faillite.<ref>{{Ouvrage |prénom1=Anne-Sylvaine |nom1=Chassany |prénom2=Jean-Philippe |nom2=Lacour |titre=Enron, la faillite qui ébranla l'Amérique |éditeur=Nicolas Philippe |lien éditeur= |jour=09 |mois=octobre| année=2003|lieu=Paris |réimpression= |pages totales=279 |isbn=2-7488-0057-5 |oclc= |commentaire=}}</ref>
[[Fichier:Grand cayman.jpg|left|thumb|Enron basait ses filiale aux îles Cayman]]
Son PDG [[Kenneth Lay]] avait créé plus de {{unité|3000|[[société offshore|sociétés offshores]]}} dans les [[îles Caïmans]], les [[Bermudes]] ou les [[Bahamas]], afin de dissimuler des risques importants de la société mère. L'opérateur télécoms américain [[WorldCom]] fait aussi faillite en [[2002]], en laissant 41 milliards de dollars de dette.
Son PDG [[Bernard Ebbers]], responsable de la plus importante fraude comptable de l'histoire américaine, sera condamné le 13 juillet 2005 à 25 ans de prison. L'action [[WorldCom]] avait été recommandée avec insistance par [[Jack Grubman]], analyste de la banque [[Salomon Brothers]], qui sera banni de la profession.<ref>[http://dealbook.nytimes.com/2010/03/16/ex-analyst-grubman-is-said-to-sell-his-townhouse/?ref=jackgrubman "Ex-Analyst Grubman Is Said to Sell His Townhouse", dans le ''New York Observer'' du 16 mars 2010]</ref> Pour éviter des poursuites judiciaires, dix grandes banques d'affaires de [[Wall Street]] acceptent de signer<ref>[http://www.pbs.org/wgbh/pages/frontline/shows/wallstreet/wcom/cron.html "The WorldCom Wall Street connexion"]</ref> [[L'accord amiable du 28 avril 2003 à Wall Street|l'accord amiable d'avril 2003]], avec la [[Securities and Exchange Commission|SEC]] et,<ref>[http://www.pbs.org/wgbh/pages/frontline/shows/wallstreet/fixing/settlement.html L'accord du 28 avril 2003 entre la Justice, dix grandes banques, la [[Securities and Exchange Commission|SEC]] et la Nasd]</ref> l'[[National Association of Securities Dealers|association des courtiers américains]]. Il prévoit des dédommagements de 1,4 milliard de dollars pour les victimes des recommandations d'analystes biaisées par des [[conflits d'intérêt]], qui seront bannis de la profession pour dix ans. Parmi eux, [[Henry Blodget]] couvrait les sociétés du secteur de l'Internet pour le courtier [[Merrill Lynch]] et publiait des recommandations en contradiction avec les mails envoyés à ses amis. L'accord amiable signé sous l'égide de la justice prévoit aussi qu'une partie de la somme doit être consacrée à de l'analyse financière indépendante, produite par des cabinets d'étude se consacrant exclusivement à cette activité.
 
En France, les analystes se voient reprocher leur soutien excessif à [[Jean-Marie Messier]], PDG de [[Vivendi]],<ref>''Analyste : au cœur de la folie financière'', par [[Édouard Tétreau]], [[2005]]</ref> ou d'avoir publié des objectifs de cours de {{unité|220|euros}}<ref>''Le Marché aux voleurs'', par [[Jean Montaldo]], chez [[Albin Michel]], [[2003]]</ref> pour [[France Télécom]], dont l'action tombe début [[2003]] à seulement {{unité|6|euros}}, obligeant l’État français à donner 9 milliards d'euros pour faciliter une [[augmentation de capital]] de 15 milliards d'euros. La prise de conscience des conflits d'intérêt chez les analystes financiers déclenche celle sur l'[[indépendance des économistes financiers]], cette fois en [[macroéconomie]] et sur l'[[indépendance des rédactions]], après les problèmes du quotidien ''[[La Tribune (France)|La Tribune]]''.
 
=== Les géants de la bourse renoncent aux stock-options ===
L'impact sur les cours de bourse de la distribution de [[stock-options]] aux dirigeants de sociétés déclenche une polémique après les [[Andersen (entreprise)#Affaire Enron|scandales Enron]] et [[Worldcom]]. Leurs détracteurs estiment qu'elles provoquent un gonflement artificiel des cours, à très court terme, suivi ensuite par une affaiblissement lorsque les promesses de forte rentabilité deviennent intenables. Selon une étude du cabinet William M. Mercer, elles représentaient la moitié des rémunérations des patrons américains en [[2000]]<ref>"Stock Option Madness" par ROBERT J. SAMUELSON, dans le ''[[Washington Post]]'' du 30 janvier [[2002]] [http://www.law.harvard.edu/faculty/bebchuk/pdfs/Samuelson_WashPost.pdf]</ref> et des plus-values de 2,5 milliards de dollars pour la seule action [[Enron]]. Son patron [[Kenneth Lay]] engrange à lui seul 123 millions de dollars, selon la [[Securities and Exchange Commission]], en [[2001]], l'année d'une pénurie d'énergie en [[Californie]]<ref>"Energy Execs Gain Millions in Stock Sales Some say they have profited from the state's crisis. Others say the practice is standard" par Jerry Hirsch dans le ''[[Los Angeles Times]]'' du 13 juin [[2001]] [http://www.commondreams.org/headlines01/0613-01.htm]</ref> orchestrée par un cartel de sociétés. Dès l'année [[2000]], l'espagnol Juan Villalonga se voit bouter hors de la présidence de [[Telefonica]] par ses grands actionnaires, [[BBVA]], [[La Caixa]], des fonds d'investissement américains et son ancien ami d'enfance, [[José Maria Aznar]], qui lui ont demandé de renoncer à son plan de [[stock-options]].<ref>"Le PDG de Telefonica, Juan Villalonga, poussé à la démission", dans ''[[Les Échos]]'' du 27 juillet [[2000]] [http://www.lesechos.fr/27/07/2000/LesEchos/18202-76-ECH_le-pdg-de-telefonica--juan-villalonga--pousse-a-la-demission.htm]</ref>
[[Fichier:Bill Gates 2004 crop.jpg|thumb|upright|Bill Gates annonce la fin des stock-options en 2003]]
Le premier à s'adapter, en septembre [[2003]], en pleine crise boursière, est [[Microsoft]],<ref>TECHNOLOGY"Microsoft Will Award Stock, Not Options, to Employees", par JOHN MARKOFF et DAVID LEONHARDT, dans le ''[[New York Times]]'' du 9 juillet [[2003]] [http://www.nytimes.com/2003/07/09/business/technology-microsoft-will-award-stock-not-options-to-employees.html?pagewanted=all&src=pm]</ref> première [[capitalisation boursière|capitalisation]] mondiale, qui abandonne aussi les stock-options. Les deux cofondateurs, [[Steve Ballmer]] et [[Bill Gates]] n'en détenaient pas. En [[Allemagne]], [[Deutsche Telekom]] et [[DaimlerChrysler]] annoncent successivement en mars et avril [[2004]] leur abandon des [[stock-options]]. [[Jürgen Schrempp]], le patron de [[DaimlerChrysler]], estime que la suppression de ce système pour ses 6000 principaux cadres<ref>[http://www.nytimes.com/2004/04/05/business/daimlerchrysler-to-end-options-rewards.html ''DaimlerChrysler to End Options Rewards'']</ref> favorisera un développement plus durable de l'entreprise. Puis c'est [[Shell (entreprise)|Shell]], première entreprise britannique, qui décide en mars [[2005]] que le salaire des dirigeants dépendra désormais de la performance par rapport aux concurrents et plus des [[stock-options]].<ref>« Royal Dutch/Shell abandonne la rémunération par stock-options », par l'[[AFP]], le 18 mars 2005,</ref>
 
Les entreprises françaises suivent le même chemin, mais plus tard. [[Louis Gallois]], le président d'[[EADS]] dénonce à son tour un "système contestable qui s'apparente à une loterie". Il décide en octobre [[2007]] de les remplacer par des actions gratuites, peu après le [[Affaire EADS|scandale boursier EADS]].<ref>"EADS: [[Louis Gallois]] veut la fin des stock-options", [[L'Express]] du 09/10/2007 [http://www.lexpress.fr/actualite/economie/eads-louis-gallois-veut-la-fin-des-stock-options_467094.html]</ref> Le PDG de [[GDF Suez]], [[Gérard Mestrallet]] juge à son tour en [[2011]] que les scandales à répétitions, chez Axa, Elf ou encore Vinci, ont rendu le système des [[stock-options]] trop impopulaire. Il décide qu'elles seront remplacées par des actions gratuites, pour quelques 8500 cadres.<ref>"GDF Suez abandonne les stock-options", par Hayat Gazzane, dans ''[[Le Figaro]]'' [http://www.lefigaro.fr/societes/2011/01/06/04015-20110106ARTFIG00788-gdf-suez-abandonne-les-stock-options.php]</ref>
 
Entre-temps, le premier ministre [[François Fillon]] a décidé début [[2009]] que l'attribution de stock-options et d'actions gratuites sera interdite dans les grandes banques et les constructeurs automobiles aidés par l'État,<ref>"Entreprises aidées par l'État : la fin des stock-options", dans ''[[Le Parisien]]'' du 30 mars [[2009]] [http://www.leparisien.fr/economie/entreprises-aidees-par-l-etat-la-fin-des-stock-options-30-03-2009-460149.php]</ref> tandis qu'au [[parti socialiste (France)|parti socialiste]], le futur président de la République [[François Hollande]] estime qu'elles "n'ont aucune légitimité", sauf "pour les entreprises qui naissent".<ref>"François Hollande se pose en adversaire de la finance" [[Reuters]] le 22 janvier 2012 [http://fr.reuters.com/article/businessNews/idFRPAE80L06220120122]</ref> En février [[2012]], l'arrêt total du système de stock-options chez [[L'Oréal]], pour tous les salariés, est décidé par [[Jean-Paul Agon]], qui annonce aussi "renoncer à la moitié des stock-options qui (lui) ont été attribuées en 2010".<ref>"La fin des stock-options à L’Oréal ?" par Rémi Duchemin, sur [[Europe1]] [http://www.europe1.fr/Economie/La-fin-des-stock-options-a-L-Oreal-954137/]</ref>"
 
=== Google en 2004, la première introduction en Bourse « consumériste » ===
Le [[Google (moteur de recherche)|moteur de recherche Google]] n'a que cinq ans d'existence et un chiffre d'affaires de 1,46 milliards de dollars lors de son entrée sur le [[Nasdaq]] américain en {{date||mai|2004}}. Il choisit un système d'enchères inédit, permettant de réduire de 5,5 à 1,5 % les commissions perçues par les banques d'affaires, dans une démarche « consumériste ». Placée au prix de {{unité|80|$}}, l'action valait {{unité|250|$}} un an plus tard, et {{unité|700|$}} sept ans après.
En août 2005, [[Google]] décide l'une des plus grandes [[augmentations de capital]] de l'histoire: 4,2 milliards de dollars, alors qu'émergent les projets de numérisation des fonds documentaires des universités d'[[Harvard]], [[Université Stanford|Stanford]] ou [[Oxford]].<ref>[http://books.google.fr/books?id=BmEfwxjL9jAC&dq=augmentation+de+capital+4+milliards+google&source=gbs_navlinks_s "Société de l'information: enjeux économiques et juridiques", par Philippe Barbet, page 23, éditions L'Harmattan, 2006 - 248 pages]</ref> [[Google]] utilise cet argent pour ses activités de recherche et développement et pour dépasser le nombre d'un million de serveurs informatiques en juin [[2007]] contre {{formatnum:400000}} l'année précédente, en [[2006]].<ref>[http://www.xcess.info/fr/google_a_franchit_le_cap_d_un_million_de_serveurs_afr.aspx "Google a franchi le cap de {{formatnum:1000000}} de serveurs", par Malek Chtiwi, le 11 juillet 2007, sur XCess Company]</ref> Cet effort financier des actionnaires lui permet de creuser l'écart avec son concurrent [[Yahoo]]. Jusque là, les [[augmentation de capital|augmentations de capital]] de cette taille étaient essentiellement utilisées pour des refinancements, permettant de se désendetter, ou des acquisitions de sociétés.
[[Fichier:Facebook users by age.PNG|left|200px|Répartition des utilisateurs de Facebook suivant leur âge]]
Après avoir pris le dessus sur son rival [[Yahoo]], même aux [[États-Unis]] dans le fief de ce dernier, Google doit à son tour affronter un nouveau concurrent redoutable et très bien financé. Le 17 mai 2012, [[Facebook]] lance la plus grosse [[introduction en Bourse]] de l'histoire des valeurs technologiques, tant en levée de fonds qu'en [[capitalisation boursière]],<ref>"Facebook vaut-il 104 milliards de dollars ?", par Benjamin Gourdet, sur 01net, le 18 mai 2012 [http://www.01net.com/editorial/566339/facebook-vaut-il-104-milliards-de-dollars/]</ref> et au second rang historique pour l'ensemble des [[États-Unis]] derrière [[VISA International Service Association|Visa]], avec une valorisation de 104 milliards de dollars,<ref>"Facebook lance la deuxième plus grosse entrée en Bourse américaine", par l'[[AFP]], le 17 mai 2012 [http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5iHxsFQOzoGCu5H2mNS0rIhd7Itqg?docId=CNG.6a9123eaf8c3f56a3ebfd7565e494a2b.741]</ref> supérieure à celle qu'avait obtenue [[Google]] en [[2004]]. [[Facebook]] a lui aussi réduit les frais payés aux banques, selon la société de [[capital-risque]] Trinity Ventures, en versant seulement 1 % du montant de l'opération.<ref>"Facebook, une entrée en bourse très chaotique", par Martin Untersinger, dans ''[[Rue89]]'' du 22 mai 2012 [http://www.rue89.com/2012/05/22/facebook-une-entree-en-bourse-tres-chaotique-232376]</ref> L'action [[Facebook]] perd ensuite la moitié de sa valeur en trois mois.
 
=== La résurrection d'Eurotunnel, grâce à la patience des petits actionnaires ===
Le [[Tribunal de commerce (France)|tribunal de commerce]] a donné en [[2007]] une seconde vie à [[Eurotunnel]], en effaçant la moitié de sa [[dette]], vingt ans après le début du percement du [[Tunnel sous la Manche]]. Le 6 novembre [[1987]], une [[publicité]] financière vantait aux futurs [[actionnaire]]s individuels la perspective de 30 millions de voyageurs par an. À l'ouverture du tunnel, après sept ans de chantier, ce sera trois à quatre fois moins : huit à dix millions de voyageurs par an. Cotée en [[Bourse des valeurs|Bourse]] à [[Paris]] et à [[Londres]], [[Eurotunnel]] a aussi échoué à contrôler le coût de son [[investissement]] initial : 12,5 milliards d'euros en tout (matériel roulant inclus), soit 80 % de plus que les 7,5 milliards d'euros promis au départ. Ce dérapage des coûts, malgré la forte médiatisation du chantier, laisse les {{formatnum:730000}} [[actionnaire]]s individuels impuissants. Ils sont majoritaires dans le [[capital]], mais la direction ne les écoute pas.
[[Fichier:Channel Tunnel geological profile 1 fr.svg|300px|thumb|Coupe du tunnel sous la Mer Manche montrant les couches géologiques traversées]]
[[Fichier:Eurotunnel schema.svg|300px|thumb|Eurotunnel au niveau a trois tunnel, dont un de service au milieu, reliés par des rameaux de communications tous les {{unité|375|m}}), ce qui l'a protégé lors des incendies.]]
Même si la fréquentation est beaucoup moins importante que prévu, le [[Tunnel sous la Manche]] parviendra rapidement à dégager une marge de presque 40 % de son chiffre d'affaires : 375 millions d'euros d'[[excédent brut d'exploitation]] chaque année en moyenne entre [[2009]] et [[2012]]. C'est environ 3 % du coût industriel du tunnel (percement et matériel roulant), soit un rendement supérieur à l'inflation. La [[Entreprise|société]] avait promis une [[Return on Equity|rentabilité des capitaux propres]] de 15 %, en choisissant un financement pauvre en [[capitaux propres]], pour faire jouer l'[[effet de levier]] du crédit. La [[sous-capitalisation]] s'est traduite par un [[effet de massue]], la [[dette]] faisant progressivement boule de neige. Les [[capitaux propres]] ne représentent que 1,17 milliard d'euros en [[1987]] lors de l'[[augmentation de capital]] constitutive, alors que le coût prévu du percement du tunnel est six fois plus élevé. L'espoir d'une exceptionnelle rentabilité des [[capitaux propres]] entraîne un quadruplement de l'[[Action (finance)|action]] en un an et demi. Placée à {{FF|35|1987}}, elle atteint son record le 30 mai [[1989]] à {{FF|128|1989}},<ref>''[[Le Monde]]'' [http://www.lemonde.fr/web/module_chrono/ifr/0,11-0@2-3234,32-662992@51-805182,0.html]</ref> avant d'être divisée par quinze.
 
D'autres [[augmentation de capital|augmentations de capital]] sont décidées, mais trop tard, à des cours très bas, obligeant à multiplier le nombre d'actions, et pour des montants insuffisants: 870 millions d'euros en novembre [[1990]] puis 1,07 milliard en mai [[1994]]. La [[sous-capitalisation]] persiste. En [[2003]], la société croule toujours sous neuf milliards d'euros de [[dette]], coûtant 500 millions d'euros d'intérêts par an, soit 60 % de son [[chiffre d'affaires]]. Pour espérer rembourser, elle fixe des prix de vente élevés, qui affaiblissent sa [[part de marché]] : 46 % pour les voitures et 38 % pour les camions, qui préfèrent les compagnies de ferries.<ref>"SeaFrance : Les raisons qui poussent Eurotunnel à se lancer dans le transport maritime", dans 20Minutes.fr du 11 juin 2012. [http://www.20minutes.fr/economie/951159-seafrance-raisons-poussent-eurotunnel-lancer-transport-maritime]</ref> L'action fluctue entre {{unité|0.4|euro}} et {{unité|0.8|euro}} pendant dix ans. Une première révolte des petits [[actionnaire]]s échoue en [[1996]], sur fond de divisions. Mais le {{date|7|avril|2004}}, [[Jacques Maillot]] est élu PDG d'[[Eurotunnel]] lors d'une assemblée générale fiévreuse. Il a renversé la direction, avec le patron de presse [[Nicolas Miguet]]. En [[2006]], la [[Entreprise|société]] se place sous la protection de la [[justice]], faute d'accord avec ses créanciers. Le [[tribunal]] annule la moitié de la [[dette]]. L'autre moitié est reprise par une nouvelle [[Entreprise|société]], qui a les mêmes [[actionnaire]]s: la plupart souscrivent à son [[augmentation de capital]] constitutive. Trois ans après, [[Eurotunnel]] verse son premier [[dividende]],<ref>"Eurotunnel verse le premier dividende de son histoire grâce à ses bénéfices", dans ''[[La Dépêche du Midi|La Dépêche]]'' du 04/03/2009</ref> symboliquement très modeste, {{unité|4|centimes}} par action pour [[2009]]. Depuis, c'est l'une des rares sociétés où l'[[Association de défense des actionnaires minoritaires]] de [[Colette Neuville]] est accueillie au [[conseil d'administration]]. Symbole de cette résurrection, [[Eurotunnel]] rachète au printemps [[2012]], pour 65 millions d’euros, trois bateaux et 120 salariés sur 500 de [[SeaFrance]], la plus petite et la plus mal gérée des [[Ferry (bateau)|compagnies de ferries]].
 
=== Le cas Général Motors ===
[[General Motors]] a vécu à l'été [[2009]] le même destin qu'[[Eurotunnel]]: créanciers et actionnaires évincés par les tribunaux, dette annulée et création d'un "Nouveau GM", quarante fois moins endetté, qui réussit en [[2010]] une [[introduction en Bourse]] de 23 milliards de dollars.<ref>« [[General Motors|GM]], record mondial des introductions en Bourse », Dans [[Les Échos]] du 29 novembre 2010 [http://archives.lesechos.fr/archives/2010/LesEchos/20814-101-ECH.htm]</ref> Après avoir pris 61 % du capital à l'automne [[2009]], l'état américain revient à 26 % lors de l'[[introduction en Bourse]]<ref>"General Motors - countdown to collapse", chronologie dans le ''[[The Guardian|Guardian]]'' du {{1er}} juin [[2009]] [http://www.guardian.co.uk/business/2009/may/28/general-motors-collapse]</ref> de [[2010]]. Les ventes d'automobiles sur le marché américain sont reparties dès le début de [[2010]], six mois le rachat par l'État. Dès [[2011]], elles représentent 25 % de plus qu'en [[2008]].
 
<center>
{| class="wikitable"
|Année
|1999
|2001
|2002
|2003
|2004
|2005
|2006
|2007
|2008
|2009
|2010
|2011
|2012
|-
|Le nombre de voitures vendues aux États-Unis par General Motors s'est effondré entre 2004 et 2009<ref>[http://www.statisticbrain.com/general-motors-statistics/ General Motors Company Statistics, sur Statistics Brain]</ref>
|5 millions
|4,9 millions
|4,9 millions
|4,8 millions
|4,7 millions
|4,5 millions
|4,1 millions
|3,8 millions
|3 millions
|2,08 millions
|2,2 millions
|2,5 millions
|3,1 millions
|}
</center>
 
[[General Motors|GM]] revient de loin: ses ventes de voitures aux [[États-Unis]] étaient passées de 5 à 2 millions entre [[2000]] et [[2009]]. Cette "décennie perdue" de l'ex-premier constructeur mondial a contribué au vieillissement du parc automobile américain: l'âge moyen d'une voiture américaine atteint un record de 11,2 ans en [[2011]] contre 8,4 en [[1995]].<ref>"State of the U.S. Motor Vehicle Industry: 2012", par Briefing.com, page 12 [http://www2.briefing.com/Marketing/includes/state-of-the-us-motor-vehicle-industry-2012.pdf]</ref>
<center>
{| class="wikitable"
|Les quinze années de vieillissement du parc automobile américain
|1995
|2000
|2005
|2011
|-
|L'âge moyen des voitures circulant aux États-Unis a augmenté de 3 ans
|8,4 ans
|9,1 ans
|10 ans
|11,2 ans
|}
</center>
[[Fichier:Troy Lambert Pontiac.jpg|left|thumb|Concessionnaire Pontiac dans l'Oklahoma, avant-guerre. La plus importante des marques cédées en 2009 ne produisait plus que {{formatnum:169000}} véhicules.]]
La violente crise économique de l'hiver [[2008]]-[[2009]] voit les crédits autos divisés par six en trois mois aux [[États-Unis]]. Mais chez [[General Motors|GM]], elle est précédée par des désinvestissements massifs, qui commencent dès [[2005]]. Les actionnaires, mais aussi les créanciers, refusent l'indispensable [[augmentation de capital]] pendant des années. Du coup, ils vont tout perdre. En [[2005]], [[General Motors|GM]] verse encore un dividende de {{unité|2|dollars}} par action, aussi élevé que celui du haut de cycle en [[2000]].<ref>GM dividend Dividata [http://dividata.com/stock/GM/dividend Dividata]</ref><ref>Comme Ford et Chrysler, 2/3 de ses ventes aux États-Unis viennent des camions légers "Conséquence de la crise financière ou crise d’une forme de capitalisme : la faillite des Big Three" par Michel Freyssenet et Bruno Jetin [http://regulation.revues.org/9233]</ref> L'[[agence de notation|agence]] [[Standard & Poor's]] juge pourtant la dette de 292 milliards de dollars<ref>"General Motors Runs Over the Experts" par Gary North, sur LewRockwell, le 30 mai 2005 [http://www.lewrockwell.com/north/north370.html]</ref> beaucoup trop élevée: elle la place dans la catégorie "[[junk bond|obligation pourrie]]". Cinq mois plus tard, en octobre, [[General Motors|GM]] parvient à contourner la [[Chapitre 11 de la loi sur les faillites des États-Unis|loi américaine sur les faillites]] en cédant 51 % de sa société de crédit [[GMAC]] au fonds de [[Leveraged buy-out|LBO]] [[Cerberus Capital Management|Cerberus]]. Mais le groupe refuse d'augmenter ses [[capitaux propres]], préférant supprimer {{formatnum:105000}} emplois entre [[2004]] et [[2008]], pour tenter se désendetter : les effectifs mondiaux tombent à {{formatnum:235000}} en [[2008]]<ref name="ReferenceC">Le « nouveau » visage de [[General Motors|GM]] » par l’[[AFP]] du 11 juillet 2009</ref> contre {{formatnum:340000}} en [[2004]].<ref>"GM tests the limits of financial engineering" par Kathryn Tully, Euro Money, février 2004 [http://www.euromoney.com/Article/1001939/BackIssue/50026/GM-tests-the-limits-of-financial-engineering.html]</ref>
 
La conséquence est une forte baisse des ventes, mais aussi des bénéfices. En [[2007]],<ref>[http://www2.briefing.com/Marketing/includes/state-of-the-us-motor-vehicle-industry-2012.pdf "State of the U.S. Motor Vehicle Industry: 2012", par Briefing.com]</ref> la part du marché américain chute à 23 % contre 28 % en [[2003]].<ref>"Marketing Case Project: General Motors" 11/08/2006</ref> Cette année-là, la dette fait boule de neige, représentant neuf fois les [[capitaux propres]],<ref>[http://www.irec.net/upload/File/memoires_et_theses/1302.pdf Exposé de Rémy Franzoni, HEC Montréal]</ref> selon [[Standard & Poor's]]. L'[[effet de levier]] financier recherché par certains actionnaires devient un [[effet de massue]]. Le dividende n'est « suspendu » qu'en août [[2008]].<ref>Plan de restructuration de GM présenté le 2 décembre 2008 aux parlementaires américains, page 15 [http://www.freep.com/assets/PDF/1202gmplan.pdf]</ref>
 
En décembre [[2008]], l'État prête d'urgence 17 milliards de dollars sous conditions: rémunération des dirigeants limitée et promesse de réduire la dette des deux-tiers, en la transformant en [[capitaux propres]].<ref>« Automobile : la Maison-Blanche débloque 17 milliards de dollars », [[Le Figaro]] du 19 décembre 2008 [http://www.lefigaro.fr/marches/2008/12/19/04003-20081219ARTFIG00484-usa-une-aide-de-milliards-pour-les-constructeurs-auto-.php]</ref> [[General Motors|GM]] propose aussi de supprimer {{formatnum:20000}}&nbsp;emplois en trois ans. Le groupe n'employait déjà plus que {{formatnum:235000}}&nbsp;personnes:<ref>[http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/258681/le-nouveau-visage-de-gm ''Le « nouveau » visage de GM'', dans ''Le Devoir'' du 11 juillet 2009]</ref> il avait déjà supprimé {{formatnum:111000}} emplois dans le monde, le tiers de ses effectifs, entre [[2005]] et [[2008]]. GM promet en particulier de vendre cinq de ses marques: [[Pontiac (automobile)|Pontiac]], [[Saturn (automobile)|Saturn]], [[Hummer]], [[Saab Automobile|Saab]] et [[Opel]]. Les quatre premières sont en réalité de toute petite taille et ne représentent à elles quatre que 0,27 millions de véhicules, soit 3 % des ventes de GM.
 
<center>
{| class="wikitable"
|Les 4 marques que GM a dû céder après l'été [[2009]]
|[[Pontiac (automobile)|Pontiac]]
|[[Saturn (automobile)|Saturn]]
|[[Saab Automobile|Saab]]
|[[Hummer]]
|-
|Véhicules vendus par ces 4 marques en [[2009]]
|{{formatnum:169890}}<ref name="cbsnews.com">"Pontiac, Saturn May Be Sold Out By the Time You Read This", sur [[CBS News]], [[2009]] [http://www.cbsnews.com/8301-505123_162-42940948/pontiac-saturn-may-be-sold-out-by-the-time-you-read-this/]</ref>
|{{formatnum:67576}}<ref name="cbsnews.com"/>
|{{formatnum:20800}}<ref>[[Reuters]], 15 février 2010</ref>
|{{formatnum:9046}}<ref>"G.M. to Close Hummer After Sale Fails", par NICK BUNKLEY, dans le ''[[New York Times]]'' du 24 février [[2010]] [http://www.nytimes.com/2010/02/25/business/25hummer.html?_r=0]</ref>
|}
</center>
La seule grande marque des cinq est l'allemande [[Opel]], qui a vendu 1,93 millions<ref>"GM sold 8.35 million vehicles globally in 2008, down 11%", par Zane Merva [GM sold 8.35 million vehicles globally in 2008, down 11 %]</ref> de véhicules dans le monde en [[2008]], soit huit fois plus que les quatre autres réunies. Elle sera en réalité conservée, GM décidant de ne plus la vendre quelques mois après sa mise en vente. Le groupe canadien [[Magna International]]<ref>{{Lien web
|url=http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/economie/20090910.OBS0707/gm_vend_opel_a_lequipementier_canadien_magna.html
|titre=GM vend Opel à l'équipementier canadien Magna
|auteur=NOUVELOBS.cOM
|consulté le=10 septembre 2009
}}</ref> est approché mais GM se rétracte en fin d'année.<ref>[http://tempsreel.nouvelobs.com/depeches/international/europe/20091104.FAP1632/lallemagne_en_colere_apres_general_motors.html]</ref>
 
Entre-temps, le 30 décembre [[2008]], [[General Motors|GM]] reconnaît rater chaque mois {{formatnum:45000}} à {{formatnum:60000}} ventes de voitures sur le marché américain, à cause de la [[sous-capitalisation]] de sa filiale de crédit [[GMAC]], dont l'État prend 18 %, pour 5 milliards de dollars, premier pas vers la nationalisation, en prenant argument que le fonds de [[Leveraged buy-out|LBO]] [[Cerberus Capital Management|Cerberus]] a échoué à convaincre les créanciers de convertir leur dette en actions.<ref>"GMAC : son projet de holding bancaire s'enlise", dans ''[[Le Figaro]]'' du 10/12/2008 [http://www.lefigaro.fr/societes/2008/12/10/04015-20081210ARTFIG00544-gmac-son-projet-de-holding-bancaire-s-enlise-.php]</ref> l'État décide qu'il n'aura plus que 15 % des droits de vote.<ref>"La filiale financière de GM placée sous perfusion", par Pierre-Yves Dugua, dans ''[[Le Figaro]]'' du 30 décembre 2008 [http://www.lefigaro.fr/societes/2008/12/31/04015-20081231ARTFIG00041-la-filiale-financiere-de-gm-placee-sous-perfusion-.php]</ref>
<center>
{| class="wikitable"
|Année
|'''fin 2003'''
|'''fin 2008'''
|Variation 2003-2008
|'''fin 2012'''
|Variation 2008-2012
|-
|Effectifs
|'''{{formatnum:340000}}'''<ref>"GM tests the limits of financial engineering" par Kathryn Tully, Euro Money, février 2004 [http://www.euromoney.com/Article/1001939/BackIssue/50026/GM-tests-the-limits-of-financial-engineering.html?copyrightInfo=true"]</ref>
|'''{{formatnum:235000}}'''<ref name="ReferenceC"/>
|moins {{formatnum:115000}}
|'''{{formatnum:215000}} (prévision)'''
|moins {{formatnum:20000}}
|-
|Chiffre d'affaires
|'''{{formatnum:193517}} milliards'''
|'''{{formatnum:148979}} milliards'''
|moins 55 milliards
|'''153,3 milliards (prévision)'''
|plus 5 milliards
|-
|Dette
|'''288 milliards'''
|'''175 milliards''
|moins 113 milliards
|'''5 milliards'''
|moins 170 milliards
|-
|Fonds propres
|'''6 milliards'''
|'''négatifs de 39 milliards'''
|Anéantis
|'''60 milliards (nouvelle société)'''
|plus 95 milliards
|}
</center>
 
En mars [[2009]], [[Barack Obama]] entre à la [[Maison-Blanche]] et demande au PDG de [[General Motors|GM]] [[Rick Wagoner]] de passer la main à [[Fritz Henderson]].<ref>''U.S. Lays Down Terms for Auto Bailout'' par Sherril Gay et Bill Storberg, dans le ''[[New York Times]]'' du 30 mars 2009 » [http://www.nytimes.com/2009/03/30/business/30auto.html]</ref> [[General Motors|GM]] se place le {{1er}} juin [[2009]] sous la protection de la [[Chapitre 11 de la loi sur les faillites des États-Unis|loi américaine sur les faillites]]. La dette est convertie, à prix extrêmement bas, en actions d'une nouvelle société: le "Nouveau GM", doté de 60 milliards de dollars de [[capitaux propres]]. [[Washington (district de Columbia)|Washington]] en apporte 61 %, [[Toronto]] 12 %, le fonds de couverture médicale du syndicat automobile [[United Auto Workers|UAW]] 17 % et les ex-créanciers 10 %<ref>"General Motors a remboursé sa dette", dans [[20 Minutes]] du 21 avril 2010 [http://www.20minutes.fr/article/553269/Economie-General-Motors-a-rembourse-sa-dette.php]</ref>·.<ref>« GM rembourse 2,1 milliards de plus à l'État américain », dans ''[[L’Expansion]]'' du 29 octobre 2010</ref>
 
Cette fois désendetté, avec seulement 5 milliards de dollars de crédits long-terme et une charge d'intérêt divisée par dix,<ref>[http://media.gm.com/content/dam/Media/gmcom/investor/2012/Q4_2011_Financial_Highlights.pdf Bilans comptables GM de 2009 à 2011]</ref> [[General Motors|GM]] regagne des parts de marché aux [[États-Unis]]<ref>"Les ventes de General Motors ont augmenté de 13 % aux États-Unis", par Myriam Berber sur [[Radio France internationale|RFI]] du 20/1/2102 [http://www.rfi.fr/economie/20120120-general-motors-nouveau-numero-mondial]</ref> redevient leader mondial en [[2011]]. En conservant sa filiale [[Opel]] et en bénéficiant d'un fort rebond de sa production, le constructeur a en réalité augmenté ses effectifs après l'intervention de l'État, entre [[2009]] et [[2012]].
 
=== Les nouveaux géants boursiers russes et chinois ===
[[Fichier:PetroChina-Station.jpg|vignette|Une station d'essence Petrochina dans la région du Xianjiang]]
Le sidérurgiste indien [[Mittal Steel Company|Mittal]] créé la surprise, le 28 janvier [[2006]], par une [[offre publique d'achat hostile]] sur le leader mondial de l’acier [[Arcelor]], pour 18,6 milliards d'euros.<ref>"Arcelor-Mittal, le mondial de l'acier" [http://www.lexpress.fr/actualite/economie/le-mondial-de-l-acier_458982.html lexpress.fr]</ref> [[Arcelor]] se défend, mettant en avant ses 17,6 milliards d'euros de [[capitaux propres]]. Il fait échec à l'[[Offre publique d'achat|OPA]]. Mais [[Mittal Steel Company|Mittal]] relève cinq mois après son offre de 44 % et l’emporte. C’est la onzième acquisition en dix ans pour [[Lakshmi Mittal]], actionnaire à 88 % de [[Mittal Steel Company|Mittal]] et {{6e}} [[Liste des milliardaires du monde en 2010|homme le plus riche du monde]]. Revers de la médaille, cette pyramide d’acquisition, réalisée dans de nombreux pays d'[[Europe de l'Est]], a généré une [[dette]] nette de 22 milliards de dollars, notée en [[Junk bond|catégorie spéculative]] par l'agence [[Standard & Poor's]].<ref>"La note d'ArcelorMittal dégradée en catégorie spéculative" Par INGRID FRANCOIS-FEUERSTEIN, ''[[Les Échos]]'' 4 décembre 2012</ref>
Autre coup de tonnerre, en novembre [[2007]], l'introduction en [[Bourse de Shanghai]] de 2,2 % du capital de [[Petrochina]]. Le cours flambe de 163 % en un jour, lui donnant une [[capitalisation boursière]] de 1004 milliards de dollars. C'est plus que le leader mondial [[ExxonMobil]] ! L’américain affiche pourtant un chiffre d'affaires quatre fois plus élevé : 365 milliards de dollars contre 92 milliards de dollars. La valeur de [[Petrochina]] représente 50 fois ses bénéfices attendus, contre 10 fois pour les géants du secteur. Ces chiffres ne peuvent qu'étonner, pointe alors le ''[[Financial Times]]'' dans sa ''Lex Column''.<ref>« Que vaut réellement Petrochina ? » par Daniel Krakja dans [[L'Usine nouvelle]] du 6 novembre 2007</ref> Un an et demi après, [[Petrochina]] ne vaut plus que 336 milliards de dollars, trois fois moins.<ref>« PetroChina redevient le premier groupe coté mondial » dans ''[[La Tribune (France)|La Tribune]]'' du 26/05/2009 [http://www.latribune.fr/bourse/20090526trib000380408/petrochina-redevient-le-premier-groupe-cote-mondial.html]</ref> Malgré cette correction attendue, le prix élevé de l'action reflète les espoirs des investisseurs sur la [[Croissance économique|croissance]] de la [[Chine]]. Le phénomène n’a rien d’une mode : en [[2010]], les deux premières [[banque]]s au monde par la [[capitalisation boursière]] sont toujours chinoises.<ref>« La Banque en Chine ({{1re}} partie) : un secteur difficile d’accès », sur SIA conseil [http://finance.sia-conseil.com/wp-content/uploads/2011/01/Banques-chinoises-1-image-2.png]</ref>
[[Fichier:RUGasPipesMap.jpg|thumb|left|280 px|Gazoducs russes vers l'Europe (existants, en construction ou en projet)]]
La [[spéculation]] sur la [[Croissance économique|croissance]] profite à d’autres grandes ex-sociétés publiques du club des cinq [[Superpuissance émergente|superpuissances émergentes]], les BRICS ([[Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud]]). Une semaine avant l'[[Élection présidentielle brésilienne de 2010]], le groupe public [[Petrobras]] réussit à [[Wall Street]] une [[augmentation de capital]] de 70 milliards de dollars, la plus grande de l’histoire. Sa [[capitalisation boursière]] atteint 146 milliards de dollars, la deuxième du [[pétrole|secteur pétrolier]] derrière l’inoxydable [[ExxonMobil]], qui était déjà aux premières places du palmarès en [[1975]]<ref name="vernimmen.net">« Classement des capitalisations boursières européennes et américaines depuis 1975 » sur Vernimmen.net [http://www.vernimmen.net/html/lettre/articles_statistiques/Lettre_50_l__eacute_volution_du_classement_des_grandes_capitalisation_boursi_egrave_res_europ_eacute_ennes_et_am_eacute_ricaines_depuis_1975.html]</ref> et en [[1985]]. [[Petrobras]] affiche il est vrai de sérieux projets : 224 milliards de dollars d’[[investissement]]s d'ici à [[2014]], pour les gigantesques [[Champ pétrolifère|gisements]] de [[pétrole]] découverts en [[2007]] jusqu'à {{unité|7000|mètres}} de profondeur, sous une épaisse couche de sel. [[Petrobras]] prévoit de doubler sa production, à 5,4 millions de barils par jour (mbj) en [[2020]], contre 2,6 mbj en [[2010]].
 
Le russe [[Gazprom]] est devenu lui première [[capitalisation boursière]] européenne dès [[2006]].<ref name="vernimmen.net"/> Mais comme [[Mittal]], il souffre de voir sa [[dette]] notée dans la [[junk bonds|catégorie spéculative]] par l’[[agence de notation]] [[Fitch Ratings]]. L'empire [[Gazprom]] contrôle un quart des [[Réserve mondiale|réserves mondiales]] de [[gaz naturel|gaz]] et pèse 8 % du [[Produit intérieur brut|PIB]] russe. Bâti sur des "structures de production datant de l'[[Union soviétique|époque soviétique]]", il est « mal organisé, sous la coupe des politiques et corrompu » affirme une [[Politique étrangère des États-Unis|note diplomatique américaine]] obtenue par [[WikiLeaks]] et rapportée par le magazine allemand ''[[Der Spiegel]]''. Autre géant russe, le nouveau leader mondial de l'[[aluminium]] [[Rusal]], du milliardaire [[Oleg Deripaska]], est également mal vu en raison d’une lourde [[dette]] : 15 milliards de [[dollars]]. Il abandonne un tiers de sa valeur dans les trois semaines qui suivent son [[introduction en bourse]] de janvier [[2010]], à [[Hong Kong]].<ref>« Controverse sur l'introduction en Bourse de Rusal, le géant de l'aluminium », par l’[[AFP]], le 27 janvier [[2010]][http://www.lepoint.fr/actualites-economie/2010-01-27/controverse-sur-l-introduction-en-bourse-de-rusal-le-geant-de-l/916/0/417533]</ref> "La plupart des gestionnaires de fonds n'aiment pas ce titre. Le [[effet de levier|ratio de levier]] est très élevé » confie à [[Reuters]] un financier. Pour que [[Rusal]] puisse respecter les conditions attachées aux refinancement de sa [[dette]], le cours de l'[[aluminium]] doit rester élevé, à plus de {{unité|2400|dollars}} la tonne, selon les [[Analyse financière|analystes]] de [[Bank of China|BOC International]].<ref>« L'introduction en Bourse de Rusal tourne au vinaigre », par [[Reuters]], le 18 février 2010</ref>
 
=== Les entreprises cotées réduisent leurs capitaux propres ===
Dans les [[années 2000]], de nombreuses entreprises tentent de faire monter leurs action, à court terme, en augmentant la [[return on equity|rentabilité des capitaux propres]] par la réduction de ces [[capitaux propres]], ''via'' des rachats d'actions, des [[dividende]]s supérieurs aux [[bénéfice]]s ou les [[Fusion-acquisition|fusions et acquisitions]] à crédit. C'est la méthode de l'[[effet de levier]], défini comme la différence entre la [[return on equity|rentabilité des capitaux propres]] et la rentabilité économique.<ref>''Le Guide pratique du LBO : racheter une entreprise grâce à l'effet de levier'', page 4, par Nicolas Boschin - 2011 - [http://books.google.fr/books?id=E3Eucv1UrLQC&pg=PA4&dq=%22effet+de+levier%22++dettes+%22capitaux+propres%22+en+bourse&hl=fr&redir_esc=y#v=onepage&q=%22effet%20de%20levier%22%20%20dettes%20%22capitaux%20propres%22%20en%20bourse&f=false]</ref> Revers de la médaille, la [[sous-capitalisation]] qui en résulte se traduit souvent par un [[effet de massue]]. Cette politique a pour effet d'augmenter également la [[Volatilité (finance)|volatilité]] de la [[rentabilité]], et donc du cours de bourse, permettant des gains de court terme aux [[délit d'initié|initiés]].
 
Une étude a montré de manière empirique que leurs dirigeants d'entreprise privilégient les émissions de [[dette]] quand ils ont une vision optimiste des perspectives de leur entreprise, car ils connaissent le potentiel d’appréciation de l'action.<ref>Travaux de Stewart C. Myers and et Nicholas S. Majluf (1996), cités par FRANÇOIS MOURIAUX • Revue de la stabilité financière • {{numéro|8}} • Mai 2006, [[Banque de France]] [http://www.banque-france.fr/fileadmin/user_upload/banque_de_france/archipel/publications/bdf_rsf/etudes_bdf_rsf/bdf_rsf_08_etu_4.pdf]</ref> Inversement, en cas de vision pessimiste, ils préfèrent augmenter les [[capitaux propres]]. En France, la période [[1987]]-[[1994]] est marquée par une hausse très nette du taux de capitaux propres jusqu’en [[1994]], puis une baisse.<ref>FRANÇOIS MOURIAUX • Revue de la stabilité financière • {{numéro|8}} • Mai 2006, [[Banque de France]] [http://www.banque-france.fr/fileadmin/user_upload/banque_de_france/archipel/publications/bdf_rsf/etudes_bdf_rsf/bdf_rsf_08_etu_4.pdf]</ref> Par ailleurs, le droit fiscal a commencé à étudier le recours à l’emprunt au détriment de l’[[augmentation de capital]], car il génère des des flux de [[taux d’intérêt]] vers des pays à [[fiscalité]] privilégiée, ce qui a rapproché les enjeux de la [[sous-capitalisation]] de ceux des déplacements de bénéfices vers l’étranger.<ref>"La sous-capitalisation : évolution des enjeux et actualité", par Annick Poumellec, [[Université Paris I]] Janvier 2011</ref>
 
L’approche par les « [[capitaux propres]] en risque » permet au contraire une prévention des difficultés des entreprises. Les [[capitaux propres]] permettent d’absorber les pertes, en cas d’accident de parcours, et de protéger les [[créancier]]s, contribuant ainsi à une croissance durable. En cas de [[Fusion-acquisition|fusions et acquisitions]] à crédit, les créanciers calculent un plafond d'endettement, en principe égal 0,5 : le montant des fonds empruntés à moyen et long terme ne doit pas excéder le montant des capitaux propres<ref>[http://www.schumann-bourse.fr/ratio.html Schuman Bourse]</ref> et donc la moitié du passif. Les règles financières veulent par ailleurs que les industries très [[cycle économique|cycliques]]<ref name=echos>[http://www.lesechos.fr/formations/finance/articles/article_2_7.ht Les Echos formation finance]</ref> comme l'acier se contentent d'un endettement « faible, voire négatif »<ref name=echos/>, pour limiter l'[[effet de levier]].
 
=== Les crises des années 2007 à 2011, un goût de 1873 ===
La [[Crise financière mondiale débutant en 2007|crise financière de 2007-2010]], causée par l'engagement de banques européennes et américaines dans les [[Rehaussement de crédit|rehausseurs de crédit]] ayant financé les [[Subprimes]], s'est prolongée par la [[crise de la dette dans la zone euro]] puis le [[krach boursier de juillet et août 2011]].
[[Fichier:LeitzinsenFR.png|thumb|275px|Taux directeurs de la BCE (rouge) et de la FED (bleu)]]
Dès le début [[2007]], plusieurs sociétés de crédit américaine font faillite, car leurs clients peinent à rembourser des prêts à l'habitat. C'est la crise des [[subprimes]]. Les grandes banques américaines et européennes sont touchées à leur tour. Le remboursement des [[crédit hypothécaire]] était garanti par la valeur des maisons : les familles ayant emprunté doivent quitter leurs logements qui sont vendus. Mais la valeur des maisons ayant chuté, les créanciers ne parviennent pas à se rembourser.
Les [[agences de notation]] sont critiquées pour leur complaisance avec les [[Rehaussement de crédit|réhausseurs de crédit]], des sociétés créées de toute pièce pour masquer le risque des crédits [[subprime]], en mélangeant les obligations de [[crédit hypothécaire]] avec des obligations d’État. En [[2008]], la [[crise des subprimes]] s'étend.
{| class="wikitable"
|[[Rehaussement de crédit|Réhausseurs de crédit]] au début [[2008]]
|[[Ambac]]
|[[ACA Financial Guaranty Corporation|ACA]]
|[[MBIA]]
|[[XLCA]]
|[[FGIC]]
|[[CIFG]]
|[[Financial Security Assurance|FSA]]
|-
|Exposition nette aux [[Collateralised debt obligation|CDO]] d'[[asset-backed security|ABS]], en dollars
|29,2 mds
|22,4 mds
|17,3 mds
|16,1 mds
|10,3 mds
|9,4 mds
|0,4 mds
|}
Les actions des banques s'effondrent en [[Europe]] aussi. L'une d'entre elles, [[Lehman Brothers]], tombe en [[faillite]] le {{date|15|septembre|2008}}. En France, l'indice [[CAC 40]] a connu en [[2008]] la pire année de son histoire : il a chuté de 42,68 %, anticipant la récession mondiale qui a eu lieu l'année suivante, en [[2009]], causée par la [[crise bancaire et financière de l'automne 2008]]. Après une reprise de 22,3 % du [[CAC 40]] en [[2009]], suivie d'un rebond partiel de la croissance économique en [[2010]], une nouvelle crise boursière démarre en juillet et août [[2011]]. Les investisseurs craignent que l'économie mondiale entre à nouveau en récession en [[2011]], après seulement une année de [[croissance économique]].
 
=== Krach boursier de l'été 2011 et performance record des obligations ===
[[Fichier:Soros talk in Malaysia.jpg|left|thumb|Georges Soros, investisseur avisé]]
Le [[krach boursier de juillet et août 2011|krach de l'été 2011]] voit le [[CAC 40]] perdre un quart de sa valeur entre le 30 juin et le 19 août alors que la reprise économique mondiale semblait pourtant bien enclenchée depuis un an. La crainte de la voir s'essouffler est déclenchée par des statistiques économiques mitigées, puis les tours de vis budgétaires peu à peu envisagés en [[Italie]], [[Espagne]], [[Royaume-Uni]] et [[France]]. Paradoxalement effectués en réaction à la baisse des bourses, ils ne font que l'aggraver, même s'ils offrent un sursis aux actions des banques. Celles-ci sont menacées d'une dégradation par l'[[agence de notation]] [[Moody's]] en raison de leur [[sous-capitalisation]], alors que leur notation, déjà faible, est l'une ces causes du [[krach boursier de juillet et août 2011|krach de l'été 2011]]. L'action [[Dexia]] baisse pendant tout l'été, puis tombe le 4 octobre à {{unité|0.97|euros}},<ref>[http://www.lepoint.fr/fil-info-reuters/dexia-s-effondre-en-bourse-speculations-sur-un-demantelement-04-10-2011-1380499_240.php "Dexia s'effondre en Bourse, spéculations sur un démantèlement", par [[Reuters]], le 04/10/2011]</ref> alors qu'elle valait encore {{unité|24.5|euros}} en mai 2007.
Pour rendre les établissements de crédit plus solides, l'investisseur [[Georges Soros]] estime qu'ils ont besoin de plus de [[capitaux propres]], car ils « sont trop fragiles (…) sous-capitalisés et détiennent beaucoup de titres de dettes européennes, jusqu'ici considérés comme des produits sans risque. En particulier concernant les titres espagnols et italiens. Il faut lever ce risque avec des euro-obligations et recapitaliser les banques », explique-t-il dans un entretien au ''[[Le Monde|Monde]]''.<ref>[http://www.lemonde.fr/economie/article/2011/08/17/l-europe-est-en-danger_1560364_3234.html "L'Europe est en danger", par [[Georges Soros]], dans ''[[Le Monde]]'' du 17 août 2011]</ref> Le [[Fonds monétaire international|FMI]] tient le même discours dès l'automne, [[Christine Lagarde]] étant devenue sa première directrice générale le {{date|5|juillet|2011}}. Mais pour se recapitaliser, les banques doivent créer de nouvelles actions, ce qui risque de faire baisser leurs bénéfices par action : la réglementation bancaire ne changera pas.
 
Les actions chutent, mais les [[marché obligataire|marchés obligataires]] s'envolent : la valeur des créances sur les États français, allemands et américains ne cesse de progresser, ce qui entraîne une très forte baisse des [[taux d'intérêt|taux d'intérêt à long terme]].
<center>
{| class="wikitable"
|Pays
|France
|Allemagne
|Italie
|Espagne
|Grèce
|États-Unis
|-
|'''7 avril'''
|'''3,75 %'''
|'''3,42 %'''
|'''4,83 %'''
|'''5,22 %'''
|'''12,72 %'''
|'''3,56 %'''
|-
|18 juillet
|3,36 %
|2,64 %
|5,95 %
|6,29 %
|17,68 %
|2,91 %
|-
|'''2 août'''
|'''3,16 %'''
|'''2,41 %'''
|'''6,15 %'''
|'''6,26 %'''
|'''14,45 %'''
|'''2,64 %'''
|-.
|9 septembre
|2,42 %
|1,69 %
|5,46 %
|5,33 %
|21,40 %
|1,92 %
|-
|'''22 avril 2013'''<ref>Tableau de cotations Bloomberg [http://www.bloomberg.com/markets/rates-bonds/]</ref>
|'''1,70<ref>"France : le taux d'emprunt au plus bas", dans Lefigaro.fr le 23/04/2013 [http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2013/04/23/97002-20130423FILWWW00432-france-le-taux-d-emprunt-au-plus-bas.php]</ref> %'''
|'''1,23 %'''
|'''3,97 %'''
|'''4,49 %'''
|'''11,37 %'''
|'''1,67 %'''
|}
</center>
En seulement cinq mois, du 7 avril [[2011]] au 9 septembre [[2011]], le rendement des [[Obligation (finance)|obligations]] américaines à dix ans a été divisé par deux, passant de 3,75 % à 1,89 %. Même succès en [[Allemagne]]: il passe de 3,36 % le 7 avril à 1,69 % le 9 septembre. Cette chute signifie que le cours des emprunts d’État a doublé aux [[États-Unis]] comme en [[Allemagne]], en seulement cinq mois, une performance jamais égalée dans l'histoire des [[marché obligataire|marchés obligataires]]. En France, le taux d'intérêt à 10 ans avait atteint son maximum historique lors du [[second choc pétrolier]], à 17 %,<ref>TAUX A 10 ANS DEPUIS 1980 POUR LA FRANCE, sur le site France-Inflation [http://france-inflation.com/taux_10ans.php]</ref> avec un pic à 17 %, avant de baisser régulièrement. Dès [[2010]], le taux d'intérêt réel, passé sous les 2 %, était inférieur des deux-tiers à sa moyenne des [[années 1990]].
 
{| class="wikitable"
|Année<ref name="oat">Les taux de référence des bons du Trésor et OAT, site de la [[Banque de France]] [http://www.banque-france.fr/economie-et-statistiques/changes-et-taux/les-taux-de-reference-des-bons-du-tresor-et-oat.html]</ref>
|1981
|1982
|1983
|1984
|1985
|1986
|1987
|1988
|1989
|1990
|'''Moyenne années 80'''
|-
|Taux 10 ans (fr)
|'''17,4%'''
|'''14,8%'''
|'''14,4%'''
|'''13,4%'''
|'''11,9%'''
|'''9,2%'''
|'''9,9%'''
|'''8,6%'''
|'''9,3%'''
|'''10,0%'''
|'''11,9%'''
|-
|Indice prix<ref name="Insee">Site de l'INSEE [http://www.bdm.insee.fr/bdm2/affichageSeries.action?idbank=000639201&bouton=OK&codeGroupe=142]</ref>
|13,4%
|11,8%
|9,6%
|7,4%
|5,8%
|2,7%
|3,1%
|2,7%
|3,6%
|3,4%
|6,6%
|-
|Taux 10 ans réel
|'''4,0%'''
|'''3,0%'''
|'''4,8%'''
|'''6,0%'''
|'''6,1%'''
|'''6,5%'''
|'''6,8%'''
|'''5,9%'''
|'''5,7%'''
|'''6,6%'''
|'''5,5%'''
|}
</center>
 
{| class="wikitable"
|Année<ref name="oat" />
|1991
|1992
|1993
|1994
|1995
|1996
|1997
|1998
|1999
|2000
|'''Moyenne années 90'''
|-
|Taux 10 ans (fr)
|'''8,6%'''
|'''8,1%'''
|'''5,6%'''
|'''8,3%'''
|'''6,6%'''
|'''5,8%'''
|'''5,3%'''
|'''3,9%'''
|'''5,5%'''
|'''5%'''
|'''6,3%'''
|-
|Indice prix<ref name="Insee" />
|3,2%
|2,4%
|2,1%
|1,6%
|1,8%
|2,0%
|1,2%
|0,7%
|0,5%
|1,7%
|1,7%
|-
|Taux 10 ans réel
|'''5,4%'''
|'''6,1%'''
|'''3,5%'''
|'''6,7%'''
|'''4,8%'''
|'''3,8%'''
|'''4,1%'''
|'''3,2%'''
|'''5%'''
|'''3,3%'''
|'''4,6%'''
|}
</center>
 
{| class="wikitable"
|Année<ref name="oat" />
|2001
|2002
|2003
|2004
|2005
|2006
|2007
|2008
|2009
|2010
|'''Moyenne années 2000'''
|2011
|2012
|-
|Taux 10 ans (fr)
|'''5%'''
|'''4,3%'''
|'''4,3%'''
|'''3,7%'''
|'''3,3%'''
|'''4%'''
|'''4,4%'''
|'''3,4%'''
|'''3,6%'''
|'''3,4%'''
|'''3,9%'''
|'''3,2%'''
|'''2,2%'''
|-
|Indice prix<ref name="Insee" />
|1,7%
|2,1%
|1,9%
|2,1%
|1,8%
|1,6%
|1,5%
|2,8%
|0,1%
|1,5%
|1,7%
|2,1%
|2,0%
|-
|Taux 10 ans réel
|'''3,3%'''
|'''2,2%'''
|'''2,4%'''
|'''1,6%'''
|'''1,5%'''
|'''2,4%'''
|'''2,9%'''
|'''0,6%'''
|'''3,5%'''
|'''1,9%'''
|'''2,2%'''
|'''1,1%'''
|'''0,2%'''
|}
</center>
 
=== Privatisées et fusionnées, les bourses sont les perdantes de la réforme européenne de 2007 ===
[[Fichier:Palazzo mezzanotte2.jpg|left|La Palazzo mezzanotte, à [[Milan]]|vignette]]
Souvent dotées d'un statut mutualiste, associatif ou public, les Bourses se privatisent dans les [[années 2000]], devenant elle-même des entreprises cotées très rentables, avant de se racheter les unes les autres. En {{date||septembre|2000}}, la [[Bourse de Paris]] fusionne avec [[Bruxelles]], [[Amsterdam]] et [[Lisbonne]] pour créer [[Euronext]], puis achète la Bourse des produits dérivés de [[Londres]], le [[LIFFE]] avant de fusionner en {{date||avril|2007}} avec le [[New York Stock Exchange]] pour créer [[NYSE Euronext]].<ref>Bref historique des fusions boursières [url= http://www.flutrackers.com/forum/showthread.php]</ref>
En {{date||mai|2007}}, le [[Nasdaq]] acquiert le suédois [[OMX]], et ses 7 places [[scandinaves]] et [[baltes]] : [[Estocolmo]], [[Copenhague]], [[Helsinki]], [[Reykjavik]], [[Tallinn]], [[Riga]] et [[Vilnius]],<ref>[http://www.challenges.fr/actualites/entreprises/20070525.CHA5072/nasdaq_ambitieux_apres_son_rachat_de_omx.html « Le Nasdaq ambitieux après son rachat de OMX », sur Challenges.fr]</ref> puis en {{date||juin|2007}}, le [[London Stock Exchange]] rachète la [[Bourse de Milan|Borsa Italiana]]. Au Canada, la [[Bourse de Toronto]] rachète celle de [[Montréal]] en {{date||décembre|2007}} pour former le [[Groupe TMX]].<ref>« Fusion TMX-LSE : une super place boursière en formation », par Lapresseaffaires [url= http://lapresseaffaires.cyberpresse.ca/bourse/201102/08/01-4368239-fusion-tmx-lse-une-super-place-boursiere-en-formation.php]</ref> Certains projets échouent, comme en {{date||octobre|2010}} celui de [[Singapour]] et [[Sydney]]. En {{date||février|2011}}, [[Deutsche Börse]] et [[NYSE Euronext]] annoncent des négociations qui n'aboutissent pas.
[[Fichier:NeueBoerseFrankfurt.jpg|thumb|upright=1.3|La Bourse de Francfort]]
Parallèlement, la centralisation des ordres est supprimée par la [[directive concernant les marchés d’instruments financiers]] entrée en application le {{1er}} novembre [[2007]] dans le cadre du plan d’action des services financiers 2005-2010 de la [[Commission européenne]], adopté sous l'influence des quelques grandes banques et piloté par [[Alexandre Lamfalussy]]. La directive libéralise la [[concurrence]] entre les [[marché organisé|marchés réglementés]] et les [[Système Multilatéral de Négociation|Systèmes multilatéraux de négociation]], qui obtiennent le droit de se passer d’un [[carnet d'ordres]] centralisé. Elle a réduit les capacités de surveillance des marchés et de connaissance des ordres. En [[2010]], moins de la moitié d’entre-eux passent par un [[marché organisé|marché réglementé]].<ref>« Vingt propositions pour réformer le capitalisme », par Gaël Giraud,Cécile Renouard [http://books.google.fr/books?id=w5md2wVBqtEC&pg=PT64&dq=directive+europ%C3%A9enne+mif+critique&hl=fr&sa=X&ei=Gyk0UYadBsSq0QXl8YGwCg&ved=0CFAQ6AEwBQ]</ref> En septembre [[2008]], neuf grandes banques, parmi lesquelles [[BNP Paribas]], [[Citigroup]] et [[Morgan Stanley]], lancent "Turquoise", le premier [[dark pool]] européen. Le tarif moyen d'une transaction sur un [[marché organisé|marché réglementé]] a baissé de 20 % à 40 %, selon une étude Oxera-Commission européenne publiée en juillet [[2009]], mais le coût global d'un même ordre, désormais fragmenté, n'a pas diminué car sa taille moyenne a été divisée par trois en deux ans, selon Bertrand Patillet, directeur général adjoint de CA Cheuvreux.<ref>« Deux ans après, un bilan mitigé », par Fabrice Anselmi dans L'AGEFI Hebdo du 29/10/2009 [http://www.agefi.fr/articles/deux-ans-apres-un-bilan-mitige-1112202.html]</ref> Dans un avis d'octobre [[2009]], l'[[Autorité des marchés financiers (France)|Autorité des marchés financiers]] déplore ne plus avoir les moyens de savoir ce qui se trame dans ces « bourses noires».<ref>« Vous aimez la crise ? Vous adorerez les dark pools », parDavid Servenay sur [[Rue89]]</ref> L'opacité des [[dark pool]]s, qui permettent de rester anonyme, est également critiquée par les pays du [[G20]] lors de la crise de 2008, ce qui amène la [[Commission européenne]] à réformer à l’automne [[2012]] sa [[directive concernant les marchés d’instruments financiers]] de [[2007]].<ref>« Une directive remaniée pour mieux protéger les épargnants », par Gilles Pouzin, dans ''[[Le Revenu]]'' du 7 octobre [[2012]].</ref>
 
== Notas y referencias ==
{{listaref}}
 
== Références ==
<div style="height: 250px; overflow: auto; padding: 3px; border:1px solid #AAAAAA; reflist4">
{{Références|références=
<ref name="verley-168">''La Révolution industrielle'', par Patrick Verley (2008), page 168</ref>
<ref name="enjeux-201107-48">« L'aggionarmento du système bancaire français », par [[Laure de Llamby]] dans ''Enjeux-Les Échos'' de juillet-août 2011, page 48</ref>
<ref name="verley-190">''La Révolution industrielle'' par Patrick Verley, Folio-Histoire, (2008) page 190</ref>
<ref name="enjeux-201107-52">« Napoléon III, l'Empereur au service de la Nouvelle économie », par Claude Vincent, dans ''Enjeux-Les Échos'' de juillet-août 2011, page 52</ref>
<ref name="lexpansion-19920109">[http://lexpansion.lexpress.fr/economie/comment-le-credit-lyonnais-devint-sage_7.html "Comment le [[Crédit lyonnais]] devint sage", par [[Jacques Marseille]], dans [[L'Expansion]] du 9 janvier 1992]</ref>
<ref name="davemanuel-djhist">[http://www.davemanuel.com/dow-jones-historical-data.php Dow Jones, Nasdaq, SP500, la totalité des variations (exhaustif)]</ref>
<ref name="stiglitz-384">"Le Triomphe de la cupidité", par [[Joseph Stiglitz]], page 384, éditions Les liens qui libèrent, [[2010]]</ref>
<ref name="trinh-52">[http://books.google.fr/books?id=_t1mAQfPNZ4C&pg=PA52&dq=bulle+sp%C3%A9culative+japonaise+Tokyo+Nikke%C3%AF&hl=fr&ei=Mk4bTqKvMovt-gbni5nXBw&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=10&ved=0CGAQ6AEwCQ#v=onepage&q&f=false « Il n'y a pas de modèle japonais », par Sylvaine Trinh, page 52]</ref>
<ref name="braudel-178">''Civilisation matérielle, économie et capitalisme'', volume 3 - Le temps du Monde, par [[Fernand Braudel]], page 178, [[Le Livre de poche]]</ref>
<ref name="kostolany-92">''Si la Bourse m'était contée'', par [[André Kostolany]], Julliard (1960), page 92</ref>
<ref name="kostolany-108">''Si la Bourse m'était contée'', par [[André Kostolany]], [[Éditions Julliard|Julliard]] (1960), page 108</ref>
<ref name="valance-98">"Histoire du Franc, 1360-2002", par Georges Valance, Paris, Champs Flammarion, 1998, page 98</ref>
<ref name="kostolany-129">''Si la Bourse m'était contée'', par [[André Kostolany]], Julliard (1960), page 129</ref>
}}
</div>
 
== Annexes ==
=== Articles connexes ===
* [[Liste des crises monétaires et financières]]
* [[Chronologie de l’histoire du télégraphe électrique]]
* [[Révolution financière britannique]]
* [[Chronologie de l'histoire des banques en Europe]]
* [[Histoire de la presse économique et financière en France]]
 
[[Catégorie:Bourse]]
[[Catégorie:Histoire du capitalisme]]
[[Catégorie:Crise financière]]
[[Catégorie:Bulle spéculative]]
[[Catégorie:Histoire économique des États-Unis]]
[[Catégorie:Histoire de la finance]]
[[Catégorie:Histoire économique]]
[[Catégorie:Wikipédia:Outil de retour des lecteurs]]
 
== Véase también ==
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== Referencias externas ==
{{listaref}}
 
{{Traducido ref|fr|Histoire des bourses de valeurs||parcial}}
 
 
[[Categoría:Cultura]]